Samedi 10 juin
Comme tout le monde commence à fatiguer, nous avons décidé de faire un jour de repos. En partant de notre bivouac, le but est de faire 30km pour rejoindre Bardara puis d’y passer la journée. Comme il fait très chaud pendant la journée, on change de rythme et on decide de partir très tôt le matin, vers 5h30.
On arrive à Bardara vers 9h30. Bardara, c’est un assez grand village perché à presque 3000m dans une vallée annexe très étroite. Sur la route, on se demande où l’on va et puis d’un coup, le village perdu apparaît, sur le cone de déjection très raide.
Pour entrer dans le village, on passe un pont, puis on grimpe sur le cone de déjection. Au début, c’est très rocailleux, à se demander si l’endroit est si accueillant que ça. Et puis petit à petit apparaît, en amont du cône, une plaine fertile, un véritable paradis.
Dans le village, on ne passe pas inaperçus. Avant COVID, ils avaient pas mal de touristes. Mais depuis 2020, c’est le calme plat. Alors tout le monde est content de nous voir. On est accueillis par Mamadbek, le prof d’anglais du village et un ami à lui, un colosse dont la famille tient un style d’auberge pour les gens de passage.
Selon moi, on voit qu’on est dans un endroit isolé et peu touristique parce que les gens sont extrêmement gentils, souriants et accueillants, parce qu’il ne semble n’y avoir qu’une auberge pour les gens de passage et enfin parce que la tenancière ne veut pas nous donner un prix : c’est à nous de donner ce qu’on veut donner. On paiera 150 somonis (~13€) par personne pour la pension, comme dans la plupart des Homestay.
Pourtant, comme je le disais, le village est important. Il y aurait 130 maisons et plus de 1000 habitants.
Une des particularités de Bardara, ce sont ses Genévriers. Il y en a 3, dont un particulièrement énorme. Ce sont des arbres extrêmement vieux qui seraient parmis les derniers de la région (la plupart auraient été coupé pour leur bois).
Il existe un culte autour de ces arbres. À côté du plus grand, il y a une jolie petite mosquée. Dans l’arbres, dans une des plus grosses branches, on entre-aperçoit une boîte. D’apres Mamadbek, c’est une boîte laissée là par les ancêtres et que l’arbre a presque totalement « ingéré ». Personne ne sait ce qui se trouve dans cette boite. Si on considère que l’arbre et le village ont plusieurs milliers d’années, on peut imaginer que ce magnifique arbre renferme son lot de secrets !
Il existe plein de légendes à propos de ces arbres, en voici une.
Il y a fort longtemps, Nasir e Khosraw est l'homme qui a islamisé la région. Lorsqu'il arriva à Bardara, les habitants prirent peur et fuirent dans les montagnes. Nasir, malin, laissa une hache par terre au cente du village. Si elle avait bougée le lendemain, alors c'est que le village était bien habité.
Et le lendemain, patatra : la hache avait bougée.
Notre bon Nasir ayant découvert les villageois, il planta trois bâtons dans le village.
Si les bâtons devenaient des arbres, alors le village serait vivable et prospère.
Et voilà, aujourd'hui ces trois bâtons sont de très vieux arbres et le village est toujours là.
Bon, les contes c’est marrant mais ça fait pas bouillir la marmite. Alors voici un peu plus d’infos sur ce village, et par extension sur la plupart des villages de ces hautes vallées lointaines.
Premièrement, comme la montagne impose son rude climat, la vie suit le rythme des saisons. En été, tout le monde est au champ. Les cultures sont assez variées malgré l’altitude : blé, patates, quelques légumes (oignon, tomates, carottes, chou, herbes aromatiques), arbres fruitiers (abricots, cerises, pommes). La plupart des animaux sont dans des alpages, gardés par des bergers.
En hiver, et bien il n’y a pas grand chose à faire. C’est la saison de l’école (de septembre à mai).
Il y a quand même quelques emplois fixes. Il y a 30 professeurs, 3 médecins, quelques chauffeurs de 4×4, un peu de tourisme en été, un cantonnier, un petit magasin, une centrale électrique, etc. Mais ça ne suffit pas à faire vivre tous les habitants. C’est pourquoi la majorité des hommes ne sont pas là : ils travaillent en Russie, comme chauffeurs, dans le bâtiment ou autre. Et c’est le cas dans tous les villages de la région. Il paraît que c’est très dur pour les Tadjiks de travailler en Russie. Ils sont victimes de racisme, de vol, etc. Ceux qui nous en parlent n’en gardent pas un bon souvenir.
Le matin, il y a beaucoup de monde dehors pour le travaille des champs. L’après-midi, il n’y a pas grand monde, juste quelques hommes avec des pelles qui continuent l’irrigation en plein soleil. Il caut dire que c’est pas très physique l’irrigation, il suffit de regarder et de bouger un peu de terre ou de pierres de temps en temps pour diriger le flux d’eau.
Et le soir par contre, tout le monde sort et se retrouve au centre du village : le terrain de volley. Je ne pensais pas, mais ils sont vraiment forts au volley ! Et puis autour des jeunes qui jouent, les vieux parlent, les enfants se tapent dessus… Bref, c’est vivant.
Enfin, j’ai noté que les femmes travaillent quand même beaucoup. Le matin au champ, puis à la cuisine, la lessive, les enfants, etc. Ça rapporte rien mais quel boulot !
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