Ça faisait sept mois que j’avais commencé mon VIE aux états unis. Et puis le sort et la magie des billets d’avion ont fait que c’était aussi après sept mois que je revenais en France pour faire une pause, revoir la famille et les copains. J’y ai passé deux semaines, et le retour a été très surréaliste.
Avant de partir, la date approchant, je n’avais qu’une seule envie : rentrer. Vraiment. Ça a commencé fin septembre, un mois avant. Les américains ont commencé à me souler, j’avais perdu l’énergie et la motivation pour bouger, être moteur dans ma vie, cuisiner etc.. Et la motivation, c’est super important quand on vit seul, à l’étranger. Sans énergie, je ne suis une vieille larve mole : je mange, je fais caca, et accessoirement, je travaille. Bon, donc ce dernier mois n’était pas facile, même si ça allait mieux sur la fin.
Et je suis retourné en France. Là c’était vraiment chouette, même si j’étais à fond, j’ai revu beaucoup de monde, et passé du temps dans des endroits familiers, avec des êtres chers qui comptent pour moi et pour qui je compte aussi, enfin je crois ! J’ai pas pu aller dire bonjour à autant de gens que je le voulais évidemment, et ces deux semaines sont passé trop vite, mais c’était déjà vraiment bien. Ça me fait aussi ressentir la puissance des relations humaines, qui m’apportent beaucoup. Être comme ça lié à d’autres individus, c’est vraiment gratifiant. Je donne, c’est accueilli, on me donne, je reçois. C’est basique mais tellement important. L’homme est un animal social comme disait l’ancien (ça a beau être d’Aristote, ça n’en est pas moins vrai).
Aux États-Unis, c’est beaucoup plus léger, et sans les liens du boulot, il ne resterait pas grand-chose… Mais c’est normal, ça fait seulement quelques mois que j’y suis et je ne connaissais personne. Avoir tissé des liens pendant tant d’années quelque part donne à cet endroit une saveur unique et particulière, qu’on ne ressent qu’en en restant éloigné pendant longtemps. C’est ça qui est fou. Il faut partir pour vraiment s’en rendre compte. On me l’avais dit mais j’y croyais pas trop. Sans en avoir fait l’expérience, je ne m’en rendais pas compte. Et finalement j’ai l’impression que plus on part longtemps plus c’est fort, si tant est que les liens ne se soient pas brisés. Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, comme disaient un autre ancien, au XVIe siècle, repris plus tard par les grands de la chanson française.
Enfin bon, c’est bien beau la poésie et l’extase, mais les deux semaines ont démarré sur les chapeaux de roues, et c’est déjà l’heure de repartir. C’est là que les dadas pointent le bout de leur nez, que le surréalisme commence : je suis là, tout appelle à ce que je reste plus longtemps, j’ai même pas revu tout le monde… Mais j’ai un billet d’avion qui est réservé pour le lendemain à neuf heures. Une journée complète dans les airs et 8200km à parcourir à plus de 10000m d’altitude. Ça doit se passer, c’est prévu, ça ne fait aucun sens sans mon esprit, mais ça se passera. Et puis, je mets dans mon sac trois fringues, du vin, de la confiture et c’est parti. Pas besoin de plus. C’est surréaliste. Et dire qu’il y aurait deux ou trois semaines de navigation en cargo, qu’au XVIe siècle, il fallait près de deux mois, et qu’avant… Bah avant c’était pas possible (sauf si t’es viking ou irréductible gaulois). Allez hop c’est parti, et quelques fruits secs pour tenir la route.
Mais ça ne s’arrête pas là. Aux postes frontières, il y a des gens qui font la queue, moi aussi, et puis je possède un document collé dans mon passeport qui me permet de passer, là où d’autres ne le pourraient pas. Et puis j’ai aussi un papier complémentaire dans mon sac, qui permet à une dame de valider un formulaire sur son ordi et de me laisser continuer. Et puis il y a un avion qui attend là, avec ses 280 tonnes. Et puis moi je possède encore un code sur mon portable qui fait qu’on m’autorise à monter là-dedans. Et puis voilà, c’est fou.
D’ailleurs blague à part, c’est rigolo. La file de gens pour Charlotte est en majorité composée de têtes grises, là où celles pour Los Angeles ou New York sont plus jeunes et dynamiques. Mince…
Et tout se passe un peu comme si j’étais spectateur de ma propre vie. Je montre des papiers, scanne des QR codes, marche en suivant des flèches, me mets à parler anglais… Et paf, je suis en Amérique. C’est tout pareil, encore un aéroport, mais ailleurs sur la carte. Et tout le monde parle anglais. Et puis là, le dada revient au galop. Depuis le début j’avais un deuxième téléphone dans la poche, si si. Je m’en suis pas servi de tout le séjour, mais là, il sonne. Je reçois un coup de fil de la navette pour savoir si je suis là, et deux heures plus tard, je suis déposé sur un parking, (presque) chez moi, à Hickory. Quelques mètres plus loin, une voiture, et dans ma poche la clé qui ouvre cette voiture. Le dada surréaliste fait des ruades dans me tête. Je monte dedans. Je connais une route qui va me mener à un endroit bien particulier. Après 15 petites minutes, je suis devant une porte, et j’ai la clé dans la main, attachée avec celle de la voiture. Le tour de clé que je fais ensuite me donne accès à un appartement complet, avec une cuisine, un salon et une chambre vue sur mer, avec déjà toutes mes affaires dedans, le lit fait, qui m’attend. Dinguerie.
Le lendemain, je reprends la voiture et suis un chemin qui me conduit à un bureau. Je n’ai pas parlé à ces gens depuis deux semaines, mais le bureau m’attend, avec un ordi dont moi seul ait le code d’accès, et des gens sont contents de me revoir.
C’est ça qui est surréaliste. Avoir ces deux lieux d’existence que rien ne relie, avec aucun individu en commun hormis moi même. En plus, ce lieu aux États-Unis est vraiment temporaire. Il pourrait tout à fait ne pas exister, et d’ailleurs il n’existera bientôt plus. Je suis un peu comme dans une anomalie spatio-temporelle, et j’ai l’impression que tout ça ne tient vraiment qu’à un tout petit fil.
Des bisous, et encore plus si j’ai pas pu venir te voir, ce n’est que partie remise.