Dans mon dernier article, je disais déjà que je n’écrivais pas beaucoup pour le bivouhack à cause de mon roman. Eh bien c’est resté vrai longtemps. Le roman est terminé à présent. En quelque sorte. Je l’ai envoyé à des maisons d’éditions. Il y aura sûrement des ajustements à faire, j’en ai déjà en tête, mais nous y voilà. Après être passé des années sur un projet de trilogie trop compliqué à écrire, je suis parti sur cette série littéraire, devenue roman, qui s’appelle Derrière les Masques (pour le moment…). J’espère qu’une maison d’édition le trouvera digne d’intérêt.
Mes articles me laissent un goût d’inachevé. Alors même si c’était y a six mois, je vais écrire comme si c’était récent. Accrochez vos ceintures et ressentez la chaleur moite de l’été japonais et la sueur qui imbibe vos vêtements.

Fin juin marque une rupture dans ma vie tokyoïte : ma famille vient me rendre visite. C’est l’occasion de deux semaines sympathiques où je peux leur montrer ce qu’est devenue ma vie ici.
Avec mes compétences de japonais, je les guide vers des coins moins connus des touristes. N’étant pas encore en congé, je les laisse visiter ce que je connais déjà quand je bosse
Pour le weekend, je leur laisse la surprise sur notre hébergement. On arrive une fois la nuit tombée dans un bled minuscule, accueilli par un gars assez sympa. Chez lui. C’est une maison d’hôte.
C’est une vieille maison de style traditionnelle, en tout cas, au rez-de-chaussée. On a dormi sur des futons typiquement, mais je soupçonne l’hôte de dormir sur un lit à l’occidentale à l’étage. Ce gars est assez rigolo d’ailleurs. Il vit en van à mi-temps. Il voyage dans le pays. L’aventure, mais pas trop non plus.
Nous sommes donc à la montagne, dans les Alpes Japonaises (c’est leur vrai nom). On y trouve les sommets les plus hauts du pays, à l’exception du Mont Fuji qui est dans son coin à lui. C’est l’occasion de marcher et de découvrir que la tendance japonaise à la surexplication et à la surprotection vaut aussi pour les chemins de randonnées.
On se dirige vers Kamikochi, un spot de début de rando connu dans le coin où on ne peut accéder en voiture. Il faut prendre un bus dans le village d’en bas.
Et je ne m’y attendais pas mais c’est un peu Disneyland. Les chemins sont bondés, il y a pas mal de boutiques, et malheureusement on n’a pas le temps de s’aventurer trop en profondeur. C’était joli quand même.
On a aussi visité un village médiéval. Il n’en reste pas beaucoup au Japon, beaucoup ont subi les incendies, les séismes, les tsunami et les promoteurs immobiliers.

Ca me faisait un peu penser à Pérouges, mais en bois : beaucoup de boutiques d’artisans, des restos bien à l’ancienne, une unique spécialité locale dont ils sont fiers.
Au moment de rentrer au bercail pour moi, et vers Kyoto pour mes soeurs et ma mère, le train est annulé pour cause de pluies diluviennes. Il a fallu trouver un hôtel en dernière minute.
L’occasion de faire une parenthèse sur la légendaire ponctualité des trains japonais. Sans rentrer dans les stats, et même si en moyenne ils sont certainement très bons, il y a régulièrement des perturbations sur le réseaux. Il y a sûrement moins d’intrusions sur les voies, mais il y a beaucoup de suicides sur certaines lignes. Et puis il y a la météo japonaise qui est ce qu’elle est…
En revanche, le matériel roulant et l’infrastructure sont indubitablement mieux entretenus, et ce que je trouve très agréable, c’est que la communication est top. A chaque incident, on est immédiatement prévenus et tenus au courant très régulièrement. Ca aide à trouver l’attente acceptable.
Bref.
Après ma famille, c’est ma copine qui vient. Elle aussi a pu découvrir mon quotidien, d’autant plus que j’arrête mes deux tafs une semaine après son arrivée. Pendant ce temps, on dort dans ma sharehouse. Le matin, elle m’accompagne au boulot. On prend le petit dej en face puis on se sépare jusqu’à la fin de mon service à 14h. Pendant ce temps, elle visite des trucs.
C’est donc la fin de mes deux tafs, je compte en trouver un nouveau à mon retour à Tokyo après les vacances. Le taf à l’Izakaya je le termine sans regret. Celui à la cafétéria c’est ambivalent. Les collègues sont sympas – je forme même deux nouvelles arrivées – et les lycéens aussi. A quelques jours de la fin, je vais dans les magasins de gashapon pour trouver des merdouilles à offrir.

Comme je suis marrant, j’offre aux élèves ce qu’ils ont l’habitude de commander, notamment des mini-frites et des mini-omelettes. Sur la photo je prends un (faux hein) pot d’épices pour l’élève qui en voulait tout le temps.
Je laisse mon carnet à souvenirs ouvert pour ceux qui veulent me laissent un dessin ou un mot.

