Les dessous d’un match d’impro (sale)

Ayant fait le choix de rester à Lyon, mes voyages sont introspectifs, artistiques et relationnels. Je fais des choses avec ma tête, mes mains, mes jambes ou autre, et la distance géographique parcourue quotidiennement par mon corps n’est que le pis-aller de mes folles aventures sensorielles.

Que puis-je vous raconter de mieux alors que le déroulement de ces voyages hautement introspectifs, artistiques et relationnels que sont les spectacles d’impro. En ce mois d’octobre, j’ai eu la chance de jouer sur un catch, et d’être orga sur un match la semaine d’après. Prévoyant ce joli petit article, j’ai eu la présence d’esprit de prendre quelques photos, et de faire un repérage mental de ce que j’allais pouvoir dire d’intéressant. 

Pour le contexte, l’impro, c’est une branche du théâtre qui consiste à faire de l’acteur à la fois le dramaturge, le metteur en scène, le scénographe… et l’acteur. Mais parler d’acteur au singulier est réducteur : on improvise quasiment toujours à plusieurs, et l’interaction entre joueurs est au cœur de ce qui fait de l’impro… de l’impro.

En impro, on ne peut pas faire du Nolan, et pour Spielberg et les autres, on peut faire des choses vaguement similaires. On fait quelque chose de différent qui gagne en spontanéité et peut-être en sincérité ce qu’il perd en préparation et en scénarisation.

Là où l’acteur de théâtre classique tâche – généralement – d’effacer au maximum l’existence de la scène, des rideaux et de ses imprécisions, l’improvisateur raconte deux histoires : celle qu’il essaye de raconter, et celle de lui et de ses comparses qui tentent des trucs. C’est souvent cette deuxième histoire, et son interaction avec la première, qui fait d’ailleurs rire le public : comprendre ce que l’improvisateur s’apprête à faire ou a échoué à faire est souvent source de bonne rigolade, d’attendrissement, puis d’applaudissement.

C’est avec tout ceci en tête que l’improvisateur tel que moi se retrouve allongé sur scène en mimant une flaque d’huile qui convulse.

Un match d’impro, c’est du lourd

Un match d’impro ne commence généralement pas par une flaque d’huile qui convulse, mais par moult détails que je vous passe : préparation de la trésorerie, de l’affichage, réservation de la Rotonde, la communication sur les réseaux sociaux, recrutement des tecks, etc.

Non, un match d’impro commence généralement à deux endroits : dans les cuisines, et dans la sueur.

Dans les cuisines car il faut nourrir les ventres vides format trou noir des orgas, des tecks et des deux équipes (domicile et invitée).

Dans la sueur parce que ces jolis bouts de bois blancs et rouge qu’on voit sur scène, qu’on appelle la patoche (pour patinoire), il faut les porter. Or, ils sont foutrement putain de lourds. 42 kg pour un angle. 33 kg pour un bout droit. Il y a 4 angles et 8 bouts droits. Plus de 400 kg à transporter en un petit quart d’heure, parce qu’entre l’arrivée des orgas à 18h, et le début du spectacle à 20h30, on ne peut pas chômer. Les plus malins d’entre vous nous diront « mais faites les rouler vos planches ! » mais les roues ne roulent plus. C’est un dossier en cours.

L’exigu local patoche sert aussi de local vélo. Un plaisir

Une fois les morceaux de patinoire sur scène, on met tout en place et on les fixe les uns aux autres à l’aide de gros morceaux de ferraille d’un poids total de 20,7 kg. On ajuste le tout en fonction de la lumière des projos, et on est contents. On retourne aux loges où il règne une sympathique ambiance. Les joueurs discutent bruyamment, les orgas divers vont et viennent en tous sens à la recherche de carottes, de vaisselle sale ou de bouteilles d’eau à placer sur scène.

Personnellement, sur le match, j’ai passé un bon bout de temps à faire chauffer les bouilloires dans une autre salle parce que la puissance disponible dans les loges n’était pas suffisante. Faire disjoncter les loges est une expérience connue et peu appréciée.

Quand le repas est prêt, les joueurs mangent en premier. Quand ces derniers partent au filage et à l’échauffement, les orgas foncent se remplir la panse à leur tour.

