Ce petit article raconte l’épopée formidable d’un pseudo-montagnard qui déteste courir et d’un marathonien rouillé par la vie de bureau dans la tentative de se taper le tour du Mont-Blanc en 3 jours (160km, 9000d+).
Dimanche 16 octobre 2022 : Ce bel après-midi d’automne, je ramène l’ami Martial à Lyon dans l’optique de passer une chic soirée avec les camarades puis de ramener la Pintade (aka le François, aka le marathonien) chez moi pour le projet de tour du Mont-Blanc.
On passe une belle soirée : musique approximative, Suze, Pastis et virée en ville pour faire la fermeture des bars et explorer un peu les vieilles portes de Croix Rousse.
Lundi 17 : On se lève vers 7h, je suis explosé par le manque de sommeil et l’alcool de la veille, la journée va être longue… On se fait bien 3 heures de route, puis en arrivant on est embauchés par mon père et mon oncle pour installer des plafonniers (des luminaires de plafond). C’est un peu physique et putain je suis fatigué !
Et puis surtout, faut se dépêcher parce que pour préparer notre expédition, on doit encore réserver les hôtels, faire des courses, étudier l’itinéraire et se dépêcher d’aller dormir. Je suis épuisé avant même le départ…
Le but est de partir léger, vu qu’on vise plutôt la performance. Dans mon sac, j’ai : des vivres de course (environ 1kg de graines, mini-bretzel et fruits secs), une trousse de secours, une poche à eau, vêtements de course, de la crème anti-frottements, de la poudre pour changer un peu le goût de l’eau de temps en temps et un opinel si jamais je croise un cèpe ou un saucisson qui se balade. Ah, et des bâtons de marche, indispensable.
Mardi 18 : levé 4h30, on se prépare assez vite, mais on part en retard parce que je ne trouve pas mon portefeuille… Je l’avais pourtant la veille pour les courses ! Bon, tant pis, on part sans… Donc départ 5h30. Le col de la Colombière, qui nous aurait fait gagné 30 minutes de route, est bloqué par les gendarmes à cause de l’abattage des bouquetins. Ce gros con de préfet a décidé d’agir vite et sans prévenir personne pour ne pas faire annuler son action par la justice. Conclusion : on perd du temps à cause de flics appliquent une décision potentiellement illégale. Si on était au Pérou, on aurait pu passer pour 5 balles, mais ici on peut même pas. VDM.
A 7h, on se gare enfin au parking de Notre Dame de la Gorge aux Contamines Montjoie et on commence l’ascension. Et putain, on a la méga pêche. On fait l’ascension du col du Bonhomme en 2h au lieu de 4, on a le même rythme, c’est top. Et puis on enchaine sur le col des Fours et on descend en Savoie avant de passer le col de la Seigne pour arriver en Italie.
Il est déjà midi, le temps passe très vite. Quand on a un objectif ambitieux comme ça, c’est frappant à quel point la limitation devient la journée qui passe trop vite. D’autant plus qu’on est déjà mi-octobre et que le soleil semble toujours bas, même au milieu de la journée. Quel contraste avec la Bolivie où la course du soleil est très marquée ! Pour être franc, c’est même déprimant de constater que le soleil ne montera pas plus haut que ça. J’ai l’impression que le soleil lui-même est fatigué, que notre journée est condamnée à ne jamais être lumineuse.
Pour autant, le temps est radieux et la température est bien au dessus de la moyenne de saison, c’est une chance inouïe pour notre défi. Et en plus en cette saison, il n’y a personne sur ce sentier, ce qui est une chance également.
Et puis on arrive à Courmayeur à 16h. On est en avance ! Faut dire qu’on a pas trainé. Mais pour moi, ça fait partie du défi, aller le plus vite possible, tester ses limites. J’ai l’impression que la pintade n’est pas trop de cet avis. Son avis de sportif est plutôt de se préserver autant que possible.
On est crevés. On arrive dans notre hôtel, vieillot mais confortable, on se douche et on mange dans un resto pourrave. Puis on étudie l’itinéraire du lendemain et on s’écroule de fatigue.
Mercredi 19 : On se lève à 5h30, on part à 6h. On commence dans la nuit, ce qui me permet de très agréablement me perdre dans mes pensées. J’aime bien les montées dans la nuit. Ca me rappelle la montée de l’Acotango avec le camarade Guillaume, dans un nuit noire et glacial. Sauf que là, c’est un peu moins noir et beaucoup moins glacial.
Arrivés sur l’arrête qui surplombe Courmayeur, on assiste au levé de soleil sur le massif du Mont-Blanc. Une vue époustouflante, sans doute la plus belle de toute notre promenade. Et même si les photos ne peuvent pas retranscrire la beauté du moment, c’est encore elles qui la décrivent le mieux…
Et puis on passe le col du Grand Ferret qui nous amène en Suisse. C’est sympa la Suisse, les sentiers sont larges, parfois ils sont bien balisés (attention tout de même, la signalisation Suisse aime parfois faire des blagues et pouf, on est perdu !)
