USA #17: les aventuriers du rail 1

2 mars 2025.

Finalement, on a pris le bus d’hier soir depuis Houston vers San Antonio. Hier soir, c’était samedi soir. Le centre ville était animé, mais on n’est pas allés faire la fête. Non. À la place, on a prit une chambre dans un motel, on a lavé nos affaires, on s’est bien lavés et on a préparé la suite : chercher un endroit correct pour tenter de faire du train hopping.

Le train hopping, c’est une pratique assez connue en Amérique, bien plus que chez nous. Le concept c’est d’embarquer clandestinement sur des trains de fret pour pouvoir couvrir de grandes distances sans payer. C’est une pratique qui est apparue ici en même temps que le chemin de fer et qui permettait à beaucoup de gens de traverser le pays pour trouver du boulot ou peu importe. Jack London en parle bien dans son bouquin « the road ».

Bref, toujours est-il que ce matin, on a un plan. Après un gros petit dej dans le centre de san Antonio, on prend un bus qui nous emmène dans une banlieue excentrée un peu pourrie, à proximité du yard SoSan (South San Antonio). Petite particularité du coin: le yard est lui même collé à une base de l’US air force : en arrivant, on voit s’envoler 2 avions de chasse dans un bruit assourdissant. Je comprends que le quartier ne soit pas recherché par les riches du coin.

Le plan pour la journée est simple : observer, écouter, essayer de comprendre. Le but est de voir comment on pourrait sauter dans un train et comment plus ou moins savoir où il va.

Un yard ferroviaire, c’est une gare de triage. Les employés de la Union Pacific travaillent ici 24h/24 pour recevoir, trier/construire et envoyer des trains. Le yard est très grand, il doit faire 4 ou 5km de long et il y a pas mal d’activités de triage dessus. Dans un premier temps, on va s’installer du côté de la sortie du yard. On se dit que ça pourrait être bien de sauter dans un train qui part vers l’ouest. Mais avant tout, observons. Et pendant 6h, on scan les fréquences radio, on observe les manœuvres, on note les heures de départ, etc. C’est tranquille et super intéressant.

17:00. Avec le temps, on de détend un peu. Un pickup qui traverse la voie ferrée me voie dans ma cachette. Je vois qu’il s’arrête alors je me cache mieux. Mais c’est trop tard. En quelques secondes, Alexis et moi sommes cernés par deux cowboys un peu autoritaires et avec le flingue à la main. On essaie de dire qu’on est des touristes qui regardons les trains, mais le cowboy veut gentiment nous foutre dehors. Alors on se barre et on marche le long de la route avec nos sacs à dos et un gros texan qui nous suit dans son pickup avec un gun à la main. Finalement, il se lasse et nous laisse tranquille au bout de 15 minutes.

Alors on va se trouver une autre cachette, dans un petit bois sur le bord du yard. Là encore, on observe et on attend la nuit tranquillement. Après un délicieux resto mexicain en ville, on décide de bouger encore pour aller vers ce qui nous semble être la voie de départ des trains vers l’ouest. Comme on a traîné là toute la journée, on veut la jouer discrets alors on fait un grand tour pour contourner le yard et s’offrir un bon accès aux voies de départ.

23:00. ça y est, on a traversé les voies. Rien de bien difficile. On essaie d’être discrets mais de toute façon ya pas un chat de ce côté du yard. Au moment où on atteind la dernière voie, on entend un crissement : le train bouge, il est en train de se barrer ! Après cette journée d’observation, on sait qu’on a environ deux minutes à partir de la mise en marche du train pour monter. Après il va trop vite et ça devient dangereux (t’as vu maman, je suis raisonnable).

Alors on court. On court parce que les wagons à notre niveau sont pourris et qu’on doit vite trouver ce qu’on veut. Alexis est devant moi. Rapidement, il grimpe dans un grainer. Il me dit de monter dans le suivant, on sera face à face. En quelques secondes, on est tous les deux à bord du train qui démarre. Des heures de recherche, 12h d’observation et beaucoup d’appréhension ont précédé cette action. Et là, en quelques secondes, tout s’envole tout se concrétise. C’est magique !

Un grainer, c’est un wagon de grain. Leur avantage, c’est qu’ils ont une petite niche dans laquelle on peut se cacher tranquillement.

Et c’est parti ! Le train nous emmène vers l’Ouest ! À nous le Texas, le Nouveau Mexique, l’Arizona et la Californie !

Aventurier du rail, nom de code Blaireau
Aventurier du rail, nom de code Flétan (c’est moi ohohoh)

Non. Après 10 minutes de trajet, Alexis me dit que le train a pris un aiguillage vers le sud, vers le Mexique. Putaiiiin. Et puis 10 minutes après, on s’engage dans un autre yard et là on attend un moment. Notre locomotive se barre, des wagons sont ajoutés. Et puis on sort, et puis on re-rentre. Alexis est fou, il essaie à tout prix de comprendre ce qu’il se passe. Je crois qu’il n’aime pas ne pas avoir le contrôle sur ce qu’il se passe. Perso, j’admet que je ne comprends rien et j’attends tranquillement le moment ou sera sûr qu’il faille sauter du train ou non.

