Le bolivouhack selon Flétan #23 : Au coeur de la selva

Jour 4. On se lève dans l’humidité froide de la jungle. Heureusement, le soleil nous réchauffe vite le matin. Mais quand même, l’ambiance est toujours un peu morose. En plus, je ne l’ai pas dit plus tôt, mais notre accès à l’eau est vraiment naze depuis ce camp. Pourtant, nous avons deux accès à la rivière, mais ils sont plein d’une glaise degueue qui colle aux pieds et aux mains. En plus, l’eau est encore très trouble depuis l’orage. On stérilise l’eau en la faisant boullir, en la filtrant ou en mettant des pastilles, mais le sable ou l’argile contenu dedans nous croque toujours sous la dent, c’est relou.

La boue collante dégueu et les sables mouvants sont piégeux

On ravive le feu pour se réchauffer, mais on refuse le petit déj que nous propose de prendre le guide : on préfère le garder pour plus tard. Et puis on marche. Les deux objectifs de la journée sont de beaucoup marcher et de beaucoup pêcher. Marcher, c’est pas un soucis, on sait faire. Par contre pêcher, c’est moins évident.

On marche longtemps et agen. Je machouille de la coca pour couper la faim et avoir quelque chose dans la bouche. Mais même avec ça, c’est dur. En fait non, c’est pas si dur, il suffit d’éteindre le cerveau et d’avancer. Pendant la journée, on quitte un peu la rivière pour faire un raccourci par la jungle. Le guide nous montre plein de plantes et d’arbres : une fougère grimpante qui aide à cicatriser, un arbre bien pour faire les meubles, un arbre bien pour les constructions, un arbre au coeur rouge et dur, un arbre avec des pics sur le tronc qui fait de bon fruits (dommage c’est pas la saison), la liane dans laquelle on peut boire de l’eau, ou encore l’arbre qui accueil les fourmis de feu. Autrefois dans les communautés indiennes, les gens qui avaient comis des fautes étaient ligotés à cet arbre pour être exposé aux douloureuses piqures de fourmis.

La liane « griffe de chat », dont on peut boire l’eau

On arrive au camp assez tôt, vers 15h. On a bien marché ! Pendant que certains montent le camps, les autres pêchent. On sait bien comment faire maintenant, on se débrouille tout seuls. La pêche marche un peu mieux mais ça reste compliqué. Le guide sort trois poisson et une tortue, qu’il relâche. Le Blaireau arrive à sortir un poisson seul par contre sinon c’est la misère. On pêche pendant plus de trois heures jusqu’à la tombée de la nuit.

Au moment où il va vider les poissons, le guide me dit de pêcher à côté. Les poissons vont venir, attirés par les entrailles. Ça marche ! Ça mord et j’arrive à sortir deux poissons !

Cette fois, le guide nous les prépare dans un bambou. Il bourre le poisson dans un quartier de bambou ouvert à une extrémité puis fait un bouchon avec de grosses feuilles. Le résultat ressemble à celui de la veille, du poisson vapeur.

Le soir après manger, le guide nous raconte son histoire. Je veux pas trop raconter sa vie mais en gros, il a grandi dans une communauté dans la forêt et il tire ses connaissances de là. Je me suis pas trop attardé sur lui depuis le début alors je vais essayer une petite description. C’est un indien d’amazonie, il fait une bonne tête de moins que nous mais il est carré et à le torse couvert de cicatrices. Il est super souple et costaud en même temps. Il est très balèze dans tous les trucs de la jungle (couper les arbre, pêcher, voir les animaux de très loin). Il adore faire des blagues et dire des conneries, même si on ne comprend pas grand chose. Par contre c’est aussi un vrai bourrin, avec des méthodes un peu à l’ancienne pour ce qui est de la gestion d’équipe et des relations sociales.

Après l’histoire, comme tout le monde est motivé et que l’ambiance est bonne, on part observer les animaux de nuit avec les lampes. On marche plus ou moins silencieusement dans le lit de la rivière. Le guide passe les gués en frottant le sol devant lui avec une machette pour y chasser les éventuelles raies. Les raies sont dangereuses ici parce qu’elles sont invisibles dans l’eau trouble et qu’elles peuvent piquer à travers les bottes. On voit un alligator, des oiseaux qui dorment sur la plage et un ocelot (un jaguar de la taille d’un chat).

On rentre tard et fatigués alors on fonce se coucher au milieu de la nuit.

