Le voyage de Marty, Huaquillo #jour261

Réveil et petit dej. J’aide Víctor à laver le grain et l’étendre pour qu’il sèche sur les grandes bâches devant la maison. Je regarde ce que je peux faire pour l’aider, il monte tous les jours des sacs de 50kgs du premier étage au rez de chaussée et inversement pour faire sécher le grain. Ces sacs de 50kgs il les met sur son épaule et monte et descend sur une échelle en bois. C’est dangereux, pour sa colonne vertébrale de manière générale et s’il tombe. Franchement y’a moyen de faire bien mieux et plus simple avec un palan ! Fabriqué ou acheté directement ! Je lui explique mon idée et je lui dit que je lui offre, pas de souci. Il me dit qu’il a déjà utilisé ça dans un travail en construction mais qu’il n’y a rien ici. Je vais quand même aller voir au village ! Je veux dire, tout le monde ici cultive le café, ils doivent bien avoir des poulies quand même ! C’est ultra simple une poulie.

On ramasse le café pendant 1h30 et on descend manger… Une soupe de pâtes. Franchement ça c’est le pire de tout la soupe de pâte. C’est vraiment des pâtes 5 fois trop cuites dans un bouillon pas ouf avec des petits pois en plus. Franchement je suis pas difficile mais là c’est vraiment abusé. Mais c’est pas spécialement chez eux, en Colombie ils font pareil, je leur en veux pas du tout, mais c’est vrai que c’est quand même un peu massacrer les pâtes quoi. Un italien ferai un infarctus hahaha ! Après s’ils les aiment comme ça 🤷‍♂️ mais j’avoue c’est pas mon truc.

Après manger on prépare le café pour moi avec Victor. Le torréfier pendant 30min sur le feu en remuant jusqu’à ce qu’il ai une belle couleur, le moudre puis le mettre en sachet. Victor a même des sachets spéciaux pour le café, qu’il selle hermétique, avec son étiquette et tout ! Trop cool ! Il a les certifications pour envoyer le café à l’étranger, il a passé tous les tests sanitaires etc, ça c’est super cool. Bon, ça coûte 250€ tous les 4 ans, c’est un investissement quand même…

J’appelle Jules pour la première fois depuis l’accident et on discute bien. Il me parle de la relation qu’il a avec sa copine, c’est complexe. Elle est incapable de gérer ses sentiments et réagit toujours au quart de tour et super à chaud. Du coup il lui écrit une lettre pour qu’elle prenne son temps.

Bon, sinon lui ça va, il est opéré, il a une attelle pour 6 semaines puis 4 mois de rééducation. L’attelle ça va mais 4 mois de rééducation c’est beaucoup quand même ! Ils lui ont mis une plaque de métal et 6 vis. À voir l’évolution, si tout va bien fin juin ils retirent l’attelle et dans un an la plaque en métal. Il va falloir être patient.

Je lui demande quand même ce qu’il pense de l’accident, s’il m’en veut, etc… Globalement, il me dit qu’il ne m’en veux pas, c’est la vie. Il prend des risques constamment et il sait qu’un jour ou l’autre il va se blesser. C’est ma mentalité aussi, on est pareil, et c’est pour ça que je suis parti avec Jules, avec qqun d’autre je ne l’aurai pas fait. On sait qu’on prend des risques, on sait qu’on aime l’adrénaline, on sait qu’il va nous arriver des accidents, c’est quasi certain, mais on l’accepte. Et ben là c’était le cas. L’accident est arrivé pour toutes les autres fois où on fait les cons et où il ne se passe rien/où on a de la chance.

Il me dit cependant que j’avais une conduite engagée et que j’aurais pu être plus prudent. Freiner quand j’ai vu le mec freiner, et si je doublais doubler en prenant plus de marge, plus de décalage. Après, il me dit que je respecte le code de la route donc… Bon. Voilà. Honnêtement même si je m’en veux quand même un peu et qu’on aurai pu être plus prudent, même si c’était quand même une leçon, je suis soulagé d’avoir cette discution.

Bon, je part avec Felipe, le fils de Victor, au village de Tamborapa pour aller chercher poulies et corde. Bon, après avoir fait le tour du village, ils n’ont ni poulie ni corde. Enfin, c’est quand même incroyable je trouve ! Les mecs ont pas une poulie, ils ne savent même pas que ça existe alors qu’ils montent tous des sacs de 50kgs au premier étage sur des vieilles échelles en bois. Enfin je veux dire, dans les moulins en France il y avait des palans il y a 200 ans quoi !

