Le bolivouhack selon Flétan #11 : Oruro et La Joya

Oruro n’a pas d’intérêt particulier, c’est même le lonely planet qui le dit. Pourtant, d’un autre côté, c’est une ville culturellement très riche puisque l’immense majorité des habitants sont des peuples de l’altiplano. Le moment phare de l’année, c’est le carnaval de Oruro, considéré comme la plus grande fête de Bolivie. Dommage, c’est pas la bonne période. Oruro est aussi une ville minière, ses sous sols et ses collines regorgent de plomb, d’étain, d’argent et d’or, c’est d’ailleurs la première raison d’exister de cette ville. Enfin, quelque chose d’étrange à Oruro selon moi, c’est son urbanisme. Presque toute la ville y compris l’hyper centre a été construit sur le même plan carré avec des rues étroites. Il n’y a donc pas de centre ville un peu ouvert avec de la place pour les marchés par exemple. Pour autant, la ville est très animé et les habitants ont trouvés des solutions astucieuses pour faire leurs marchés géants (ça teaz ! Lisez la suite 😛 ). Sinon, en deux jours ici on aura croisé zéro touristes étrangers. La ville n’est pas sur les circuits, tout simplement.

Dimanche 24 juillet.

Après le petit dej à l’auberge de jeunesse, on part vers une des collines qui jouxtent le centre pour aller voir le musée de la mine. C’est pas vraiment un musée mais plutôt une ancienne galerie visitable avec quelques panneaux explicatifs. Première surprise : l’entrée de la galerie se fait au fond d’une grande église église. En plus, comme on est dimanche, la messe est dite en continue. C’est assez impressionnant de plonger sous la terre au milieu des litanies. Ensuite en descendant, les parois sont couvertes d’un épais dépôt jaune de souffre. Un guide nous explique vite fait le culte des mineurs à El Dio ou El Tio. C’est une divinité qui veille sur les mineurs et à laquelle ils font beaucoup d’offrandes de cigarettes, de coca, d’alcool et d’argent. C’est intéressant le mélange du christianisme avec la culture et les croyances locales.

La mine

Il y a encore des mines exploitées à Oruro. Ce sont des petits groupes de mineurs qui forment des coopératives et qui louent les droits d’exploitation au gouvernement. D’après le guide, la Bolivie a toujours été assez réticente aux investisseurs étrangers, ce qui fait que le secteur minier est resté relativement artisanal, du moins ici c’est comme ça. Avec les réserves énormes de lithium du Salar de Uyuni, c’est train de changer, mais je garde ça pour plus tard.

Après la mine, on se dirige tranquillement vers Obrajes. C’est une source thermale à 30 minutes de trufi de Oruro. Il y a un peu une ambiance de piscine municipale, mais au milieu du désert. L’eau est bien chaude, ça fait du bien. Il y a des boliviens qui viennent de loin pour les vertues curatives de la source. Cool !

Le soir, on rentre, on mange et on se retrouve un peu par hasard sur un marché énorme. Comme il n’y a pas la place au centre ville, le marché se trouve sur une rue très large. Il faut voir deux larges routes avec au milieu, une vieille voie ferrée. Bien sûr, il y a des étales partout et beaucoup de monde. Vu l’état de la voie ferrée, on était sûr qu’elle était abandonnée. Que nenni ! À grand coup de klaxon, un grand train de marchandise se fraie un passage au milieu du marché. C’est complètement surréaliste ! Les étales se poussent un instant et reviennent sur la voie ferrée tout de suite après. Incroyable.

Le marché de la voie ferrée
Un herboriste propose des potions pour tous vos problèmes

Lundi 25 juillet. On a décidé de rester la mâtinée à Oruro puis de bouger en début d’aprem dans la direction du parc de Sajama, à l’ouest de la région.

On va au musée d’anthropologie d’Oruro. Franchement, c’est un musée modeste mais très intéressant. On apprend plein de trucs sur les populations et les traditions locales. Par exemple dans le coin, on faisait des tours funéraires (les chulpa) pour mettre des dépouilles momifiés en position foetale. Certaines de ces dépouilles présentent des crânes vraiment très allongées, ce qui a l’air d’être du à une déformation volontaire de la forme du crâne. Il y a plusieurs momies et crânes, et ben c’est quand même bien glauque. En plus, dans les anciennes traditions, on sortait les momies une fois par an pour leur faire coucou.

Avant de partir, on mange du charquekan. C’est de la viande de lama séchée avec des patates et du maïs. Le goût est assez fort, je dirais entre du gibier et du mouton.

Puis nous prenons la route. Nous avons repéré un bled perdu sur la route que nous voulons emprunter, on se dit que ce serait un bon point de depart pour faire du stop. Ça s’appelle La Joya. En deux-trois questions, on trouve le trufi qui y va. Le chauffeur à l’air super content d’avoir des étrangers. Je crois qu’il nous dit qu’il a déjà emmener un allemand une fois. Wah, décidément ça à l’air paumé. Il dit à tout le monde qu’on est français. Comme j’ai acheté un immense sac de pop-corn en ville, je partage avec tout le monde dans le trufi : autant se faire bien voir. On apprend qu’il y a une mine à La Joya et qu’apparemment ça se visite, enfin ça c’est pas très clair. On débarque dans le village après 40 minutes de route. L’ambiance est calme, les gens nous regardent, ils ont clairement pas l’habitude des touristes. On demande si il y a une residencia, la réponse est négative. Tant pis, on trouvera plus tard où dormir. Parce que là, devant nous, on voit une belle montagne pleine de routes et de trous, il n’y à aucun doute sur le fait que c’est là que se trouve la mine.

