
On nous a dit, vous allez voir, au Texas c’est cool, les gens sont sympas et c’est facile de faire du stop. Alors nous, on attendait ça avec impatience : « Demain on est au Texas ! Youhou ! » Et puis déjà, plus on se rapprochait des limites de l’état plus ça començait à sentir des pieds, et pas que dans nos chaussures. On est même obligés de dormir dans un champ proche de la route, bloqués par la nuit, tellement on avance pas. Le bled s’appelle Sulphur et donne le ton de ce qui nous attend au Texas: on commence à voir des raffineries un peu partout, et les abords de la route ressemblent encore plus à une énorme zone industrielle.
28 février
Le matin, on met mille ans à être pris en stop et comme ça, a petits pas de fourmis, on traverse la frontière. On fait 75 km en 4 « rides », dont un qui nous fait repartir en arriere, et peut être 5h d’attente au total.

L’odeur de pieds s’affine fort et se mélange a celle des bayous texans bétonnés qui ressemblent à de gros égouts à ciel ouvert.
Avec un panneau, sans panneaux en faisant coucou, en faisant les cou-yons, en allant demander aux stations services, aux routiers, même la nuit sous un lampadaire… On essaie tout, et on pédale dans la semoule, les gens s’en foutent complètement et certains nous font même des bon gros doigts. Léo a faim, et il en a raz le cul. Quand il a faim, il en a raz le cul. On mange dans un restau mexicanos, et c’est une nouvelle nuit près de l’interstate qui s’annonce. On se trouve un coin dans un champ sous des arbres (spoiler: mauvaise idée). C’est paisible, mis à part le bruit incessant de la route et la lumière lointaine mais trop puissantes des lampadaires. J’ai la brillante idée de dormir a la belle étoile, comme ça, moins de boulot le matin pour plier, et notre campement est moins visible (spoiler 2: encore une mauvaise idée). Au milieu de la nuit, j’entends du bruit. Je ne mets généralement pas de boule-quies parce qu’ils me font mal aux oreilles, et que je me sens mieux si je peux entendre correctement ce qui se passe autour. Il me semble donc entendre du bruit autour de nous: je me retourne, il n’y a rien autour de nous. Quand ça recommence, je lève les yeux et en fait, c’est un petit opossum qui grimpe à l’arbre. Trop mignon, je le regarde faire un moment et je me demande bien où il peut aller comme ça. Le type galère à grimper sur une branche manifestement trop petite pour lui, manque de tomber et puis atteint finalement le tronc, grimpe plus haut, passe sur une branche qui nous surplombe, et là, souvenez vous des deux spoilers: on est sous un arbre et sans tente. Devine quoi: v’là t’y pas que ce putain de gros rat nous pisse dessus, si si, depuis la branche au dessus de nous, sans sommation, comme un gros malpoli, vraiment,on ne respecte plus rien de nos jours. Heureusement que j’étais réveillé, j’esquive le truc et sauve mon sac de couchage, tout en réveillant Léo. C’est mon Matelas qui a presque tout pris, et un peu nos sacs de couchage. De la bonne vraie pisse qui pue, comme le Texas. Heureusement, l’herbe est mouillé et on a de l’eau, ce qui nous permet de rapidement laver tout ça. On bouge notre camp de quelque mètres et on finit la nuit.
1er Mars 2025
Le lendemain matin, l’incident est terminé, les batteries sont rechargées, on plie et on reviens faire du stop comme la veille. C’est toujours aussi dur, les doigts d’honneur en moins. En fait, ici la route est particulièrement difficile pour le stop: une grande route longe l’interstate de chaque coté, et des rampes d’accès sont disposées ça et là pour le rejoindre. Le problème, c’est que cette route est toute droite et que les bretelles d’accès sont elles aussi bien dans l’axe. Résultat, ça roule vite et personne ne s’arrête. Après une attente bien trop longue, on se sépare en deux points différents pour augmenter nos chances. Un Texan qui s’était arrêté à la station essence m’interpelle finalement pour me proposer un trajet ! Victoire ! Il peut aussi prendre Léo, donc c’est parfait ! Je l’appelle à la radio pour le prévenir et on le récupère un peu plus loin.
Joel est un Texan pur jus. Il a un énorme pickup bien propre, il est chef d’entreprise, il aime les rodéos et possède ses propres chevaux. Dans sa voiture, il y a un flingue dans la portière, un dans la boîte à gants, un fusil sous la banquette arrière, et un superbe chapeau en cuir posé à coté du tableau de bord. Plus cliché, tu meurs.
Il nous explique qu’il y a pas mal de prisons et de crime dans cette ville, et que c’est pour ça que personne ne nous apris. On se dit que lui, avec ses armes, il ne se sent pas vraiment en danger, peut être aussi qu’on avait une bonne tête de gentils.
On parle un peu de politique, c’est évident qu’il est conservateur, sûrement Trumpiste, mais il nous explique qu’il est dégouté depuis qu’il a perdu 19 de ses employés (sur 35) qui se sont faits renvoyer au Mexique car ils n’avaient pas de papiers en règle, à la suite des dispositions prises par l’homme orange à son arrivée au pouvoir. Donc par rapport à ce qu’on a pu entendre en France (« tous les chantiers de construction du Texas sont à l’arrêt car les Mexicains sont expulsés »), et bien c’est plutôt vrai, de source sûre, récoltée par vos fidèles reporters.
Joel nous pose sur une aire de repos de l’interstate. Il n’y en a pas beaucoup, et c’est un très bon plan, à chérir. Il n’y a pas de station essence ni de commerce, seulement des toilettes et des bancs. Là s’arrêtent des camionneurs et des automobilistes, c’est excellent pour avoir de longs trajets, bien plus que les entrées/sorties. On se pose un moment et on demande aux gens si ils peuvent nous prendre.
Trop gourmands, on accepte le premier trajet qui nous est proposé pour Houston, avec deux birmans qui nous ont pris pour des clochards. Ils voulaient nous donner 20$. En fait ici, si t’es à pieds, t’es un clodo’ j’avais remarqué ça un peu en Caroline du Nord, mais là, on le ressent encore plus, ne pas avoir de voiture est directement un signe de rattage social et de marginalisation.
Ils nous laissent dans l’ouest de Houston, sur un spot techniquement parfait pour faire du stop : de la place pour s’arrêter et une bonne visibilité. On mange des super tortas dans un restau mexicain vraiment sympa avant de s’installer pour le stop, les batteries rechargées. Léo a bien mangé, et il est en forme, on fait même les cons en faisant du stop !

