Japon #8 : Cherche Guilde PvP HL, dispo journées

Me revoilà à Tokyo. Décidément je kiffe bien cette map. J’ai gagné des lvl de japonais depuis février, j’ai besoin d’un nouveau job, alors je change ma façon de le chercher.

Cette fois, je vise :

  • les coffee shop, parce que j’aime bien ces lieux. J’aime leur atmosphères studieuses, leurs odeurs de café et les pâtisseries.
  • les restos français, pour bénéficier du boost de mon trait inné ‘français’

Je bombarde des boites de CV, assez efficacement. Et je me bouge le cul pour entrer dans des restos avec mon CV dans les mains et mon japonais approximatif dans la bouche.

Je vais comme ça dans plusieurs restos français.

Le premier c’est un petit boui boui au premier étage, dans une rue moche d’un quartier moche mais que je kiffe bien. Le resto s’appelle Le régale-toi. Je laisse mon CV. Le gérant est plutôt surpris mais pas désintéressé, il me pose quelques questions. Il me dit qu’il me rappellera… et il le fait vraiment. On se fait un entretien une semaine plus tard. Pour la première fois on me met à l’essai. On me passe un couteau, un ognon et on me demande de faire un émincé. Pour la première fois de ma vie je regrette la philosophie de ma cuisine qui est « c’est moche mais c’est bon (et pimenté) ». Je fais un truc pas trop mal. C’est quand on parle horaires que ça coince. Je veux travailler au moins 25h par semaine et ils voulaient pas autant.

Comme dans pas mal d’autres boites du genre, j’ai l’impression que le fonctionnement c’est quelques piliers qui tiennent la baraque à base de 40+ heures par semaine accompagné d’une armée de ‘freiter’, les gens en contrats précaires qui font peu d’heures.

Le deuxième resto, je le trouve sur internet à la base, mais je sais plus pourquoi, le site est chelou. Je décide d’y aller avec ma bogossitude et mon accent craquant . Je galère à trouver. En fait, c’est au sommet d’un gratte-ciel… au beau milieu d’un énorme centre commercial.

là où Maps pointe le 7-Eleven

… et c’est putain de classe. J’arrive au resto vers 15h pour être sûr de les trouver en dehors d’un rush. Je tombe sur un espèce de séminaire bondé de gars en costards qui boivent du champagne. Une employée finit par me tomber dessus. Elle me prend d’abord pour un touriste perdu, évidemment. Je lui explique que je veux postuler. Et là elle me prend pour quelqu’un qui a déjà décroché un entretien, mais je ne le sais pas encore. Elle me dit de la suivre. Elle me fait traverser un énorme open space où des dizaines de gens en costume/tailleur sont en train de bosser. Tous les regards se tournent vers moi dès que je passe le pas de la porte. L’employée m’introduit à une responsable en disant que je suis le candidat, que je viens pour l’entretien. Je commence à suer. Je vois venir le quiproquo. Je précise tout de suite que je VEUX candidater et avoir un entretien, puis j’embranche sur le pitch que j’avais préparé. Ils ne me rappeleront pas. J’étais trop bas level.

En toute simplicité
Après j’ai screen la définition de malentendu pour mieux m’en sortir

J’ai aussi eu un entretien au « Collabo café « . C’est grand papy qui serait content. Mais ils m’ont pas pris.

L’entretien de la victoire, je le passe dans mon café préféré, St Marc Café. En gros c’est un Starbucks avec un texture pack Français. Le café est plus amer qu’ailleurs. La bouffe, ce sont des viennoiseries et des sandwichs. Y a même du pain perdu. Miam. On sent qu’ils essaient de faire comme Starbucks mais souvent en moins classe.

Le café
Le logo, légèrement surchargé
Le smoohie du moment. Un montage photo hallucinant de qualité.
la gueule du -1. C’est un gros coffee shop avec un étage aussi. Y a une playlist jazz qui tourne en boucle.

