Un peu de contexte. Mardi 28 janvier 2025, c’était le réveillon de la Nouvelle année du calendrier lunaire chinois. Et le 29, c’était le premier jour de l’année du serpent. Pour cette raison, et parce que c’est un jour férié en Chine, toute l’équipe avec qui je travaille à QingDao était en congés le 28 après midi et le 29 toute la journée.
On a apprit la nouvelle une dizaine de jours avant, de quoi organiser un petit quelque chose pour fêter la soirée ! Tous les collègues voulaient plus ou moins rester à l’hôtel et picoler, mais très peu pour moi. D’abord j’ai pensé à prendre une auberge de jeunesse en ville et profiter des festivités, mais j’ai eu une idée bien meilleure.
Le but était d’aller dans la campagne chinoise, dans un coin montagneux. Sur la carte, j’ai repéré un coin intéressant, les montagnes de Ma’er Shan (les montagnes de la crinière de cheval), à côté de la petit ville de Hubu. Plan A: se faire inviter dans une famille, plan B: dormir dans la tente sur la montagne. Un plan mûrement réfléchi, comme vous le constatez.
Alors voilà, mardi midi on quitte le boulot et on rentre à l’hôtel en navette. Je demande au chauffeur de me poser à un arrêt de métro pour commencer la route. Le village de Hubu est à une centaine de km de HuangDao, mais je peux faire plus de la moitié du chemin en métro pour 8RMB (1€). Je descend du train à PoLi. Je ne l’ai pas précisé, mais il fait froid ici ces jours-ci. Entre -10°C et 0°C d’un froid très sec, mais perçant. Le pire, c’est le vent du nord ouest, qui vient de Mongolie et qui traverse les vêtements en me gelant les cuisses.
À PoLi comme ailleurs, la plupart des commerces sont fermés aujourd’hui. Seulement quelques boutiques sui vendent des trucs pour le nouvel an sont ouvertes. Comme ça, j’achète quelques pétards et des mandarines pour la route.
Et ouis je commence à faire du stop sur la route qui mène à Hubu. Une grand mère me dit un truc en m’engueulant à moitié, je comprends rien et continue à lever le pouce. Un gars approche pour me proposer de m’emmener, on négocie un peu et c’est parti. Là tout de suite, le temps est plus précieux que l’argent alors je l’engage comme chauffeur !
Il me pause à Hubu. Là encore, tous les commerces sont fermés sauf une petite boutique. La fille des propriétaires parle très bien anglais et on discute rapidement. Elle me montre la route pour aller vers les villages au pied de la montagne. Alors je pars en marchant dans la campagne. Les gens me disent bonjour, m’observent, me toisent même ahahah. Et puis j’entends une voiture derrière moi. Je lève le pouce et pouf, ils s’arrêtent ! Je grimpe et on parle comme on peut avec mon chinois de base et le traducteur sur le téléphone. Ce sont Sun ShuWei et Sun QiuYu, un couple de quarantenaires, à vue de pif. Je leur dit que j’aimerais passer la nuit dans une famille chinoise pour partager ce moment avec eux. Ils se regardent et hochent la tête : c’est ok pour rester chez eux !
Ils habitent justement dans un village au pied de la montagne, DaMa’an. C’est un petit village très serré. En fait, j’appelle ça un village en lignes. Celui là est constitué d’une dizaines de lignes: une rue, une maison, une rue, une maison, etc. La rue peut laisser passer une seule voiture et quand on se gare, on la bloque. Ce que l’on fait d’ailleurs.
Et j’entre dans la maison. En fait, il y a une court intérieur, puis la maison en elle même. Dans la cours, il y a du matériel pour le séchage et l’emballage du thé vert. Et oui, la fmaille Sun cultive du thé ici! Dans la court intérieur, il y a aussi les chiottes, la reserve de bois et un grand congélateur coffre. Vu les températures, j’imagine que ça consomme moins de le laisser dehors en hiver.






Dans la maison, il y a de la vie. Les parents Sun me présentent leurs 3 filles ainsi que la grand-mère qui les gardent. La plus âgée à 18ans et est une caricature d’ado chinoise qui veut être la plus belle de la cours de récré. Celle du milieu à 9 ans, elle est fascinée par ma présence. Et la plus jeune a 4 ans, elle saute partout et rigole tout le temps.
Le père de famille (ShouWei) appelle sa petite cousine JiaXin pour l’après midi. JiaXin a 24 ans et elle est étudiante à HuangDao. C’est la seule de la famille à parler un peu anglais.
Le reste de l’après midi, je reste dans la maison à boire du thé et manger des graines et des petits gâteaux. J’explique ma situation et pourquoi je suis ici. Et je découvre un peu la vie de la famille Sun. Ils ne sont pas très expressifs, mais ils sont vraiment contents de me recevoir et de montrer leurs traditions pour le nouvel an. On boit leur thé. C’est du thé vert très bon que le père fait pousser sur la montagne. Il s’est lancé dans cette activité il y a seulement quelques années, mais il a l’air vraiment passionné et fait un style de production bio, sans intrants. Ici, je crois que c’est pas vraiment un argument marketing, c’est juste qu’il aime le bon thé.
La maison comporte 3 pièces alignées : on entre par un salon/salle à manger, puis il y a un pièce avec une banquette chauffante et la télé et enfin une cuisine. Une petite salle de bain est attenante à la cuisine. Pas de douche, juste un lavabo avec de l’eau glacée. Dans la cuisine, un four à bois chauffe à la fois une grande bassine d’eau qui sert pour cuisiner et diffuse la chaleur dans toute la banquette chauffante de la pièce centrale.


