USA #20: California, baby!

8 mars 2025 (Suite)

On arrive au yard de Tucson vers 22h avec le bus de ville. Comme à New Orleans, les gens sont super sympas dans le bus, on discute un peu. Comme d’hab, ils nous souhaitent bonne chance et nous disent de faire attention. Bien sûr qu’on fait attention !

Avant de monter dans le train, on doit se changer. On doit enfiler nos habits sombres et sales pour monter sur le train. En 10 minutes dans un endroit à l’abris des regards, on est changés, on est passés du mode rando au mode train. On passe la clôture et on saute dans un train de containers qui part vers l’ouest. On attend même pas 10 minutes, quelle chance !

Petit hic cependant : pendant que je cours sur le yard, mon verre de lunette droit décide qu’il en a marre de voyager avec moi et tombe sans plus de raison sur le balast de la voie. Je le récupère et je grimpe sur le train, à moitié bigleux.

Le train n’est pas si sale. Je sors mon sac de couchage et passe une nuit correcte dans le vacarme du chemin de fer. les boules quiès font bien plaisir. Alexis, lui, me confiera s’être bien pelé le fion cette nuit là.

9 mars 2025

On passe Yuma et on arrive en Californie vers 8h du matin. Le train avance doucement mais sûrement. On arrive dans la vallée de Coachella. Il y a des montagnes désertiques à droite, des dunes de sable à gauche. Des RV (caravanes, Camping cars) forment des camps en cercle dans le désert comme au temps du far west. Je profite de la vue et je bouquine un peu. La vie est simple sur le train.

Le train passe à proximité de Slab City, une ville de Hippies assez connue au milieu du désert. On y aurait bien jetés un coup d’œil, mais le train ne ralenti pas, impossible de descendre. Tant pis, on continue vers L.A. !

On passe la Salton Sea, un grand lac ou une petite mer, je sais pas. C’est une grande étende d’eau au milieu du désert, magnifique. On voit apparaître les palmeraies à dattes et les champs de légumes. La Californie !

Et on descend. Les collines verdissent et sont couvertes d’orangers chargés de fruits. La Californie !

Et petit à petit on arrive dans une zone urbaine infinie : Los Angeles. Le train ralenti et on s’enfonce dans la ville. Finalement, on descend vers 18h alors que notre train commence à être démentelé dans la banlieue Est de LA. On ne voulait pas spécialement visiter LA mais le train a décidé pour nous, alors on y va !

Rapidement, on se trouve une petite auberge de jeunesse sur Booking et on s’y rend en bus. L’endroit est un peu étrange : c’est une maison vide avec des lits superposés dans les chambres. Le tenancier à l’air d’être un chinois, on a uniquement un bref contact avec lui téléphone pour avoir le code de la porte. L’endroit est neuf, mais sale et pas entretenu. C’est pour ça que c’est pas cher je suppose. Finalement, on constate que le lieu semble surtout occupé par des travailleurs étrangers qui y trouvent un loyer fort bas pour la cité des anges. On y rencontre Ur, un commerçant turc qui est arrivé il y a quelques mois. Il est là pour inscrire ses enfants dans une université américaine et faire de la thune (l’un ne va pas sans l’autre).

Ur aime parler avec nous de sa vie aux États-Unis. Ici, c’est facile de faire de l’argent, il suffit de travailler beaucoup. Et trouver du travail, c’est facile aussi. Lui, il a deux business. Le matin, il parcourt les bibliothèques de la ville pour récupérer des grands lots de vieux livres bradés. Ensuite il les vend sur Amazon avec une bonne marge. Le soir, il fait des livraisons avec Uber Eats. Il dit qu’ici, tout le monde travaille dur pour gagner de l’argent, mais que ça vaut le coup. Par contre, il ne pourrait pas passer sa vie ici. Tout est faux, tout est spectacle. Il confie que les gens sont sympas principalement par intérêt. Alors il travaille, tous les jours de 7h à 21h. Son fils et sa fille sont sportifs avec un bon niveau en Turquie. Il espère qu’ils pourront intégrer une équipe universitaire ici, ce qui leur ouvrirait beaucoup de portes.

10 mars 2025

Le matin, Ur nous offre de nous conduire jusqu’à la plage de Santa Monica à 6:30 avant sa journée de travail. La dernière fois qu’on a vu la mer, c’était le golfe du Mexique en Alabama, maintenant on a atteint l’autre côté ! On vient de passer une grosse étape!

On s’enfile un petit déj de bobos à 15 balles à Santa Monica et on prend le métro pour le centre. Là, on visite le City Hall, la mairie. C’est génial : les gardiens sont super détendus. Le gars de la sécurité nous dit de planquer nos couteaux dans les plantes devant le bâtiment pour pouvoir entrer. Puis on discute avec le gars du guichet pendant 10  minutes de notre voyage. L’entrée est gratuite. Ensuite, on se promène librement dans la mairie avec nos gros sacs à dos et une étiquette « visitor » sur le pull. En haut de l’immeuble, on a une vue sur la ville. Au 3e étage, l’architecture imposante imite une église byzantine ou des salles de chapitre monastiques. Et au 2e étage, on mange notre lunch à la cafétéria de la mairie avec les fonctionnaires de la ville. Si vous passez à L.A., la visite de la mairie est un bon plan !

