J’ai la chance de connaître un pilote d’AirFrance qui a eu la gentillesse de me prendre en accompagnant sur un vol pour Tokyo. Dans ces cas-là, il y a une procédure un peu spéciale à suivre. On apprend au tout dernier moment s’il reste des places assises pour les accompagnants. Sinon, on fait le voyage sur un genre de strapontin. Sur un vol de 13h30, ce n’est pas très agréable, mais je suis prêt à le faire vu les économies de taille que me permettent ce vol.
Effectivement. Adieu le strapontin, bonjour le siège large et confortable, les bons repas qui sont présentés comme dans un grand restaurant. Ils avaient même du déca.
Une fois le dîner terminé, l’avion est passé en mode nuit. Je suis allé offrir une boîte de macarons d’Amiens à l’équipage, en remerciement du voyage. Peu après, c’est le clou du spectacle. Un pilote que je ne connais pas vient me propose d’aller voir le cockpit. Evidemment que oui j’accepte. Au moment d’y mettre le pied, je sens une bouffée d’excitation. Ça parait irréel d’entrer là-dedans.
La cabine est assez petite. Il y a deux sièges face aux commandes et deux en retrait. Le « pare-brise » est assez étroit ; les pilotes n’ont pas une vue aussi impressionnante qu’on pourrait l’imaginer. Il fait assez sombre, l’éclairage général est éteint, il y a juste des loupiotes un peu partout sur les boutons. Des boutons, il y en a justement quinze milles, quelques écrans, un iPad par pilote où ils consultent la météo et écrivent les rapports. Le cockpit est assez bruyant (moteur ? vent ? je ne sais pas tout à fait) et il y a des gens qui parlent à peu près tout le temps à la radio. De temps en temps, c’est pour nous.
À un moment où je parlais, un double bip a retenti. Il n’avait pas l’air spécialement alarmant, mais les pilotes se sont immédiatement tournés vers leurs commandes et ont complètement cessé de m’écouter. C’est le genre d’alarme qui s’active quand l’avion estime qu’on s’apprête à foncer dans une montagne. En fait, on survolait l’Azerbaïdjan et l’Arménie. La zone est truffée de brouilleurs de GPS qui ont fait croire des dingueries à l’ordinateur de bord. Les pilotes se sont vite redétendus.
La plupart du temps, piloter un avion, c’est assez chill. Les pilotes discutent beaucoup. Ils ne sont pas constamment les mains sur les manettes. Au contraire, l’avion se conduit souvent tout seul. Leurs compétences de pilotage sont vraiment utiles en cas de problème et lors des atterrissages/décollages. Le reste de leurs compétences semble assez large : communiquer avec les tours de contrôle, décider de l’itinéraire et de l’altitude selon la météo, tout ce qui a trait à la préparation de l’avion et du voyage, et appuyer sur plein de boutons que je sais pas à quoi ils servent. En l’absence de problème, la plus grosse difficulté du métier, ça a surtout l’air d’être de survivre au manque de sommeil et aux jetlags incessants, tout en ayant une grosse responsabilité sur les épaules.
Je ne sais pas trop combien de temps je suis resté dans le cockpit. Quand j’y suis entré, il faisait nuit et on survolait la Mer Noire. Quand je suis parti me coucher, on avait dépassé la Caspienne et on arrivait en Ouzbékistan. On a discuté de trucs divers et variés, dont beaucoup d’anecdotes de pilotes. Un fait amusant que j’ai appris : Il y a quasiment toujours un médecin dans un avion. Mais quand on les appelle, ils ne se révèlent pas tout le temps. Ils ont parfois la flemme, ou n’ont pas envie de porter la responsabilité du détournement d’un vol ou d’une erreur de diagnostic. Les médecins n’ont pas toujours la bonne spécialité pour traiter le problème à bord. Et certains sont dans la recherche. Ils sont médecins dans la théorie mais ça fait 20 ans qu’ils n’ont pas touché à un patient. Pendant un vol rempli de médecins d’un congrès de recherche en médecine, le commandant de bord a demandé à faire venir un médecin pour aider une personne malade. Ils se sont tous regardés les uns les autres, un peu gênés.
Bref, je suis arrivé au Japon à 19h heure locale. Je suis allé faire le check-in dans mon auberge de jeunesse, celle-là même où j’ai été lors de mon tout premier voyage au Japon, 8 ans plus tôt. Les chambres n’ont pas beaucoup changé. Dans le hall, la télé avec console a été remplacée par une boite à fumeurs.
Au Japon, il est interdit de fumer dans les espaces publics, et dans la plupart des lieux publics fermés (mais pas tous ! On peut trouver des restos enfumés qui puent le tabac comme dans le bon vieux temps en France). Du reste, il y a des coins à fumeurs aménagés dans la rue… et dans les lieux publics fermés comme les hôtels. Ca ressemble à ça :
Parait que c’est un coin sympa pour faire des rencontres. A deux là-dedans, on se parle sinon c’est un peu gênant.
