Mercredi 12 mars
On se lève en même temps que le soleil. On veut mettre toutes les chances de notre côté pour aller à Lake Tahoe au plus vite pour pouvoir profiter un peu de la fin de notre voyage.

Notre premier chauffeur, c’est Marvin. 72 ans au compteur et une patate d’enfer. Il a fondé la seule boîte du coin qui installe du grillage. Au cours de ces dernières décennies, certains aménagements local lui ont permis d’avoir de beaux contrats. Ainsi, il a grillagé les transfos des champs éoliens, les fermes de Marijuana de California City et… L’aéroport !!! Il était justement avec les autorités de l’aéroport ce matin. Apparemment, il y a des vols de connecteurs en or dans les carcasses d’avion. Mais Marvin pense que ce sont les employés du yard qui volent, puisque ses grillages sont impénétrables. Je me délecte de l’ironie de la situation mais n’ose pas le contredire. D’autant plus que le personnage est génial. Il travail encore parce qu’il aime son boulot, il aime ses ouvriers, il aime les gens du coin, il aime sa famille. Il y a un mois, il s’est offert des vacances à Hawaï avec ses enfants et petits enfants. Ses premières vacances depuis 20 ans ! Bravo l’artiste et merci pour le ride.
Je dois faire un petit apparté sur California City. À la fin des années 50, pendant le boom économique des states, des investisseurs ont acheté énormément de terrain dans le désert et ont tout préparer pour y faire une grande ville. C’est d’ailleurs une des plus grandes villes de Californie par la surface. Ils y ont préparé des routes, des réseaux d’eau et d’électricité, des parcs, etc. Sauf que le truc n’a jamais tellement pris et aujourd’hui, la population est estimée à 14 000 habitants. Aujourd’hui, il y a donc plein de rues au milieu du désert, non bâties. Depuis 2016, la culture du cannabis y est légal. Les fermes y ont fleuries et ça a été une aubaine pour l’économie locale et notamment pour notre ami et son entreprise de clôtures. Marvin et tous ses gars fument de l’herbe tout le temps.
Allez, petit apparté sur la Marie-Jeanne. Depuis le debut de notre voyage, elle est partout. On la sent dans la rue, tous les gens qui nous ont hébergé en fument, certains de nos conducteurs en fumaient même au volant au moment de nous ramasser. Elle est vente libre dans des « smoke shop » dans tous les patelins. Globalement, la weed a l’air de bénéficier d’une image très positive ici, bien plus qu’en France. Bien qu’elle reste interdite dans certains états et au volant, les flics ont l’air bien laxistes sur le sujet.
Perso, j’aime bien planner de temps en temps, ça détent, ça fait rire, ça apaise les douleurs et les problèmes, c’est juste un genre d’ivresse quoi. Mais hors de question d’être ivre au quotidien. Mais pourquoi les ricains aiment tant se péter la tête toute la journée ? Perso, j’y vois un signe de la dureté de la vie aux states. Au delà du confort materiel apparent, beaucoup de gens sont tenus par des crédits, n’ont pas de sécurité de l’emploi, pas de couverture sociale, rendus méfiants par leurs médias de merde et par un système qui les vole (les assurances et le système de santé sont littéralement des arnaques légales et beaucoup de gens qu’on a croisé les évitent autant que possible). Eh ben tout ça, j’imagine que ça empêche pas mal d’américains de bien dormir le soir. À ça, il faut bien sûr disponibilité des produits, peu de répression et des effets de mode et de groupe qui font que tout le monde fume.
Fin de l’apparté. La journée avance et en 9 chauffeurs, on parcourt presque 600 bornes sur la route 395. On traverse des falaises rouges, des coulées de laves noires, un salé et quasi sec depuis que l’eau du coin a été détourné pour alimenté Los Angeles, et puis les pics enneigées de la Sierra Nevada. Après la ville de Bishop, la route monte vers Mammoth Lake, la première station de ski. La zone est sauvage, montagneuse, désertique, volcanique et enneigée, c’est beau. D’ailleurs, une tempête de neige commence à pointer de bout de son nez. On serait bien resté dans le coin pour passer la nuit à côté d’une source chaude dans la neige qui tombe, mais le temps nous presse.
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Plus on avance dans la montagne, plus on trouve des chauffeurs rapidement et plus les gens sont sympas. On croise les routes d’un cowboy super sympa (un vrai de vrai avec les bottes à éperons et une carabine pour tirer les coyotes), d’un pompier super cool qui va au ski, d’un pilote de jet cultivé et détendu, d’un local qui rentre du ski, d’un gars de L.A. récemment installé, d’un hôtelier qui s’est mis à l’élevage de poules depuis l’explosion du prix des œufs causée par une épidémie de grippe aviaire. Tous sont heureux d’habiter ou de traverser le coin. Ils sont beaucoup plus détendus, confiants, instruits, curieux, bienveillants que leurs concitoyens des villes. C’est fou l’influence que l’environnement peut avoir sur le caractère et l’humeur des gens. Un gros critère joue également : il n’y a pas vraiment de misère ici. Ça m’amène une question : est ce que c’est parce qu’il n’y a pas de misère que les gens sont sympa ou est-ce l’inverse ?





