Le voyage de Marty, Le Mirador #jour89

Je me réveil vers 5h, il est tôt, je me rendors. Je me lève finalement à 8h30 quand le soleil commence à taper sur la tente. Bilan de la nuit : aucune sensation de froid mais j’étais moins à l’aise qu’à l’accoutumée car vraiment avec juste les yeux le nez et la bouche qui sortent. Ha oui, des gens sont passés entre 5 et 8h mais ne m’ont rien dit.

Je déjeune mes bananes devant la vue et voit au loin des gens monter la montagne puis crier tous ensemble. Je me dis que ca doit être un match de sport ou qqch comme ça, j’irais voir après.

Je range ma tente et voit deux guatemaltèques qui me disent bonjour et me font coucou avec leurs mains. Je vais pour monter sur le sommet mais je vois qu’ils prient dans leur langue. Je me pose sur le côté et attend qu’ils aient finis. Je demande pour les gens au loin, on me dit qu’ils prient tous ensemble. Aujourd’hui c’est jour de prière, ils montent tous en haut de la montagne et prient ensemble pour être à plus proche et que dieu les entende. Assez impressionant.

Je doute sur ma journée : aller à la Laguna Magdalena, couper à travers la montagne et rejoindre la ville (25kms de marche) ou passer au mirador. Bon, la lagune c’est à 20kms de la route principale ca risque d’être la merde d’y aller et d’en revenir. Traverser à travers la montagne ca me chauffe bien mais il n’y a rien à manger sur la route et je n’ai déjà quasi rien mangé hier. Me reste le passage par le mirador. Qu’à cela ne tienne, on est partis !

Je retrouve la route principale. Je tombe sur des lamas dans un champs sur le bord !

En continuant, je vois des femmes tisser les habits traditionnels d’ici. Une enfant me dit bonjour, je lui a ai déjà dit bonjour hier en passant. Je me permets de lui demander si je peux la regarder travailler/si elle peut me montrer. Elle fait mine de pas comprendre. En fait je pense que c’était une façon de dire non. Elle tisse une espèce de grande écharpe. Ces pièces sont utilisées pour s’y enrouler dedans quand il faut froid ou se les mettre sur la tête pour protéger du soleil. Fil par fil, ça à l’air sacrément long. Elle me dit mettre environ 1 mois pour tisser une pièce. Wow, sacré travail. Je lui demande sans trop y croire si je peux la prendre en photo, là le non est franc et direct. Je la remercie tout de même et lui souhaite une bonne journée.

Je n’aime pas prendre les gens en photos mais des fois je me dit que je me restreints sûrement trop et que certains seraient content de me montrer leur travail autant que je le serais d’en avoir un souvenir photographique. Bon, là n’était pas le bon exemple.

Quand il faut récupérer des sous il y a du monde mais quand il faut montrer sa culture c’est la disparition. Bien dommage.

Ici toute la famille habite dans la même maison, ainsi certaines sont plutôt grandes !

En m’éloignant je vois aussi la mentalité changer. Alors qu’on répondait (ou pas) rapidement à mes bonjour, plus je m’éloigne plus les gens me répondent. Je discute même 5 minutes avec un groupe d’hommes qui partent au travail. Des gens se retournent en me voyant et appellent leur pote, me disent bonjour.

Je marche. Je marche. Je marche. J’adore cette Sierra, c’est absolument magnifique. Les immenses champs, les grands espaces, les moutons, la couleur verte des champs sublimée par la lumière orangée du soleil.

Après 20kms de marche, j’arrive bientôt au mirador. Je tombe sur un restaurant qui propose du mouton au barbecue ! Allez hop, me voilà devant une assiette. Pour une fois c’est bien rempli. En riz et en salade surtout, la viande il faut la chercher sur l’os, même si elle est très bonne. J’aime beaucoup le mouton.

J’arrive au mirador. On a une superbe vue sur toute la pleine et la ville de Huehuetenango, malgré le brouillard qui empêche de tout voir. Il y a aussi un chalet abandonné. Il est vraiment beau comme ça. Il n’est que 15h30 mais avec la lumière de ce soleil on a l’impression toute la journée que c’est le coucher de soleil.