Une scie à métaux originale

Ceci étant dit, la balade est sympa et on rigole bien avec Felipe. De retour, Víctor m’emmène pour connaître ses cultures à lui. En tout il a quelque-chose comme 7500/8000 pieds de café. De manière générale il a 70% de café de tres bonne qualité : Pache, Arabica, Caturra, Chanchamayo et 30% de café colombien, le Catimore. Planter 5000 plans ça coûte environ 30 000 soles et produit 30 sacs de café par an. Avant que les plans ne produisent il faut 2 à 3 ans. Ensuite ça produit. Du coup, avant de gagner de l’argent ça met 4 ans facile. Sachant qu’un plan dure 10 ans. Pour multiplier la récolte, ils coupent les plan en bas, du coup le plan repousse en double. Mais ça demande 1-2 ans le temps que ça repousse. Tout pousse assez vite ici, il me montre un arbre qui fait 30m de haut et me dit qu’il a 10 ans !

On parle de pesticides et d’engrais. Il avait 2000 plans de plus avant. Un jour il est tombé malade pendant 6 mois et n’a pas pu travailler. Quand il a repu il a donc bossé comme un fou pour tout rattraper. Un « ingénieur en agriculture » lui a dit de mettre des pesticides et de l’engrais. Résultat des courses : les pesticides ont détruit le sol et les organismes et l’engrais à détruit les plans. En fait l’engrais c’est ultra efficace, ça permet de produire 2 fois plus, mais il faut habituer les plans dès le début sinon ça les tue. C’est ce qu’il s’est passé. Ainsi donc il a perdu 2000 plans et son sol était mort. Le temps que le sol se réforme ça prend 10 ans… Il me dit plusieurs fois avec regret « c’est la que j’ai tout perdu ». 2000 plans c’est 15 000 soles pour les planter, soit presque 4000€. Pour quelqu’un qui gagne 3000€ par an, c’est une perte gigantesque. Il m’explique que le prix de plantage c’est si on fait planter mais que si tu fais tout toi même évidemment c’est bien moins cher… Mais ça te demande beaucoup de main d’œuvre. Des volontaires sont resté avec lui un mois une fois et l’ont aidé à planter plein de plans, super cool.

Du coup l’engrais… C’est bien quand t’as vraiment des sous, mais ça demande un gros investissement. Pendant les années où le plan ne produit rien il faut quand même y mettre de l’engrais, cher, sans rien gagner. Quand ça commence à produire ça ne produit pas plus qu’un plan normal. Par contre plus les années passent et plus ça produit, mais du coup c’est du long terme et un pari. À l’inverse en organique ça produit beaucoup au départ (ce qui permet de rembourser l’investissement initial) puis de moins en moins.

J’ai mis « ingénieur en agriculture » entre guillemets car pour moi c’est pas un ingénieur. En fait ici et en Colombie, quasiment personne ne fait de Master car c’est hors de prix (jusque 15 000€ l’année). Quand on demande aux gens ce qu’ils ont étudié ils répondent « ingénierie mécanique » ou autre. Mais sauf qu’ils ont un niveau DUT ou L3 en fait, pas du tout un niveau ingénieur. Du coup quand on me demande et que je dis que je suis ingénieur en mécanique, on me répond que je répare des moteurs. Ben non, ça c’est mécanicien… Mais en fait ici il n’y a pas d’ingénierie à proprement parler. Les motos viennent de chine (marque Wanxin ou Zongshen), les machines agricoles viennent du Brésil avec ingénierie allemande (Stihl), la bonne marque sinon c’est Honda. Ils n’ont aucune ingénierie au Pérou, ni en Colombie d’ailleurs, plus en Colombie mais loin d’être comme chez nous. Du coup les gens n’imaginent même pas en fait qu’il y a des gens qui font réellement de l’ingénierie, du développement de pièces, de machines, etc. Eux ils ne voient que le produit fini. Victor me dit qu’il existe ingénieur en maintenance ou ingénieur en construction, et que moi je serai ingénieur en construction ici. Mais perso je suis pas d’accord. Enfin je veux dire, l’ingénieur en maintenance ici c’est un mécanicien, il prend ses outils et il change des pièces, répare. C’est pas ingénieur chez nous. Et idem pour la construction, ça doit être l’équivalent d’un DUT de construction mécanique quelque chose comme ça.

La chilienne qui fait faire un herbier aux filles
Du café qu’on a torréfié et moulu pour moi
Préparation des tortillas

C’est assez drôle comment chez les chiliens qui viennent de Valparaíso, une partie de Santiago, au Chili, le pays le plus riche d’Amérique Latine, les gens les moins concernés par les métiers genrés, dès qu’ils se retrouvent à la campagne, hop, la femme avec les enfants et la cuisine, l’homme ramasse du café. Mais on le sait, la place de la femme c’est à la cuisine !