Le repas des orgas. Miam !

Attention mesdames et messieurs ça va commencer !

Durant l’échauffement, il se passe un moment assez intéressant : l’arbitre discute avec les joueurs de comment il voit le spectacle à venir. Il mentionne ses attentes (un spectacle touchant, énergique, de communion entre les deux équipes, ou que sais-je), ce qu’il ne veut pas voir (« Je serais intransigeant envers les cabotins »), les spécificités de notre équipe (on pratique la faute de ‘mauvais gout’).

L’arbitre explicite également les catégories qui tomberont, pour être sûr qu’elles soient bien interprétées correctement. Les thèmes, durées, nombre de joueurs, l’ordre des impros, et parfois certaines catoches restent cependant secrets.

C’est ensuite au tour des joueurs de faire part de leurs envies et de leurs limites, notamment physiques. Untel a un bras douloureux à ne pas forcer, unetelle a mal au pied. Untel ne veut pas se faire cracher dessus…….

Et c’est très rapidement qu’il faut partir sous la scène pour être prêt à recevoir le signal de se mettre dans les escaliers. Pendant ce temps, c’est l’ébullition là-haut. Les photographes de Graines d’Images sont arrivés, l’agent de sécurité aussi, et il demande un brief. Le public est là, il attend derrière les portes. En octobre, on a eu les deux soirs environ 160 personnes. Un score dans la moyenne haute de nos habitudes. Il faut passsanitairé tout ce beau monde, lui vendre des tickets ou contrôler les tickets prévendus, compter le nombre de spectateurs, et surveiller que les gens ne piétinent pas trop sur la scène en un minimum de temps, pour ne pas retarder le spectacle (ni payer une heure de trop l’agent de sécurité).

Parmi tout ce beau monde, fort peu de glandus. Pas de problème de relous à la caisse ou au pass sanitaire. Et quand on est sur scène, on s’étonne parfois de voir combien le public est de notre côté : il veut un bon spectacle, et comprenant nos intentions, nous soutient. Sauf quand on est arbitre. N’est-ce pas Léo ?

Et un peu de sucre en poudre

Et voilà, le spectacle bat son plein. L’entracte bat son moins plein, puis le spectacle rebat son plein, et il se termine par le décernement des étoiles pour récompenser les joueurs ayant fait certains de services, personnages ou répliques les plus chouettes.

Entre deux scènes d’impro

Entretemps, les spectateurs ont pu assister à un spectacle à mi-chemin entre une performance artistique cheloue, un match de hockey et une pièce de théâtre. Les joueurs ont-ils été en forme ? L’équipe invitée a-t-elle été en communion avec la nôtre ou fut-elle un ramassis de casse-couilles égocentriques ? Il est parfois difficile de le deviner en avance ; certaines personnes se métamorphosent une fois sur scène. En octobre, nos deux spectacles furent à mon sens de bonne qualité. C’est l’équipe du Clap que nous avons invités sur le match, celle avec qui on joue le plus souvent, toujours avec plaisir.   

Après un nettoyage des loges et de la scène, la fermeture à clé de tout ce qui doit l’être et des adieux déchirants avec l’équipe invitée, ça y est, la TTI sort de la Rotonde et se dit au revoir. Rares sont les fois où nous avons encore l’énergie de boire une bière. Quand on pouvait encore entrer à la K-fêt sans présenter deux cartes et un pass sanitaire à l’entrée.

Le match s’achève enfin lorsque le valeureux trésorier, fatigué mais heureux, dépose les clés de la Rotonde au local. Seul dans le noir, il repense au formidable voyage introspectif, relationnel et artistique qu’il vient de vivre, avant de rentrer chez lui se brosser les dents, chier et se mettre au lit, car après tout, il n’est qu’un homme, et les hommes ont besoin de se brosser les lits, se mettre au dents et chier.

Fin.

A bientôt

2 commentaires

  1. aux chiottes l’arbitre !

  2. Remarquable,
    Nous conseillons de procéder au plus vite à une publication dans l’insatiable qui ne pourra qu’être bénéfique aux 1A et 2A qui n’ont découvert la vraie vie de campus qu’en septembre !

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