Lors de l’entretien, j’ai beaucoup de mal à comprendre le gars tellement il parle vite. Sur le coup, je pense que c’est surtout moi le problème, avec mon japonais pété. Et puis je me rends compte que tout un tas de japonais ne le comprennent pas non plus. Le plus drôle, c’est que quand on le fait répéter, il répète encore plus vite. Mais la plupart du temps, il n’y a même pas besoin de lui demander ! Il répète tout tout le temps à toute vitesse, sans jamais ralentir, parce qu’il a l’habitude de ne pas être compris. Il me fait beaucoup penser à un rongeur, toujours sur ses gardes, à ne faire que des mouvements nerveux et saccadés. Même quand il tient la caisse et qu’il parle aux clients, il n’arrive pas à ralentir, et il en perd. Jamais, jamais il ne ralentit. Il a débloqué tous les perks de vitesse sur son arbre de compétence et n’a rien ailleurs.

M’enfin je passe l’entretien. Il me passe une enveloppe avec un petit objet que je connais bien : le kenben, le test d’analyse des selles. Il me dit que je pourrai commencer à bosser dès que mon caca sera validé. Après l’entretien, ni une ni deux, je vais dans un autre coffe shop pas loin. Je ne compte pas rentrer chez moi avant tard le soir, et j’ai envie de bosser le plus tôt possible, donc je vais passer le test direct. Direction l’unique chiotte. Je fais mon affaire, et je me lève pour tritouiller le tout avec le bâtonnent prévu à cet effet. Et là c’est le drame. Je lâche un « NON ! ». Le WC tire la chasse tout seul, il a senti que je m’étais levé. Je lutte avec le bâtonnet pour garder de la matière mais c’est un WC premium, la chasse c’est pas juste de l’eau qui tombe comme en France, c’est un putain de maelstrom.

WC japonais. Image d’artiste

Je regarde impuissant mon job s’échapper par le siphon des chiottes. Je sors du cabinet comme un général défait sur le champ de bataille. Trois personnes faisaient la queue derrière, alors je baisse les yeux.

Je dois donc attendre la prochaine livraison. Puis je passe deux jours avec mon échantillon dans le sac à dos à oublier de chercher une boite rouge pour le poster, ou à ne pas les trouver quand j’y pense. Enfin, j’y arrive. Et quelques jours plus tard, je reçois un message du patron : z’est parti.

Le tuto est carré. Outre la classique ‘tu fais ton taf avec quelqu’un d’expérimenté à côté’, il y a des moments derrière l’ordi à l’étage. Avec des putains de QCM. Pour la plupart des employés, c’est un QCM sur le fonctionnement du café, les règles de politesse, et de la prévention sur le harcèlement au travail. Mais pour moi c’est un putain de test de grammaire japonaise, et un moment de fascination.

Quelques questions mal traduites du QCM :

  • Le rythme de retrait de vos hanches est lent, puis rapide, ce qui lui donne un aspect poli
  • Un sourire avec huit dents supérieures transmet un sentiment d’accueil et de soumission au client
  • La technique de s’incliner dans laquelle les mots sont transmis en premier et l’arc est ensuite incliné s’appelle Sekirei et peut donner une impression plus polie au client.
  • Notre travail peut être appelé le meilleur moment de la création

Le clou du spectacle ce sont les vidéos explicatives. De véritables dramas scénarisés et joués par des pros pour expliquer que poster des bêtises sur les réseaux sociaux depuis son lieu de travail c’est MAL.

Elle a posté une photo d’elle mangeant des patisseries au boulot. Gros drame mais en fait tout n’était qu’un rêve.

Niveau collègues, ça varie selon l’heure. Le matin, il y a les piliers du café : 3 femmes assez haut level qui bossent là depuis des plombes et qui font toujours tout comme il faut. Y en a deux qui sont dans leur job et se fichent du reste, et une qui me colle aux basques.

La langue japonaise n’a pas de sons nasaux (en, in, on), donc je me présente toujours comme ‘Damianne’. Mais cette femme fait l’effort et m’interpelle toujours d’un over-nasal et agaçant DamiEEEeeenn (suivi d’un fais pas-ci fais pas ça). J’ai envie de l’envoyer chier parfois, mais bon. Pendant les pauses, elle est sympa. C’est une employée modèle, comme tant d’autres.

En fin d’après-midi, les piliers s’en vont et sont remplacés par les étudiants et les lycéens.

A part un ou deux, ils sont sympas. J’essaie de discuter. Le problème que j’ai c’est que j’ai tellement de collègues, j’ai du mal à retenir leurs caractéristiques, et je suis gêné à l’idée de les faire trop répéter. J’ai commencé à prendre des notes sur mon carnet mais le temps que j’accède à mon carnet pendant les pauses, j’oublie les datas ou j’oublie de les noter, donc je les oublie quand même un peu plus tard.