Après manger, on prend un train de banlieue pour aller vers notre spot de stop. L’objectif maintenant est d’aller vers le nord pour aller à Lake Tahoe, un grand Lac au coeur de la Sierra Nevada ou on doit retrouver un ami de ma mère. On a même pas 800 bornes à parcourir, ça paraît totalement faisable en 1 ou 2 jours de stop. D’autant plus qu’on nous a bien dit qu’en Californie, le stop ça marche bien.

On commence le stop un peu tard, vers 16h. Mais on a un excellent spot à l’entrée de l’interstate 5, ça devrait aller bien.

Sauf que non. Entre ce lundi 10 mars 16h et mardi 11 mars 13:00, on fait 10km avec 2 voitures. C’est la misère noire, on à nouveau coincés.

Mais n’allons pas trop vite. Le 10 au soir, on se retrouve coincés par la nuit à côté d’un hôtel. On a pas vraiment envie d’y dormir, mais on y fait un crochet pour prendre une mousse et à manger. On passe la soirée à discuter avec deux américains typiques.

L’un est un ingénieur soixantenaire, il voyage beaucoup, assez cultivé. Pas d’arme à feu, citadin, divorcé. Il a pas l’air d’avoir grand chose à part le boulot. D’ailleurs, il est là pour le boulot.

L’autre est un campagnard du nord de la Californie, mécano pour hélicoptères. Il a plein de flingues, il est assez conservateur, il déteste les villes, il est aussi divorcé, il est aussi là pour le boulot.

C’est l’occasion de noter que beaucoup d’américains qu’on a croisé sont divorcés.

11 mars 2025.

On lève le pouce à 8:30 après avoir plié le camp, avec l’espoir d’avancer vraiment. Un camioneur Tadjik nous avance de 5 miles et après, rien. C’est la misère. Les locaux ne sont pas spécialement hostiles, c’est juste qu’ils nous ignorent.

À 13:00, on abandonne. Il faut qu’on avance. On reprend un bus et un train qui nous amènent plus loin de Los Angeles. Sur la route on passe par Lancaster, un bled sans intérêt à la limite du désert à 100km de L.A. Étrangement, ce bled n’est pas si tranquille que ça. On assiste à une scène surréaliste où un camé excité qui porte des Nikes volés discute avec un gars en fauteuil, extrêmement obèse, qui veut lui refiler un portable. À côté de nous une mamie guatémaltèque très gentille les regarde avec un air inquiet, elle a peur. De l’autre côté, une fille avec des yeux écarquillés lâche des injures sur le fait que le bus est en retard. Conclusion : on dirait que tout le monde est timbré à Lancaster.

Finalement, on se fait poser par le bus à Mojave, une toute petite ville du désert qui marque le début de la route qui doit nous emmener jusqu’au lac Tahoe. Mojave est une ville étonnante, elle aussi. C’est un désert venteux et un lieu de passage. Il y a une voie ferrée très utilisée, une route importante, et même un aéroport ! L’aéroport est très grand mais est un peu particulier. Il sert de lieu de test et d’astroport (c’est officiellement un astroport !) pour des vols extra atmospherique, notamment pour feu le Spaceship de Virgin Galactic. Le lieu sert aussi de cimetière pour des avions de ligne. Les avions atterrissent ici puis sont stockés et démentelés ici, dans le désert.

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À 20:10, on fait une pause pendant notre repas pour voir le decolage d’une fusée de SpaceX depuis la base de VaudenBerg, à 200km à vol d’oiseau. On voit un point rouge qui monte dans le ciel au loin, puis une énorme boule de feu à la séparation du booster et en une minute c’est plié. C’est fou, entre ça et l’aéroport au milieux du désert, et tous ces coins similaires au Nouveau Mexique ou en Arizona, je réalise à quel point les US sont le pays de l’aérospatiale.

Ne voyant pas de raison particulière de prendre une chambre dans un des nombreux motels du patelin, on décide de camper dans le désert en bordure de la ville.

Mais le soir, je ne me sens pas tout à fait dans mon état normal : je ne suis pas fatigué, cet aéroport au milieu du désert m’intrigue.

Alors je pars seul vers l’immense aéroport (il fait facilement 5 fois la superficie du village). Si le FBI lit ces lignes, je suis désolé pour le cadenas, je peux vous le repayer et en échange vous m’envoyez pas à Guantanamo. Deal ?

Donc avec un peu d’ingéniosité et de patience, je passe les deux grillages barbelés sans me faire voir par les 4×4 qui patrouillent le pourtour de l’aéroport. L’adrénaline est au max. J’ai rarement eu aussi peur et pourtant, je me sens hyper bien. Je traverse le tarmac en terre sous la lumière de la lune. Avec mes vêtements sombres et dans un lieu aussi étendu, je suis invisible. Et j’atteins les avions. Je ne suis dans une zone secondaire où il n’y a « que » une petite dizaine d’avions. Je traine sous des jolis avions de Air Japan. Derrière, il y a 2 gros A380 (je crois) de la China Southern, mais ya un truc qui ressemble à une guerrite juste derrière alors je ne m’approche pas. En me promenant sous les avions Air Japan, je vois une trappe ouverte. Je m’y hisse et pouf, je suis dans l’avion !!! INCROYABLE, je rêve éveillé !

Jusqu’au milieu de la nuit, je visite l’endroit. Pour des raisons évidentes de discrétion, les photos sont assez sombres.

5 commentaires

  1. So, officially, a half-blind train-hopper and a clandestine airport explorer? The FBI is going to love this travel journal! Xoxo

  2. Léooooo!
    C est toi qui fait les conneries et c est moins qui me fait engueuler par ta mère.🥶

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