Et puis vers 19h, on passe à table. Dans la première pièce, on s’assoit tous autour d’une table ronde à plateau tournant très basse. La mère et la grand mère amènent les plats, beaucoup, beaucoup de plats. Il y a entre autres de la salade de choux à la méduse, de l’estomac de porc, des oreilles de porc, de l’intestin de porc à la graisse, des boules de viande, des légumes et un poisson délicieux, cuisiné dans des épices et de la bière. Je mange trop. L’ambiance est calme mais bienveillante, je bois aussi un peu de bière et de BaiJiu, un alcool de céréales distillé.

Et puis on va se promener dans la rue. Des voisins font péter des pétards et feux d’artifices. La famille Sun brûle un peu de papier monnaie pour les ancêtres et fait péter quelques pétards. Et puis on va se promener avec JiuXin. Il fait froid mais c’est beau ces feux d’artifice. Il paraît qu’avant il y en avait beaucoup plus. Maintenant c’est interdit et même si c’est largement toléré, la quantité de feux d’artifices a largement baissée. Je me souviens il y a 5 ans pendant la période du nouvel ans, j’étais dans la campagne du Zhejiang et pendant la nuit, le bruit des pétards était aussi fort qu’un tonnerre en continue pendant des heures et des heures. Là on en est quand même loin.
JiaXin m’invite dans la maison de ses grands parents. Et oui, tout le monde passe de maison en maison sans problème et sans frapper à la porte, j’adore cette pratique. Ses parents à elle ont quitté le village il y a longtemps pour aller habiter à Qingdao. Mais elle rentre tous les ans avec eux au village pour le nouvel an. Là, on trouve les grands parents, les parents et son frère. Les grands parents restent entre eux dans la cuisine, les parents discutent, la mère poste des photos de moi sur tiktok, le frère joue à un jeu vidéo sur son portable. JiaXin et moi on discute et on regarde la télé. À la télé de 20h à 00h, c’est le grand programme du nouvel an. C’est un programme à la fois culturel avec des arts traditionnels chinois (musique, théâtre, danse), des célébrités et une rétrospective sur l’année écoulée. Il y est notamment question des JO de Paris.





Et puis avant minuit, on commence à préparer les JiaoZi, des dumplings/raviolis, appelez ça comme vous voulez. La grand-mère, la mère et la fille s’affairent à la confection de ces magnifiques JiaoZi. Je leur file un coup de main, j’ai envie d’apprendre et d’aider. Aider c’est un grand mot, parce que je suis bien loin d’avoir leur habileté. Mais c’est intéressant, je vais essayer de vous mettre une petite vidéo ici.
Mais pourquoi des JiaoZi pour le nouvel an ? Et ben je sais pas, mais la tradition veut que le premier repas de l’an soit des JiaoZi. Donc à minuit, tout le monde se met de nouveau à table et c’est parti pour les Jiaozi ! La famille de JiaXin le servent avec un bol de peau de porc bouillie et gélatineuse comme accompagnement. Je n’y touch pas trop. Mais les JiaoZi, eux, sont excellents. Ils l’ont préparé avec des herbes et des crevettes, c’est trop bon.
Et puis JiaXin me ramène à la maison de la famille Sun (en réalité, tout le village s’appelle Sun, mais bon on peut se permettre une petite simplification). Là, ils n’ont pas encore servi les JiaoZi. Ils sont en train d’installer le repas quand j’arrive. Mais moi j’en peux plus, j’ai déjà beaucoup trop mangé !! Alors j’accepte à contrecoeur 2 délicieux JiaoZi. Et après ? Et ben après ça continue ! Il réservent un repas ! et des pains vapeurs en forme de poisson ! Nan franchement c’est trop. Je bois du thé et on discute un peu avec le portable.
Et puis il est temps d’aller au pieu. Puisque la petite maison des Sun est déjà bien remplie, Shuwei me propose de passer la nuit avec le grand-père dans une toute petit maison pas très loin. Allez, pas de problème. Et je partage la banquette chauffante avec un papy chinois qui ronfle.
Le lendemain matin, je pars visiter la montagne, les Ma’Er Shan. Le coin est un peu aménagé mais ça reste basique et c’est tant mieux. Je reste dans la montagne jusqu’à midi. À midi, je redescends au village et je mange (j’ai toujours pas faim !!) avec la famille Sun. Les gens vont et viennent dans la maison. C’est la tradition du premier de l’an: aller voir les proches et leur souhaiter une bonne année.




Et puis en début d’après midi, je commence à penser au retour. En fait pendant tout ce temps, le capitaine du bateau s’inquiète et me demande des nouvelles régulièrement. Alors pour être sûr d’être de retour le soir, je ne veux pas partir trop tard.
Sauf qu’au moment de partir, les parents Sun veulent me conduire jusqu’à la gare de PoLi, ils s’inquiètent. Je leur dit qu’ils ne me doivent rien et que je peux me débrouiller seul. Mais après un bon moment de discussion, ils me disent que de toutes façons j’ai mangé les JiaoZi avec eux, que je fais donc partie de la famille et qu’ils m’emmèneront à la gare.
Avant de partir, leur fille de 9ans m’offre un super dessin, je lui écris un petit mot en Français pour la remercier elle et sa famille.
Et le soir même je suis de retour à l’hôtel, prêt pour recommencer le travail le lendemain matin..