Je regarde sur internet, Google me donne le coucher de soleil à 17h30. Ma main me dit 18h30. À quoi faire confiance ? À 17h il reste clairement plus d’une heure de soleil. Un énorme nuage arrive, le froid avec. Si je reste encore (alors que je suis fatigué et que j’ai froid) je risque juste de voir le soleil se cacher derrière les nuages. Tant pis, je rentre. Je vois donc le coucher de soleil dans la descente et la je comprend mon erreur : Google avait raison, ma main aussi. Le truc c’est que le mirador est à 1200m à dessus de la ville, le soleil s’y couche alors 1h plus tard.

(La technique de la main : tendre son bras main face à soit, poser son petit doigt sur l’horizon, chaque doigt entre l’horizon et le soleil donne 15minutes de soleil. Une main de 4 doigts donne ainsi 1h.)

Je rentre en bus et m’achète du chocolat et du pain. Je rentre chez mon CS de la dernière fois et mange ça. Ma douche me fait du bien. J’écris. Je fait le bilan de ces 10 derniers jours à chaud.

Bilan du Huehuetenango :

– Les gens sont pauvres mais ne travaillent pas forcément beaucoup. Ou du moins ils disent qu’il n’y a pas de travail, ce qui est vrai dans la campagne. Mais ce n’est pas pour autant qu’il vont aller ailleurs en trouver. Pour eux leur culture et leur famille est bien plus importante. Ils ne « peuvent pas partir » puisqu’ils sont « nés ici » et leur culture y est aussi. Ils y sont très attachés. On m’a fait la remarque qu’en France c’est facile parce qu’on « est riches ». C’est vrai, en France (en tant que pays) on a de l’argent à ne pas savoir qu’en faire. Cependant il ne faut pas oublier que nos langues se meurent, que nos campagnes se vident contrairement à ici. Il ne faut pas oublier que si mes aïeux ne s’étaient pas rapprochés de la ville, je serais fermier au fin fond du Cantal ou de la Pologne et non ingénieur en mécanique aéronautique. Chaque pays et culture prend le chemin qui lui sied le mieux. Il n’y en a pas un mieux que l’autre, mais on ne peux pas tout avoir. Le Guatemala ne peux pas devenir un pays riche s’il ne forme pas ses citoyens à l’université, la France ne peut pas perdurer ses traditions et ses langues si tout le monde part pour la ville. Les richesses de chacun sont alors différentes, la culture ou le développement. Toujours dans le même registre, ils ne cherchent pas non plus à gagner de l’argent d’une autre manière que leur aïeux. Typiquement la cascade de San Pedro Saloma en est un bon exemple : une cascade de plus de 100m de haut, une richesse naturelle folle à 3,5kms de la ville et les gens de la ville ne la connaissent pas ! Et ils ne la monétise encore moins! Alors que ce serait un bon moyen de ramener du tourisme, des clients à l’hôtel, au restaurant, au taxis, de faire payer l’entrée. Mais ça n’est pas dans leurs habitudes. Ils ont un moule dans lequel ils sont depuis 2000 ans et duquel ils ne sortent pas.

– Je ne sais pas pourquoi mais dans ma tête les espagnols avaient tués tout le monde pendant la conquête, il ne restait rien de ces peuples. En réalités ils sont bien toujours là, au fond du Huehuetenango et dans tout le Guatemala. Il y a 30 langues au Guatemala, qui sont utilisées tous les jours. Les enfants les apprennent à l’école comme les maths ou l’histoire. Des gens ne parlent même pas espagnol ! Je pensais également le temps des missionnaires terminé mais non. Comme je l’expliquais dans un autre article, ils apprennent aux peuples à prier et honorer dieu « de la bonne façon » parce qu’ici « ils ne prient pas toujours en accord avec la bible ». J’avoue que je trouve ça un peu choquant, même si leur idée n’est pas de remplacer leurs croyances de bases mais de les mélanger.

– Outre la zone de Todos Santos, les gens sont super gentils. On vient me parler, on m’invite, on me prend en stop. Les gens sont adorables et rendent service autant qu’ils peuvent. Ils sont super agréables ! Après bien sûr il y a des endroits où les gens sont bien plus méfiants et moins cools.