A côté la cuisine était sale et certaines de leurs… pratiques me dérangeaient. Je me souviendrais toujours de la fois où j’ai fait tomber 500 g de soba… et qu’ils ont ramassé et remis dans le paquet. J’étais choqué. Plus tard, dans le café où je bosserai, j’ai failli poser un carton de produits sur le sol, et ma collègue a failli crier façon empêcher quelqu’un de commettre l’irréparable. Mais là, à la cafétéria, c’est vraiment dégueulasse, et tout ça pour sauver des soba décongelées alors qu’il y en a d’autres au congélo. Je suis dégoûté.

Plusieurs choses ne sont pas très normales dans cette cafétéria, comme le fait que je suis bien mieux payé, à l’heure, qu’une de mes collègues. J’imagine qu’elle continue avec le sentiment d’aider pour quelque chose d’utile. Certes. Et l’employeur (une entreprise privée sous-traitante) en profite.
Le dernier jour de travail est quand même touchant. Mes collègues m’offrent à manger et des serviettes dont j’apprendrai la backstory plus tard.
Je ramène Lise à un de mes ateliers d’impro. Malgré le peu de confiance qu’elle a dans son anglais, elle s’en sort bien. D’autant que je trouve peu de disciplines qui sont plus difficiles à pratiquer dans une langue étrangère. Il faut comprendre les autres en direct, répondre du tac au tac tout en restant dans le personnage.
Ma famille est revenue de son tour à Kyoto et Osaka. On passe leurs deux dernières soirées au Japon ensemble.
La première, on va voir une comédie musicale improvisée en anglais.
La seconde, on va me voir moi et mes srabs jouer un spectale d’impro.
La comédie musicale est hyper quali. C’est joué par des pros. C’est cohérent, c’est marrant. Chaque erreur sur scène est transformée en réussite. Le pianiste derrière gère sa mère.
Mon spectacle est carrément moins bien, mais on se marre bien sur scène. Au final, le moment qui m’est le plus mémorable c’est quand j’ai pas compris trois fois de suite la consigne de la MC (un anglais british abominable). J’ai fini par lâcher un « NANI ? » très naturel. J’ai pris ça comme un signe que mon japonais progressait dans mon cerveau.

On fait l’after dans un de ces merveilleux bar à fléchettes dont Tokyo regorge.

Puis ce fut le moment du voyage.
Après maintes hésitations, avec Lise, on décide finalement de partir vers le sud. L’île de Shikoku en particulier. Pourquoi ? Notamment car le dernier train de nuit du Japon va par là.
Regardez moi cette beauté.

Arrivés de bons matins, on visite Okayama, qui a la particularité d’avoir le Restaurant Perrache.

Sinon c’est une ville banale.
Bon il y a un château pas mal aussi.

Mais ce qui nous intéresse est ailleurs. On est vient pour rejoindre l’île de Shikoku, et pas n’importe comment, à vélo. On va traverser la mer intérieure de Seto comme ça. Les vélos ne nagent pas donc on prend… une autoroute. Il y en a une qui enjambe la mer en prenant appui sur une série d’îles…. mais pas n’importe comment. Tous les ponts autoroutiers ont leur portion cyclable. Une fois sur chacune des îles, tandis que l’autouroute file droit, les cyclistes sont invités à traverser les villages.
On a eu beau temps, et c’est peut-être pendant le trajet que je suais le moins comme un goret, grâce à la douce ventilation du vent – sauf en montées. Et il y en avait des raides.

On y est fin juin, et on ne croise pas grand-monde à vélo. Sur le trajet on croise même plus de crabes que d’humains. Il y a une quantité de crabes stupéfiantes dès lors qu’un point d’eau est à moins de 100 mètres. On croise même des serpents… Tandis que je regarde ce qu’un gashapon au bord de la route veut me vendre, un serpent sort d’un égoût… et attaque le vélo de Lise. Heureusement qu’il ne préfère pas la jambe.

La vie a l’air calme sur les îles. Il y a quelques hangars industriels où ça soude des gros bouts d’aciers. Le coin est célèbre pour ses citrons. On passe proche de quelques champs effectivement. On croise des écoliers curieux et contents de nous voir passer.
On visite des musées, des chateaux et des chiottes de restos.

Après la traversée d’un pont bien balèze (ex plus grande travée du monde, détroné par un pont chinois), on arrive à Shikoku. La plus petite des grandes îles du Japon.