Perso, je me suis bien pris le jet lag dans la tronche. J’ai passé une nuit assez bizarre. Je suis allé bouffer dans un resto de ramen puis je suis rentré à l’hôtel pour essayer de dormir. Echec cuisant. Après avoir essayé de dormir, j’ai voulu prendre une douche, mais je n’avais pas de gel douche. Pas grave. Au Japon, il y a des épiceries ouvertes 24h/24 à tous les coins de rue, les Konbini. A 2h du matin, je sors en quête du précieux savon. Je trouve un konbini mais après 10 minutes de déchiffrage d’étiquette et malgré l’aide d’un vendeur, le constat est implacable : il y a des crèmes pour toutes les parties du corps, du savon à main, des machins hydratants, mais pas de gel douche.
Je pars en direction d’un second konbini. Même constat : pas de gel douche. Dans un troisième konbini, je finis par en trouver un seul. Pas le choix, ce sera celui-là et aucun autre. Il fait le corps, le visage et les cheveux. Il est écrit littéralement « Ceci nettoiera toutes les parties de votre corps ». Ben ok.
Il est 3h du matin, je rentre à l’hôtel. La porte ne s’ouvre pas. Il faut badger. Je fouille mes poches. Pas de badge. Je me hais. Je finis par me décider à refaire tout mon trajet. Je demande aux vendeurs des trois konbini. Je finis par la retrouver par terre, dans la rue. Ouf.
A 4h du matin, je prends donc une douche bien chaude. A 5h, je planifie ma journée. A 6h, je sors voir le lever de soleil sur les berges d’une rivière.
Il caille tellement et il y a un tel vent glaçant que je me réfugie dans le premier endroit chaud que je trouve : un couloir souterrains plein de commerces
Puis j’ai faim, donc je me rends au seul resto du coin ouvert à 6h du matin : le Mcdo. Pas très glorieux mais pratique. Je rate le levé de soleil mais peu importe, y en aura d’autres.
Le reste de la mâtinée, je visite le quartier, célèbre pour son énorme temple, et je déjeune avec mon ami pilote.
L’après-midi, je me sens trop fatigué pour faire quelque chose d’un tantinet sportif, alors je vais au sento, un bain public où on est tout nu. L’eau est méga chaude. Je partage le bain avec des papis japonais, c’est sympa. Ils ne semblent pas particulièrement surpris de ma présence. J’essaie de les imiter au maximum pour ne pas commettre d’impair. On peut vite se retrouver dans des situations gênantes au Japon. Si je suis tout nu, je trouve ça pire. Les papys se nettoient avant d’entrer dans le bain assis sur un mini tabouret en plastique, armés d’une serviette qui leur sert d’éponge et d’un petit seau. Ensuite ils chillent un max en allant de bain en bain. Y a plusieurs features : bain électrique, bain à radon, Jet Pipe, et bains aux kanjis que je connais pas. Me demandez pas en quoi ils consistent. Pour moi ils brûlent tous, c’est tout. Y en a un dont l’eau est un peu laiteuse. Ensuite, les papys se relavent, beaucoup se rasent la barbe. Petit coup d’eau pour nettoyer sa zone et ils rangent le tabouret et le petit seau.
Le soir, je retrouve un fort bon ami, Thomas, qui est en PVT au pays depuis 8 mois. Il m’a prodigué moult conseils et avis. Avec toute la fatigue du jetlag, j’étais un peu en mode déchet (mais déchet propre). Il me rebooste complètement et on passe une bonne soirée.
Lui aussi a galéré comme un fou pour trouver du gel douche, même dans les grands supermarchés ! Il a fini par trouver une seule et unique marque. Comme moi. On pense qu’il y a un complot sur les gels douches.
Je me voyais plutôt partir assez vite de Tokyo. Il m’a plutôt convaincu d’y rester. Pour un PVTiste, Tokyo, c’est le mode facile : plus facile de trouver un logement, un job, des amis, des activités. D’autant plus quand on a déjà un ami sur place depuis plusieurs mois qui a su y faire son trou.
Je pense toujours aller vers le nord du pays, mais dans un deuxième temps. Mieux vaut commencer en mode facile avant de partir sur le moyen et le hardcore.
J’ai donc un objectif : trouver rapidement un logement à Tokyo. Le logement, c’est le nerf de la guerre. L’avoir permet l’obtention d’un forfait téléphone (pas juste une carte SIM pour touriste) et l’ouverture d’un compte en banque, ce qui ouvre la possibilité de trouver un taf.
Passe à la savonnette, c’est vachement plus économique et pratique !