Et puis surtout, le tronçon suisse, c’est le Val Ferret Valaisan, la partie la plus plate et la plus CHIANTE de tout le tour du Mont-Blanc. A noter tout de même la vue sur le Mont-Dolent, à tomber par terre.
Et puis il y a la petite montée jusqu’à Champex Lac, on nous trouvons notre hôtel après 17h pour passer la nuit. Au final, une journée longue mais peu intense selon moi, plutôt l’inverse de la veille. Note à soi-même : la bouffe est très bonne en Suisse, mais il faut avoir un gros portefeuille.
Et puis on planifie la dernière journée en se massant les cuisses : les 4000m de descente des deux derniers jours nous ont tellement acidifié les jambons qu’on a du mal à descendre les escaliers de l’hôtel.
Jeudi 20 : Si la première journée était intense, si la seconde journée était longue, la troisième journée, elle, devait être longue ET intense. Pour boucler l’itinéraire, il nous restait 65km 4600d+, soit en fait deux journées en une, en plus avec une météo qui allait commencer à tourner.
Mais pas de soucis, il existe une solution à ce type de problème : partir à 2h du mat’. François est pas hyper emballé par l’idée, il ne me suivra pas. Il passera en France et à partir de là, il est possible de rejoindre la voiture en stop ou même avec les transports en commun.
Bref, revenons à moi même personnellement (celui qui écrit a toujours raison).
1h50 le réveil sonne, 2h je suis dehors. Il fait nuit et pour encore un moment alors j’avance à la frontale. Je suis pressé, j’ai la patate, je vais vite. Sauf que. Je me trompe. Je dois redescendre, j’ai pris le mauvais chemin. 500m de dénivelé et 1h dans les chicos, comme ça j’avais besoin de ça…
Et puis il y a le premier col, la fenêtre d’Arpette. C’est difficile, c’est long, de loin le pire col depuis le début… A la descente, je me force à courir pour regagner le temps perdu. Je passe à côté de quelques bouquetins qui dorment. Ils sursautent, moi aussi.
Cette zone est très étriquée et très sauvage. Dans la fin de la nuit, j’ai l’impression de traverser clandestinement un monde fermé aux humains.
Et puis le jour se lève et je passe le col de Balme et j’arrive en France, enfin le retour à la civilisation ! Je fais un crochet par Argentière, ça fait déjà 8h que je marche et je n’ai presque plus de bouffe, il faut recharger les réserves.
J’ai toujours la pêche. Quand je monte, je monte fort, je n’ai pas l’impression de ressentir la fatigue. Par contre, quand je descend, aïeaïeaïe je commence à avoir mal au genou. Je n’ai jamais eu ça, je ne sais pas ce que ça peu être mais bon, je me doute que ce qu’on fait est un peu traumatisant pour les articulations donc c’est normal. Tant que je peux marcher, j’y vais : ça fait partie du deal.
Alors je reprend. Après avoir rapidement traverser la petite vallée de Chamonix, je monte à la Flégère. Je monte sans problèmes, je n’ai plus mal au genou. Sauf qu’une fois en haut, dans une petite descente de quelques mètres seulement, je me rend compte de la connerie : mon genou me fait tellement mal en descente que je peux à peine marcher. Ben c’est malin ça !
Il faut se rendre à l’évidence, c’est fini pour moi. Mais pas de regrets, cette dernière partie française, je la connais déjà et puis de toutes façons il va bientôt pleuvoir.
Alors je redescend. C’est là galère, il me faut plus de deux heures pour rejoindre la vallée. François arrive dans la vallée à peu près au même moment. A partir de là, on fait du stop chacun de son côté et on arrive assez rapidement à reprendre la voiture, c’est finit !
Conclusion
123km, 7700m d+, 7900m d-, 32h de rando-course en trois jours.
Cette expérience nous aura offert une belle immersion dans la montagne, des beaux moment d’introspection dans un cadre magnifique et dans une météo exceptionnelle, le tout en gardant une douche chaude et un vrai repas tous les soirs, ce qui est un vrai luxe.
Pour autant, à l’heure où j’écris cet article, 15 jours plus tard, j’ai quelques regrets. J’ai peut-être un peu trop axé cette sortie sur la performance, ce qui a pu gâcher un peu l’expérience de notre Pintade nationale. Et aussi, je me suis quand même niqué un genou dans c’t’affaire. Le médecin m’a affirmé que c’était pas malin de faire ça sans entrainement. Ce que j’ai maintenant, c’est un syndrome de l’essuie-glace, une tendinite au niveau du genou bien connue des coureurs longue distance.
Mais cette sortie m’a aussi permit de me rendre compte que je commence à aimer ce format de course. Si mon genou se remet bien en place, pourquoi pas essayer d’en faire un peu plus ? Voire de s’inscrire à quelques courses ? On en reparle l’été prochain…