En vrac, je me souviens de : Un gros beau gosse qui est comédien et une belle gosse qui est danseuse. Les deux ont ce job pour assurer un revenu à côté. Une étudiante qui apprend le français – assez balèze en plus, une étudiante en relations internationales d’1m85 et qui fait du basket et un pervers qui essayait de me toucher le cul.

Le plupart évite de parler anglais, car ils ont trop honte de leur niveau, à tort ou à raison, je ne sais pas trop du coup. Moi ça me va de parler japonais, je suis là pour progresser. La seule qui parlait vraiment bien anglais est étudiante à Waseda, une université hyper prestigieuse.

Il y a quatre quêtes qui changent toutes les heures : salle et plonge, caisse, boissons, bouffe.

La plus chiante, c’est salle et plonge. Mais c’est sympa quand je commence à fatiguer ou quand le collègue aux boissons est sympa et qu’on peut discuter. Ma préférée, c’est la caisse. Je sens que je gagne pas mal d’xp en japonais, et si le collègue aux boissons est sympa, on peut discuter. Le reste du temps, il faut spammer les sorts Sekirei et sourires à huit dents du haut.

Les boissons, c’est sympatoche. Et si le collègue à la caisse est pas sympa, y a toujours celui de la plonge de l’autre côté. La bouffe, c’est à part. T’es là, tu fais des sandwichs. T’enfournes des pains au chocolat chococro.

Quand un mob spawne à l’entrée de la boutique, il faut dire haut et fort « Irrashaimase ! » – bienvenue. Tous les collègues le font. Quand les gens sont affairés que et c’est moi qui le dit en premier, ça déclenche 1 seconde plus tard une symphonie de Irrashaimase. Ca devient vite un automatisme. Perso, en entrant comme client dans certains magasins, j’ai souvent gueulé « Irrashaimase » pour moi-même, après que les employés l’aient fait pour moi. C’est comme bonjour, j’ai envie de répondre, et j’ai l’habitude du boulot. Une fois, à la caisse, je souhaite la bienvenue à un client, tout en regardant une collègue. Elle est accroupie dans un coin, derrière le comptoir, le nez dans un frigo. Et elle souhaite la bienvenue au frigo, toute seule, comme ça. C’est automatique.

De manière générale, en France, la politesse est toujours réciproque. Merci – de rien. Bonjour – bonjour. Bonne journée – tout pareil. Mais au Japon, c’est beaucoup moins le cas. Les clients disent rarement bonjour, rarement merci, rarement s’il vous plait. Ils le font quand ils ont envie d’être sympas plus que polis.

Ce qui est marrant c’est que l’expression consacrée en France, c’est le client est roi. Au Japon, c’est le client est dieu.

En plus nous on guillotine les rois qui font trop chier.

Niveau mobs il y a plusieurs types :

  • Le mob de base, c’est le/la bosseuse. Créature solitaire, le bosseur vient toujours équipé. Parfois d’un cahier, souvent d’un ordi ou d’une tablette. Certains sont plus évolués et viennent carrément avec ordi portable + deuxième écran + souris + clavier. C’est plutôt impressionnant. L’écran et le clavier supplémentaires sont tout de même conçus pour être transportés, par exemple le clavier s’enroule. Beaucoup ont des supports qui surélèvent leurs ordis. Des équipements de fou. Il y a aussi des bosseurs plus vintage comme le papy qui apprend l’arabe et qui écoute des cassettes sur son walkman.
  • Moins nombreux mais terriblement régulier, c’est le papy grumpy. Le papy grumpy commande toujours la même chose, et ne veut pas parler. Il paie en espèce, n’en a rien à foutre des cartes de fidélité et ne veut pas qu’on lui demande s’il en a une. Il s’assoit toujours au même endroit.
  • Les mamies. Elles sont toujours plus sympas que leurs homologues masculins. Les habituées discutent même avec le staff, et certaines mamies trainent en gang, contrairement aux papys qui sont solitaires.
  • Le touriste. C’est un mob rare qui ne spawne qu’une ou deux fois par jour. Mes collègues ne l’aiment pas trop, car ils sont à chier en anglais, et que le touriste prend du temps pour choisir sa commande. Et ne pas faire attendre, les clients, c’est primordial ici. Dès qu’il y a une file trop longue, les deux employés faiseurs de bouffe viennent en renfort et prennent les commandes en avance. Comme ça la caisse encaisse, rien de plus. C’est très efficace. Tant qu’il n’y a pas de touriste. En plus d’être lent, le touriste lance des sorts de confusion telle que questions bizarres ‘vous avez des macchiato ?’ ‘vous avez quoi de végétarien ?’ ‘Votre lait a-t-il du lactose ?’. Moi, je les aime bien les touristes. Quand ils sont là, je grimpe immédiatement l’échelle sociale. Ca devient moi le boss. Je fais l’agent de liaison, je réponds aux questions, je leur explique tout, tandis que mes collègues créent des quiproquos trop chelous. Le pire c’est quand ils prennent des mots anglais pour des mots japonais vaguement ressemblant, comme si le touriste truffait son anglais de mots japonais.