– Je ne sais pas jusqu’à quel âge l’école est obligatoire, je n’ai pas pensé à le demander. C’est dommage. Beaucoup n’ont que très peu d’éducation scolaire. Lorsque je dis que je vient de France, on me demande si c’est loin depuis les USA. Mais la France c’est pas les USA c’est l’Europe. Quand je dis la France on me dit « oui oui » mais quand je montre la carte sur Maps on la regarde avec attention. À chaque fois on me demande quelle langue on parle en France et si notre monnaie c’est bien le dollars. Pour eux le seul pays qui existe en dehors de l’Amérique Centrale ce sont les USA. J’avoue que des fois c’est un peu relou qu’on me prenne tout le temps pour un états-unien, d’autant qu’ils n’ont pas forcément bonne réputation.

– Je n’ai jamais vu de préservatifs ici, je pense qu’ils n’utilisent pas de moyen de contraception, c’est pourquoi ils sont mariés à 20 ans. Ils n’ont qu’un amour, la femme tombe rapidement enceinte, ils se marient et passent leur vie ensemble. À chaque fois on m’a demandé si j’avais une famille, si j’étais marié. Ceci étant dit, ils sont tellement gentils, tellement dans l’acceptation, que ça ne doit pas si mal se passer que ça. D’autant que les hommes travaillent d’un côté (au champ, conducteur de poid lourd) et les femmes au village (avec les enfants, un magasin, un « restaurant »).

– Niveau nourriture, ils mangent beaucoup de maïs et de haricots rouges, ce qu’ils produisent. La nourriture de rue se limite à du poulet frit avec des frites. En voyage c’est bien bon 3-4 jours mais après bon…

– Ils ne sont pas très grands, entre 1m50 et 1m60 pour les hommes. Leurs racines indigènes sont encore ici.

– En tout cas j’ai adoré cette partie de mon voyage, elle était vraiment « authentique ». Il n’y a pas de touristes après la Laguna Brava, et même ici peut d’étrangers. Je n’en ai pas croisés de tout mon tour d’ailleurs. À certains moments, à partir de la Laguna Brava principalement, j’avais vraiment l’impression d’être dans un reportage, c’était assez ouf.

– On me demande souvent si je viens prendre des photos. Mais non, je viens d’abord voir des choses et vivre des choses ! Un voyage quoi ! Après les photos c’est des souvenirs ! Après j’ai l’impression que les Guatemaltèques qui voyagent, un peu comme les Mexicains, pour certains il viennent, ils prennent en photo et ils repartent sans même avoir regardé. Au Mexique c’était parfois vraiment choquant.

Avec le recul, j’ai vécu là un truc assez dingue quand même. Mais même de manière générale, ce voyage est génial. J’ai l’impression de vivre et d’apprendre en quelques jours autant qu’en quelques mois en France. J’ai vu certaines choses chez moi changer entre le début et la fin de mon tour de la région. C’est à dire en 10jours. C’est complètement insensé. Être au contact direct et tous les jours avec des gens qui n’ont pas du tout la même culture fait prendre énormément de recul, se poser énormément de questions, comprendre beaucoup de choses. La nature d’ici est également complètement ouf. Tout va si vite dans ce voyage. J’ai à peine finis cette région que déjà certains moments sont des bons souvenirs à l’écriture des différents articles. Ça me fait penser à une chanson de Lonepsi – Ce que je vis me manque déjà.

Bilan : 102 qtz soit 11€60

3 commentaires

  1. « Quand il faut récupérer des sous il y a du monde mais quand il faut montrer sa culture c’est la disparition. Bien dommage.  »
    Mais quel mépris, quelle indignité Marty !

    Sinon c’est quoi la technique de la main pour avoir l’heure du coucher du soleil ?
    Ah merci tu m’as répondu !

    J’aime bien ton analyse de la situation à la fin, très clair ! Qu’est-ce qui a changé chez toi du coup ?

  2. Ping :Un château à vélo: El Castillo de Butrón (Bilbao) - BivouHack Live

  3. C’est un poil vindicatif mais j’avoue que c’est pas très agréable quand on ne répond même pas à tes bonjour et te regarde avec mépris, par contre on deviens tout mielleux quand il faut demander de l’argent.

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