Je me lève tranquillement et déjeune du pain avec de la confiture. Un régal. Je passe la matinée à écrire et publier des articles, les deux autres sont partis manger en ville. Je mange avec Gian et ses neveux, Gonzalo et Bruno, 7 et 4 ans.
Fernando et Sabsarah rentrent et on prend un taxi pour la ferme des parents de Gian. Je suis un peu crevé, je ne sais pas trop comment ça se fait. Je reçois un message du mécano : le carter est soudé.
En arrivant, je fait le tour de la propriété, des canards, des canards et des canards, mais aussi des cochon d’inde, des pigeons, des poules, des chiens. Je suis surpris, je m’attendais à une vraie ferme ! En fait c’est une petite maison et des enclos en tôle récupérée sur le bord de la route, le tout posé sur le sable du désert. Les parents de Gian rentrent en ville et nous on va dormir dans leur chambre avec Gian. Je vois qu’on aurait pu tous dormir ensemble mais ils vont en ville de temps en temps, et une fois le taxi payé pour faire l’aller, autant le remplir au retour, ça coûtera pas plus cher. Bref, on a un lit à moustiquaire chacun, top.
Je découvre le van de Fernando :
Je suis un peu malade et pour ca Fernando a un remède : une poudre à aspirer par les narines via ce petit ustensile en bois. Je ne me souviens plus du nom mais c’est un mélange de racines.
On prépare le feu, on va chercher des branches et du bois comme on peut dans ce désert aride. C’est très sec, il n’y a pas vraiment de gros bois, en tout cas il est dur à trouver.
Ceci fait, on s’ouvre une bière, on se roule un pet’ et je sors mes cacahuètes. On profite de ces éléments psychotropes devant le coucher de soleil qui est magnifique ici. Des couleurs sublimes. On va nourrir les cochons d’inde avec Gian puis on revient lancer le feu.
Gian nous apprend que des Polonais vont venir installer un téléscope dans son « jardin » aka le désert. Il a rencontré un polonais astronome et ils cherchaient un emplacement pour mettre un téléscope, dans un désert, proche de l’équateur. Ils ont besoin d’un terrain de 3m sur 3m. J’avoue que je ne comprend pas trop, c’est pas très grand et surtout il y a la lumière de la ville de Piura juste à côté quoi…
Dans le feu, en plus du gros bois en dessus et des brindilles au dessus, le plastique et les poubelles. Bas ouai, on sait pas quoi en faire ici. Et de toute façon on est au Pérou, ils brûlent tout. C’est du plastique non recyclable de toute façon. Bref, on le lance et ça part fort.
Le feu est impressionnant au début avec les brindilles, il est fou, dégage beaucoup de chaleur, les flammes virevoltent dans tous les sens. Il se calme au fur et à mesure dans ce désert vide, rempli de sable, et termine par prendre sa forme finale, moins fougueuse mais plus stable. Je regarde les flammes jaunes, oranges et rouges danser dans les buches. Une petite bleue se glisse ici, je ne sais pas trop comment. Les braises sont rougeoyantes. Je me demande bien la température à laquelle se trouve le centre du brasier. Sûrement des centaines de degrés.
J’ai l’impression que Gian se sent un peu seul et recevoir des gens de couchsurfing tous les jours vient briser sa solitude. En plus de ça, il travaille comme ingénieur civil mais à la mission, c’est à dire que quand il n’a pas de mission, comme maintenant, il n’a rien à faire. Et il ne cherche pas spécialement de mission plus que ça, il vit sur ses économies. Il ne paie pas le logement (maison familiale), juste la nourriture (qu’il se fait souvent offrir par les gens en Couchsurfing, pour lui et la famille) et surtout ses sorties (limitées). Autant dire, ses dépenses sont proches de 0. Venir ici avec nous, lancer le feu, boire une bière, on sent que ça lui fait grave plaisir et qu’il le fait comme si on était potes de longue date. Je me demande bien s’il a des potes tient. Je n’en ai pas entendu parler.
Fernando sort une guitare et se met à jouer. Je ne sais pas trop ce qu’il joue mais je me laisse porter par la musique qui fait danser les flammes.