Le problème,c’est qu’au bout de 2h, la motiv eft partie et qu’on est toujours là… On finit par être pris par deux filles dans une petite voiture, l’une viens rendre visite à sa grande soeur depuis le Nigéria. On monte dans la voiture mais c’est un petit trajet on a le seum. Elles acceptent de nous arranger un peu et nous posent à un Buc-ee’s. Une gigantesque station service (une centaine de pompes) qui nous parrait un endroit idéal pour continuer notre chemin. Devinez quoi : c’est raté. Les gens sont effrayés quand on s’approche pour leur parler, alors qu’on est quand même propres sur nous, souriants et gentils, en fait c’est vraiment ça, si t’as pas de voiture, t’es un clodo’ Seuls les Mexicains sont sympas, mais ils déclinent quand même. Notre moral plonge à vue d’oeil et on finit par décider de prendre un bus pour San Antonio. Il est 5h30, et on n’a fait que 180 km, soit 2h de route et 4-5h d’attente. C’est pas possible.
En fait, on aurait sûrement dû refuser le trajet des birmans à l’aire de repos et attendre pour en avoir un plus long. Conclusion : le stop ici c’est vraiment compliqué.
On marche jusqu’au point de rdv et on prend le bus. Peut être qu’on pourra prendre un train depuis S.Antonio, ou un autre bus. Il faut qu’on se casse d’ici, on a trop trainé dans ce trou.




Bonus: ici pas de taupes, mais des écrevisses, qui peuplent les terres humides de la région. Un de nos conducteurs venait d’acheter de la soude caustique pour s’en débarrasser (le destop pour déboucher les éviers). Ils sont fous ces ricains.