Et puis finalement on arrive à South Lake Tahoe avec la nuit. Et la neige. On essaie de faire du stop, mais la route ferme, il se fait tard. Il nous reste à peine 60km pour rejoindre Keoki à Squaw Valley. Mais on a déjà fait une bonne journée et il faut savoir s’arrêter. D’autant plus qu’un gars nous propose le gîte ! C’est Brett. Brett est ultra gentil et bienveillant. Il a de la maille aussi. Un gros 4×4, une grosse villa sur le bord du lac, avec la route et le garage d’un côté et le ponton pour le bateau de l’autre côté. Franchement, c’est la classe. Pour autant, ça n’a pas l’air d’être la grande joie. Il est divorcé et a l’air d’être très seul. Enfin. Là on arrive dans les suppositions, parce que l’homme ne parle pas beaucoup de lui. On parle finalement olus de bouquins, de musique. Il a l’air d’avoir des goûts similaires aux nôtres, ou du moins il connait Manu Chao et Jack London ahahah.
Quoi qu’il en soit, merci Brett pour la nuit au chaud et bonne chance pour la suite.

Jeudi 13 mars
Le matin, on reprend le stop pour les 60 bornes qui nous séparent de Squaw Valley, une petite station au nord du lac. Un pompier nous avance en pickup jusqu’à une intersection. Là, une jeune femme galère à mettre ses chaînes. En deux temps trois mouvements, une équipe technique composée de deux ingénieurs d’élite (eh oui, messieurs dames, l’élite) lui proposent leur aide et installent les chaînes comme des pro. Reconnaissante, Sheila nous avance de 30 solides kilomètres. Ça c’est un commerce efficace ! Et puis ça fait du bien d’aider quelqu’un aussi.

Puis un israélien nous avance de 500m en cybertruck. Ça n’a plus aucun sens : il y a deux jours il fallait attendre 4h sans que personne ne nous prenne et maintenant des gens avec des voitures de luxe s’arrêtent pour qu’on salisse leur caisse avec nos chaussures mouillées.
Enfin, après un tour en bus, Léa nous amène jusqu’au parking de Squaw Valley. Elle, c’est une californienne cool. C’est d’ailleurs fou la densité de gens cools ici. Tout le monde est beau et souriant, tout le monde adore Rider la powder. Léa est une asiat avec un grand pull, un bonnet rouge et un accent californien suave. Elle a tellement la classe que j’ai l’impression d’être dans un film.
Et elle nous pose devant la gallerie Keoki. Alors Keoki, c’est un ami d’enfance de ma mère. Je crois que ce sont ses parents qui sont venus vivre en Haute-Savoie quand il était gamin. Après, il est devenu photographe et aventurier. Il a parcouru le globe dans tous les sens. Des Alpes à l’Himalaya, de l’Antarctique à l’Alaska. Il fait principalement des photos de nature avec parfois un humain dedans, comme un skieur qui trace une ligne dans une pente raide ou un kayakiste dans la neige et la brume.