Quand il y a des touristes, j’ai des collègues curieux qui me demandent de quelle nationalité ils sont. Ils font confiance en ma capacité à distinguer les non-asiatiques.

Certains touristes sont casse-pied. Ils ne rangent pas toujours leurs plateaux à la fin du repas, alors il faut repasser derrière. Pour leur défense, l’étagère de retour des plateaux est peu visible et le panneau n’est pas traduit. Une fois, il y un américain qui s’est trouvé face à une table vaguement sale. Il aurait pu :

  1. s’asseoir ailleurs
  2. essuyer la table avec les torchons à disposition
  3. demander à un employé de nettoyer

mais il a lancé son ulti It’s a scandal.

Le pire ennemi du touriste est le papy grumpy (et plus ou moins raciste). Une fois, un touriste italien s’est même fait aggro. J’ai assisté à un combat de mob de fou avec l’anglais ultra pété et énervé du papy et l’anglais pété et énervé de l’italien. Un collègue est parti calmé le papy tandis que je présentais des excuses auprès de l’italien choqué.

  • Les businessmen. Parfois, des monsieurs très sérieux achètent pleins de cafés et prennent pleins de tables. Puis de nouveaux monsieurs très sérieux les rejoignent. Ils parlent affaire et se serrent les mains.
  • Les sourds. Quand ils te répondent pas au début, ça fait bizarre, puis tu comprends. Ils ne peuvent pas. Il y a un groupe de sourds qui vient discuter régulièrement. Ils ont de grandes discussions. Je ne comprends rien mais c’est très beau à voir. Quand je suis à la caisse, je leur dis bonjour en LSF. Je sais pas s’ils comprennent mais ils le prennent bien.
  • L’indien mystérieux. Je fais exprès de nettoyer longuement les tables proches de la sienne pour l’écouter parler, mais j’y comprends que dalle. Il parle japonais avec un accent clairement indien. Il arrive en avance puis reçoit, toujours, des femmes plutôt jeunes, pour ce qui semble être des entretiens d’embauche. Il prend des notes et s’assoit avec un bodylanguage de boss. Je pense que c’est un pnj donneur de quêtes.
  • Le dormeur. Toujours au même siège, toujours le même café, toujours le même sommeil paisible.
  • Le gars qui a vécu à Lyon. Un japonais hyper sympa et qui parle français.
  • Le boss de fin. Un mob que j’ai croisé pas mal de fois. Elle est bien habillée. Elle a une démarche droite, les épaules droites, et elle a un visage impassible, peut-être qu’elle essaie d’avoir ses traits du visage bien droits aussi. Elle parle le moins possible, elle ne regarde pas dans les yeux. La première fois, elle a payé en espèces et n’a pas voulu récupéré le change depuis ma main. Il a fallu que je le pose dans la coupole. Elle commande toujours un café chaud dont elle ne boit pas la moitié. Quand elle prend une cuillère depuis le pot en libre service, elle l’inspecte sous toutes ses coutures. Je n’ai jamais vu quelqu’un vérifier la propreté d’une cuillère aussi scrupuleusement. Ensuite, elle passe un coup de chiffon à sa table préférée et s’y assoit. Elle sort ses bouquins et les place très précisément sur sa table. Tout est bien aligné. Elle dessine des croquis, c’est assez joli, mais elle ne reste jamais longtemps.
  • et la spéciale Cancrelat : ma stalkeuse. Une cliente pour le moins fidèle.

Mais j’en parlerai plus au prochain article.

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