La montagne de la Joya vue d’en bas

C’est une petite montagne au milieu du plat absolu de l’altiplano. Plus on s’approche, plus on prend la mesure de l’activité qui règne ici. Le village est calme, mais la montagne bouillonne. Il y a des camions chargés de minerais et toutes sortes de véhicules qui circulent sur la montagne. On voit une usine de raffinement d’or. Il y a des centrifugeuses, des bassin pleins de boue, des sacs de minerais, des tapis à or, des tamis, etc. Mais le tout à l’air très artisanal. On entre, on parle rapidement à des ouvriers. Il sont amusés de nous voir ici mais en même temps ils sont là pour bosser, pas pour papoter. Un responsable arrive et ne dit rien. On lui demande si on peut regarder, il dit non, mais sans nous mettre dehors. Pour résumer l’esprit, je dirais que c’est « fais ce que tu veux, mais fais pas chier ». Je ne prends pas de photos pour éviter le conflit et on commence à grimper la montagne. On s’approche d’une entrée de gallerie, l’ambiance est rigoureusement la même : fais ce que tu veux mais fais nous pas chier.

Une des innombrables entrées de mine

On continue de grimper. Il y a énormément d’entrées, certaines actives et d’autres abandonnées qui on l’air de servir de toilettes. On entend les compresseurs, les camions et parfois des explosions, de gros booms sourds. On voit aussi des mineurs sortir de grands wagonnets à pneus chargés de minerais. Ils les déchargent devant l’entrée en attendant qu’un camion vienne les charger. Certains mineurs sont un petit plus enclins au dialogue. Par exemple on croise un artificier en train de préparer les « pyro » pour le soir. Il coupe de grandes longueurs de mèche verte et nous montre quelques bâtons de dynamites.

Avec notre ami artificier

On continue l’ascension. On voit un Tio, la divinité de la mine. Il est couvert d’offrandes. Juste à côté, une femme vient vers nous. Elle nous parle direct. Selon elle, l’or d’ici est de très bonne qualité et d’ailleurs, cette montagne est le petit frère de Potosi, la reine des mines Boliviennes. Son fils creuse un filon à ciel ouvert à la barre à mine. J’ai l’impression qu’ils ramassent les miettes laissées par les autres exploitants de la montagne. Le discours de la mère sent un peu la fièvre du jeu, l’espoir infini du mineur indépendant de trouver le filon du siècle le lendemain. C’est un peu triste du coup.

On continue de monter et on arrive au sommet, 4200m. On commence enfin à constater l’immensité de l’altiplano. Il est immense et aussi plat qu’un lac, avec cependant quelques reliefs qui s’arrachent de sa surface. En fait, c’est aussi plat qu’un lac parce que jusqu’à il y a 10000 ans, c’était un lac. Un lac salé, peut être un mer intérieure perchée à 3500m d’altitude. Un lac salé parce que la terre est salée ici sur le fond plat qui nous entoure. À côté du village, on voit un joli lac avec quelques flamands roses dedans. Le lac est également salé.

La petite ville et le lac salé

Un peu en dessous du sommet, un voit une maison en pierre qui a l’air encore relativement entretenue. Un refuge pour les mineurs ? Ça pourrait être bien pour passer la nuit !

En fait, pas du tout. C’est une chapelle, pour la mine et les mineurs. L’autel est couvert d’offrandes et il y a deux grandes croix recouvertes de tissu blanc et de fleurs en plastique. On apprend plus tard qu’il y a une procession annuelle jusqu’à la chapelle le 13 mai pour la Santa Cruz. Ça doit être impressionnant !

Le sommet et la petite chapelle devant le plat affolant de l’altiplano

Le soleil décline bien et on décide de camper proche de la chapelle. On est en train de monter le camp quand on entend deux explosions toutes proches, BAM BAM. Je me retourne et je vois 4 mineurs sortir d’un trou à 30m avec gros nuage de poussière. On va les voir et ils sont plutôt amicaux ! Ils ont finit leur journée et veulent bien parler un peu. Ils nous font même visiter leur gallerie. Ils sont sur une énorme veine de minerai d’or, qui fait au moins 50m de haut en tout et à peu près autant de profondeur.

Un Tio avec ses offrandes devant une des entrées

En fait, ici le système est simple : n’importe qui peut travailler à la mine. Pour gagner de l’argent, il suffit de vendre du minerais à un des deux sites de raffinement situés en bas. Facile non ? Non, bien évidemment. Nos guides travaillent du lever au coucher du soleil. Selon eux, les deux sites de raffinage appartiennent à la même entreprise espagnole. Si c’est le cas, ça veut dire ue cette entreprise à un monopole et peu imposer ses prix aux mineurs, ça pue un peu. En plus bien sûr, comme chacun fait ce qu’il veut, la sécurité et les horaires de travails sont aléatoires.

Apparement, la montagne est exploitée depuis les incas, il y a donc plus de 500 ans que l’affaire tourne.

Les plaines salée et parfaitement plates s’étirent jusqu’aux montagnes au loin

On est complètement abasourdis par l’expérience de cette après midi. Cette montagne est tellement vivante, mais en même temps elle a l’air tellement dure !

La nuit, le ciel est d’une pureté absolue. J’ai jamais vu autant d’étoiles, c’est magnifique. On voit passer une ligne de plusieurs dizaines de satellites : c’est un lancement de starlink ?

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