Bon voilà pour l’artiste. Maintenant le bonhomme : c’est une boule d’énergie. Il saute partout, discute avec nous, nous explique son travail, il est très ouvert, généreux et semble ami avec tout le monde. Avec Alexis, on est très vraiment impressionnés par son sens de l’hospitalité. Il nous met à l’aise nous présente ses amis. Mais en fait ses amis nous connaissent déjà, puisque depuis notre appel de la veille, il demande à tout le monde si ils oseraient faire une traversée des États-Unis en stop. Son appartement est génial aussi. Les gens entrent et sortent, discutent et repartent. L’endroit déborde de vie. Ça me rappelle ces appart qui nous servaient de repère quand on était étudiant. À n’importe quelle heure, il suffisait de frapper à la porte et on savait qu’on allait passer un bon moment. J’aimerais que mon chez moi soit comme ça un jour, un endroit ouvert où les gens se sentent bien.

Malheureusement, Keoki doit s’absenter et on a pas beaucoup de temps pour discuter avec lui. Et la journée continue. En quelques heures, on rencontre Emily, Tim, Malcolm, Chris, la voisine du dessus et le vendeur de ski. Autant dire une après-midi bien chargée.
Pendant presque toute la journée, il continu de neiger. En fait, c’est la plus grosse chute de neige de l’année : il est déjà tombé 50cm en 24h et il doit encore neiger plusieurs jours. Franchement, c’est une occaz en or d’aller skier. Sauf que les ricains sont des maboules : le forfait journée coûte 290$ ! Et la location de matos c’est 100$ la journée ! C’est plus que le salaire moyen dans la plupart des pays du monde. En Chine, tu peux t’acheter une moto pour moins que ça.
Heureusement grâce aux contacts et conseils de Keoki, j’arrive à avoir 35% sur le forfait et 20% sur le matos. Le prix reste indécent, mais c’est sans doute la seule occasion que j’aurais de faire du ski aux states et d’ailleurs ça sera la première fois que je skie hors des alpes.
Pour Alexis en revanche, c’est hors de question de payer si cher. Il va plutôt passer le lendemain à se promener, il pense louer des raquettes.
Le soir, on décide (dans un but journalistique bien évidemment) de faire une petite tournée des bars. Le premier bar s’appelle le Chamois. Ah j’vous ai dit que le centre du patelin s’appelle la place de Chamonix ? Franchement chui à la maison. Voyant que j’étudie la carte de la station sur le comptoir, le barman vient faire connaissance. Ici quand je dis « je viens des alpes, à côté de Chamonix », les visages s’illuminent. Presque tout le monde à alors une anecdote à raconter. L’un y est allé skier l’an dernier, l’autre y a passé un été pour faire de la montagne. John le barman y a justement fait un treck il y a deux ans. Enfin, on achève de gagner sa confiance quand on lui dit qu’on loge chez Keoki. « Les gars, ça vous intéresse un forfait à moitié prix ? » Alexis lève la tête : « et ben ouais pourquoi pas ? ». John s’absente une minute et reviens avec un bout de papier sur lequel figure un Code bar. « Bon j’ai trouvé ça, c’est un voucher pour un ticket gratos. Si je vous le donne vous allez l’utiliser ? »
Et c’est ainsi qu’un barman a offert 300 balles de forfait à Alexis. Alors voilà, si vous croisez John le barman du Chamois de Squaw Valley, et ben payez lui une bière et dites lui qu’on l’oublie pas !
Toujours aussi rocambolesque, tes récit!
Bon, par contre, j’ai l’impression que ce n’est pas que la route qui t’a bien rempli ces derniers temps ! Le voyage forme la jeunesse, mais apparemment aussi les joues.
Ah ben la bouffe américaine fait son œuvre