Je suis assis ici à regarder le feu ardent manger petit à petit le bois, et me demande bien comment Fiorella a pu entrer dans ma vie comme elle l’a fait. Elle est arrivée et a ouvert toutes les portes, une à une, calmement mais sûrement. Alors que je suis en voyage et plutôt fermé à tout ça, et d’autant plus avec quelqu’un à l’autre bout du monde, elle, elle fait sa vie, tranquille, comme si c’était normal.
Je veux dire, il y a Manue (la fille de Rincon del Mar), Zoé (le fille de Baños) et Brigith (la fille de Cajamarca) qui me parlent de temps à autre, mais je m’en fou royalement. Bon, Brigith ça compte pas vraiment. Manue je l’aime bien, mais pas plus que pote, je pense qu’on se reverra un jour ou l’autre mais voilà. Fio, elle, elle est là tranquilou, elle s’installe, elle pose ses affaires comme si de rien n’était, avec le sourire, et tout va bien.
Jamais j’aurai pensé laisser entrer quelqu’un dans mon voyage comme ça. Et encore moins dans ma vie. Alors, je suis en droit de me demander, « pourquoi ? » pourquoi elle est entrée comme ça, pourquoi je l’ai laissé entrer comme ça, comment elle a fait ?
Évidemment, j’ai plusieurs réponses à ces questions, il y a plusieurs facteurs concourants. Les premiers, qui lui ont permis de rentrer un peu plus qu’à l’habitude découlent de l’accident : le fait que j’ai plus de temps à moi, le fait que ca me permet de penser à autre chose et me fait sourire, le fait que c’est aussi un soutient mental un peu. Et comme je le disais hier, le fait qu’elle m’apprenne beaucoup en terme de culture. Mais c’est pas suffisant, ça c’est la porte d’entrée, mais elle a passé toutes les autres aussi, alors comment ?
Je crois que c’est un mélange, un peu d’idéalisation, parceque même si on parle beaucoup, on est loin, on ne s’est jamais vu, sans les ignorer pour autant, on ne peut pas voir tous les défauts de qqun par message, loin de là. Je crois que je suis très curieux aussi, et découvrir la culture, non seulement quand elle me l’explique, mais aussi en iniciant quelque-chose, ça m’intéresse, je suis curieux de savoir comment ça se passe, comment ça va se passer, etc. Le troisième point, c’est sa façon de faire. Les latinos ont l’habitude de parler, de savoir quoi dire, ils sont ultra sociables et donc quand il s’agit de parler à quelqu’un en trouvant toujours quelque-chose à dire ils sont forts. Ils savent parler et faire parler. Ah et puis une chose, j’ai du mal à laisser des messages en suspend. Elle parle beaucoup (comme une latina quoi) et je ne peux pas m’empêcher de répondre aux messages. En fait pour moi voir un message sans y répondre c’est un peu comme si quelqu’un en face de toi te parlait, tu le regarde dans les yeux, et tu t’en vas. Je supporte pas, du coup je répond tout le temps. Et je crois que le dernier point, et pas des moindre, c’est juste elle, comme elle est, son caractère, sa façon de faire, d’agir, d’être. On s’entend bien.
Bref, même si ça s’envoie des « mi amor » (ouai ça reste une Colombienne hein, pour rappel en Colombie quand tu vas à la boulangerie on te demande « tu veux combien de pains mi amor ? » et toi tu répond « 12 mi corazón ». Normal. Bon là c’est pas la boulangère mais voilà.) ben on verra bien ce qu’il se passe en octobre. Si tenté qu’elle ait son année haha ! Sinon, bye bye Fio, on se reparle en janvier, flemme de parler 8 mois avant de se voir.
Bref, le feu perd en intensité et se met à sentir le plastique brûlé dont Gian se débarrasse. Pas top. On finit par rentrer faire à manger. Ils ont la flemme mais je les motive, on mange de la mangue, du kaki et on prépare du riz et des œufs fris. Gian m’insulte intérieurement quand je lui dit que le riz je le fou juste dans l’eau. Il faut le rincer, le mettre dans la casserole avec un peu d’huile, faire chauffer puis ajouter l’eau, un volume de riz pour un volume d’eau. Bref, on mange et on va se coucher.
Bilan : 64 soles soit 16€, et des cacahuètes