Finalement, après moult péripéties le train se met vraiment en marche vers 2:30 du matin, vers l’ouest. Et là, on roule presque non stop jusqu’à 7:00. Quand Alexis me signale de nouveau qu’on a prit la direction du Mexique. Finalement, on finit à nouveau dans un yard, mais celui-ci n’est pas sur la carte. On reste pliés en 4 dans nos niches en attendant que le train reparte. On se cache du personnel de la Union Pacific par peur de se faire casser la gueule ou emmener en prison. Ben ouais, notre référence en terme de train hopping, c’est Jack London qui faisait ça ya bien 130 ans. Et c’était plus violent à l’époque.

Tu vois le blaireau dans son terrier ?

Vers 11h, un pickup s’arrête et un mec siffle et baragouine un truc en espagnol. On sort de notre cachette. Le gars nous dit que ça fait 2h que son collègue nous a vu, qu’il nous a pris pour des immigrés illégaux et qu’il voulait nous dire que tous les trains qui passent par ce yard vont au mexique. Bon ben nous on veut pas spécialement aller au Mexique parce que avec son visa, Alexis aurait des problèmes au retour. Le mec du yard dit qu’il s’en fout qu’on soit là, il voulait juste nous prévenir. Finalement il est sympa ce mec !

Une ligne droite. Infinie.

Alors on prend nos sacs et on marche jusqu’au bled le plus proche. Comme beaucoup de villes au Etats Unis, Spofford est construit autour de la voie ferrée. Mais Spofford n’a pas dépassé le stade embryonnaire… Pas un seul commerce, quelques maisons espacées et crasseuses et des habitants taiseux et méfiants. Le train a peu de chances de s’arrêter dans ce trou alors on decide de faire du stop jusqu’au prochain crew change : Del Rio.

On trouve assez facilement deux voitures qui nous y emmènent. L’immigration illégale à l’air d’être un gros sujet dans le coin. La deuxième voiture qui nous prend nous demande même nos papier pour être sûre ! Faut dire qu’on est des étrangers, c’est suspect. On mange aussi. Dans le coin, c’est la bouffe mexicaine qui domine. Et elle est délicieuse. Pour 10 dollar chacun, on peut se faire une vrai bonne bouffe.

Et on arrive à Del Rio vers 14h. Selon les infos d’Alexis, Del Rio est un crew change, c’est à dire un endroit où peuvent se faire les changements d’équipage ferroviaire.

Del Rio, c’est un bled très proche de la frontière mexicaine. On aurait bien visité la ville, mais comme beaucoup de ville américaine, c’est très étalé, sans réel centre, avec des commerces en « drive » ou dans des zones commerciales en dehors de la ville. Bref, ça n’a pas vraiment d’âme, ni d’intérêt quelconque. C’est juste fait pour la bagnole.

Une baraque à Del Rio.

Alors notre programme est simple. On a juste à s’asseoir et attendre un train qui va vers l’Ouest. La ligne est simple ici : soit on va vers l’Est, soit vers l’Ouest. Alors on repère une cache le long des rails et on attend. Et oui, le train hopping c’est parfois excitant mais c’est surtout beaucoup d’attente. Comme on n’a presque pas dormi la nuit passée, on en profite pour roupiller, et puis discuter, et puis roupiller. Je continue à noter les trains qui passent. Pendant tout l’aprèm, je note juste deux trains qui vont vers l’est et une loco toute seule vers l’ouest.

Et puis finalement autour de 23:30, alors qu’on roupille tous les deux dans un champ en profitant de la douceur texane, Alexis me réveil. Notre train arrive ! Alexis est fantastique. Il a des yeux de lynx, des oreilles de lapin et un sommeil fort léger. Perso, je pense que je ne l’aurais jamais entendu ce train. Quand je dors, je dors. Mais là il faut se réveiller et vite. On attrape les sacs, on court sur le ballast dans le noir et avant même que le train ne s’arrête (on ne sait pas si il va s’arrêter, il faut profiter du fait qu’il ai beaucoup ralenti), Alexis repère un wagon idéal et saute à bord. Ben ouais, l’oeil de lynx ! Je le rejoins et… Le train s’arrête pendant une heure !

Alors c’est pas grave. On s’installe tranquillement et je m’assoupi. Cette fois, on est sur un wagon à containers. En fait, on est sur un train entier de containers, donc pas vraiment le choix. Le wagon qu’on a choisi comporte un excès de plancher pour accueillir des IBC tanks (tonne à eau). Ça nous laisse donc plein d’espace pour poser les sacs et s’allonger, on est bien mieux installés que sur le grainer de la veille.

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