Évidemment c’est une blague hein, j’adore cuisiner et c’est pas moi qui vais imposer quoi que ce soit à qui que ce soit, loin de là haha !

Víctor nous emmène avec les autres volontaires à voir une cascade sur le terrain de son frère. On part machette à la main sur le petit chemin. Les deux chiliens ont du mal à marcher, ils sont lourds et pas super habiles, c’est pas des gens très sportifs et on les attend pas mal. Le fille est dessinatrice et le mec répare de l’informatique. Honnêtement, ils n’aident pas beaucoup Victor. Le matin ils prennent leur temps, le soir ils partent en avance, si Victor ne demande pas ils ne font pas et regardent. Lors de la récolte aujourd’hui la fille est restée à la maison car elle avait la flemme et le gars est monté récolter seul. Bon après elle a occupé les filles un peu mais enfin, je suis pas sûr que c’était la chose la plus utile à faire haha ! De quoi faire palir les féministes : le mec est parti au champ même s’il n’avait pas envie et la fille est resté à la cuisine et avec les enfant parceque c’était plus simple.

Mis de côté cet apparté, on arrive à la cascade : elle fait 20m je dirais et est franchement cool ! Sur le chemin de l’aller et du retour on discute bien avec Victor.

Il m’explique comment faire de la gnôle de canne à sucre : avec 260L de jus de canne on peut faire 45L d’alcool, moins 1L de perdu dans les tuyaux. Quand le jus fermente on mesure son grade avec un petit appareil pour voir la quantité d’alcool. Lui le fait au nez mais parcequ’il à l’habitude ! Quand il distille il jette donc le premier litre qui sort, qui correspond à la queue de la précédente distillation, qui est restée dans les tuyaux.

Il sort ensuite le Cogollo, environ 1L, qui est le meilleur alcool de la distillation. Il sort après 15L de primera à 22 grados soit 60/70° à priori. En dessous de 21 grados ca devient l’aguardiente normal (15L) avec une moyenne à 14 grados soit 35%. S’il laisse cette partie fermenter 6 mois il obtiens 17 grados soit 45°. Finalement on termine par la queue, 15L à 12% d’alcool. Après il reste encore du jus de canne dans l’alembic et on peut faire de l’alcool de seconde distillation. C’est à dire qu’on laisse fermenter et qu’on redistille. Mais en fait l’alcool de seconde distillation c’est de la merde et c’est celui qui peut être frelaté. Ça se vend bien car pas cher du tout mais c’est vraiment à éviter. Lui n’en fait pas, ou alors il s’en sert comme nettoyant.

Il me dit qu’un Slovaque lui a appris à faire de l’alcool à base de fruit : 3 sauts de 18L d’oranges (sans la peau et pressée pour faire sortir le jus), 4 sauts d’eau et 55kg de sucre. Le processus est le même, fermentation puis quand c’est prêt distillation. En fait c’est simple de faire de l’alcool ! Go acheter un alambic à la maison ! Je me demande si on peut faire tester son alcool dans un centre. Je veux dire, il est possible de faire tester sa coke, son ecsta ou n’importe quelle drogue dans le genre dans un centre pour vérifier qu’elle n’est pas coupée avec de la merde. Il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas avec l’alcool ! Ça serait le feu !

Il m’explique qu’il aimerait bien fabriquer un séchoir pour le café. C’est tout bête, c’est basiquement juste un toit en plaque transparentes pour protéger de la plui et ne pas à avoir à tout rentrer chaque jour. Le souci ? Le bois pour la structure il l’a mais les plaques de toit en plastique transparent coûtent 220€. C’est son salaire mensuel, il n’a pas de quoi les acheter. Il est envieux (mais pas jaloux) de son voisin qui a réussis à se le faire financer par la région. Il me dit qu’il voulait en faire un l’an passé mais il a du acheter une imprimante avec ses économies de l’année. Oui, une imprimante, avec ses économies de l’année ou presque.

Il me dit qu’ici le cheval ne se mange pas. Quand il meurt après avoir travaillé toute sa vie ils font un enterrement et lui rendent hommage. Cependant il peut arriver qu’ils en mangent : lorsqu’un cheval se blesse et qu’on ne peut pas le sauver, il est abattu, on lui coupe les jambes et le mec invite tous ses potes à faire une fête, sans leur dire qu’ils mangent du cheval. Un fois que tout le monde a finis son assiette l’origine de la viande est révélée.

On rentre, on mange des tortillas frites et j’aide Víctor avec le café.

Bilan : tema la taille des économie : 0€

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