La première ville, c’est Imabari, capitale des… serviettes. La ville est célèbre pour ses serviettes. Elle produit près de 60% des serviettes du pays. Les petites serviettes à sueur pour essuyer son front ou ses pectoraux luisants semble être la spécialité de la spécialité. D’ailleurs, on s’en est fait offrir par la tenancière d’un petit Izakaya. C’était notre premier soir et on découvrait cette ville… pas très belle… qui n’a pas le charme des îles qu’on venait de traverser et qui n’a certainement pas l’activité bouillonnante de Tokyo. Je vous laisse vous en convaincre :

Les transports en commun sont assez… ils sont ce qu’ils sont. Acheter un ticket est compliqué. Les arrêts sont d’une laideur absolus. Et je commence à me dire qu’à population équivalente, hors des grandes villes, on fait de meilleurs transports en commun en France. Impossible de trouver une machine pour acheter un ticket. Les chauffeurs les vendent directement. Ce sont de vulgaires bouts de papier sans logo ou rien. Peut-être parce que malgré tout, les collectivités investissent dedans. Imabari, c’est 150 000 habitants – l’équivalent du Mans – et même 200 000 dans les années 80. Le Mans a un tramway.


Niveau restos/cafés/boutiques je ne retrouve ni les chaines internationales ni nationales dont j’ai pris l’habitude à Tokyo. Le lendemain, on cherche un café pour organiser la suite du voyage. J’ai galéré à trouver. On a fini dans un boui boui gérée par une toute vieille dame.
Heureusement, un soir, les familles sortent de leurs terriers. Des enfants apparaissent, des jeunes aussi. Il y a un festival. C’est tout mignon. On assiste au spectacle de l’école du coin. Des groupes de musical locaux plus ou moins bons. Des poissons rouges qui se font maltraités par des enfants. Il y a une bonne ambiance.
Et j’ai pas pris de photos, oups.
Les jours qui suivent, c’est un peu la lose. Il pleut des cordes, donc ça devient compliqué pour la rando prévue, et tous les loueurs de voitures n’ont que des gros machins hors de prix à nous proposer. J’avais réservé un hôtel avec parking et accès facile aux montagnes exprès… c’est balot. On y va malgré tout et l’hôtel paye pas de mine. Ca sent les années 90, voire 80. Voire 70. Regardez la gueule du téléphone de service.

Il est dans une ville où leur délire c’est d’avoir des rizières de temps en temps entre les immeubles.

Y a un moment où on ne sait pas trop quoi faire. On est sur une île alors on n’a qu’à aller à la plage vous me direz. Ben encore faut-il en trouver.

On d’écourter notre séjour dans le coin pour aller visiter quelques-unes des grandes villes de Shikoku. On se retrouve à visiter différents chateaux et musées à Takamatsu et Tokushima. On se retrouve même à danser une danse locale et Lise gagne le troisième prix à la démonstration.
Un bus plus tard, nous arrivons à Osaka. La campagne, c’est déjà fini. Nous voici de retour dans l’effervescence à la japonaise. On y visite des trucs et c’est plus effervescent.

Grâce à mes talents de hackers informatique (Bivou-Hack) j’obtiens des billets pour le parc Universal la veille pour le lendemain.
Les attractions sont classiques, mais les univers sont hyper fidèlement reproduits. Y a un énorme effort de déco qui marche bien. Les temps d’attente étaient démentiels, mais on y est allé en sachant à quoi s’attendre : attendre.

On ne visite jamais Paris sans faire un tour à Versailles, et bien on ne visite pas non plus Osaka sans passer à Kyoto.
C’est une belle cuvette surchauffée et humide en été, mais avec de beaux quartiers anciens en bois, des forêts de bambous, de beaux point de vues et une gare COLOSSALE.

J’entends beaucoup dire que le Japon est envahi par les touristes internationaux, que ce n’est plus vivable, etc. Je pense que c’est vrai pour certains lieux très spécifiques. Contrairement à la France où les touristes ont un large choix de destination, au Japon, tout le monde fait Tokyo, Kyoto, Osaka, Hiroshima. Le reste du territoire se partage des miettes de touristes.
Eh ben Kyoto, effectivement, il y avait des touristes partout. Ajoutons à ça que les transports de la ville sont assez restreints. Le réseau est basé sur des bus simples, sans voies dédiées, souvent blindés. Les habitants n’en sont pas bien contents.
Notre dernière excursion, c’est le Mont Fuji. On n’a pas particulièrement envie de le grimper, mais y a des trucs sympas autour avec de belles vues. Et vla t-y pas que notre bus s’arrête à un parc d’attraction aux pieds de la montagne. On décide d’y aller, et le soir, de prendre l’hôtel à côté. C’était sympa, par contre les univers faisaient pitié.

Une fois rentré à Tokyo, j’ai le sentiment d’être revenu à la maison. En particulier, à la campagne on me parlait automatiquement en anglais. A Tokyo, et surtout en banlieue, les gens me parlent en japonais, et j’aime bien.
Je raccompagne Lise à l’aéroport pour lui dire au revoir. On s’est bien amusés pendant ces quatre semaines.
Après son départ, je pose mes fesses dans un café, et je commence à chercher un nouveau job.