Jour 5. Réveil tardif et difficile, ça n’avance pas au camp. J’ai eu super froid cette nuit, j’ai mal dormi, je suis crevé et de mauvaise humeur.

Le feu de camp, avec de grosses buches pour tenir la casserolle
Le camp, sur un îlot de la rivière

Comme on a beaucoup aimé l’expérience de jungle d’hier, on a demandé à retourner y faire un tour. On y fait encore un lot de découvertes, comme l’arbre du diable, qui contient des fourmis qui piquent un peu et qui sont en fait pas mal pour les douleurs articulaires. Je perd un pari et je dois me faire piquer une fois. Nos paris stupides font beaucoup rire le guide.

On revient au camp, on plie et on part tard, en milieu d’après midi. Mais ce coup ci, on a pas beaucoup de marche.

Pendant la marche le long de la rivière, les difficultés du terrain ont évolué. Plus on descend, plus les gués sont larges et longs à traverser et plus il y a de boue argileuse et de sables mouvants. Ces dernier nous taquinent vraiment dans quelques endroit, l’échec ultime étant de sentir l’eau passer doucement par dessus une botte. C’est l’assurance de devoir marcher avec les pieds mouillés pendant un bon moment…

La rivière est de plus en plus large

Un moment donné, le guide siffle pour nous indiquer de nous taire et de venir à son niveau. On s’accroupit, on ne bouge pas et on voit au loin le roi de la selva : le jaguar !

C’est rarissime de le voir en plein jour, ça fait trois ans que ça ne lui était pas arrivé ! Il l’a vu de très loin, on ne voit rien au début. Mais il imite son cri pour l’attirer. Petit à petit, il approche. C’est un jeune apparemment, il doit faire 1m20 sans la queue. On l’observe pendant un bon quart d’heure, à une trentaine de mètres. Il s’allonge, joue un peu dans le sable, se lève et part, magnifique.

On passe la confluence de notre rivière dans une rivière plus grosse et on pose le camp. Ça y est, on a finit de marcher. À partir de là, on va construire un radeau et descendre la grosse rivière dans l’embarcation.

Pendant que deux d’entre nous montent le camp, les autres prennent les machettes et vont commencer à couper des arbres pour le radeau. On coupe du balsa. Ce sont des arbres qui poussent sur les anciennes berges de la rivière et qui sont bien connus pour être très légers. On coupe de bons troncs, mais c’est très mou et facile, on coupe presque tout le bois nécessaire avant la nuit. Super !

Le soir, super ambiance sur le camp. On chante, on fait un peu de musique, on discute. On a passé une étape importante du trek, ça commence à sentir la fin. La détente est d’autant plus grande qu’on a largement assez de bouffe pour tenir jusqu’à la fin du voyage. Par contre, on a faim tout le temps. J’ai l’impression d’avoir bien mangé mais une heure après, j’ai de nouveau faim. Je pense tout le temps à la bouffe. C’est dur. On joue un peu au tarot et on va de coucher.

Jour 6. On se lève et on déjeune pas trop tard parce qu’on doit finir le radeau et partir rapidement. On agence un à un les tronçons de tronc et le guide les lie avec des sangles en écorce de balsa. Au final, 100% du radeau est fait en balsa. On charge les sacs dans la grande bâche plastique qu’on referme comme une papillote, de façon étanche. Et puis on pousse le radeau et on saute dessus. En voiture !

Le chantier naval partie 1
Le chantier naval partie 2

Bon, le radeau flotte mais un peu sous l’eau. On a presque tous le cul dans l’eau. Pour diriger l’embarcation, le guide manipule une grande tige en canne et Le Blaireau national utilise une rame qu’il a confectionné. Les autres restent assis, pas la place pour plus de monde à la manœuvre.

Un Blaireau et sa rame Dodge

Pendant 6h, on avance, on passe des rapides et des zones plus calmes. Mais pas le temps de dormir : dans certains rapides, on doit sauter du bateau tous ensemble et courir à côté du radeau pour pas qu’il se coince. Il faut être très concentré et rapide pour ne pas tomber ou pire, passer sous le radeau.

Pendant le trajet, on voit des tortues, des grands perroquets rouges et bleu, des hérons, c’est magique. On voit aussi un bateau : nos premiers humains depuis une semaine. C’est très bizarre de passer à côté d’une pirogue sur notre radeau de fortune. Je me sens un peu con sur le momenr.

Le soir, on s’installe tranquillement puis on cuisine. Le dernier coucher de soleil sur la jungle est magnifique. On fait une longue veillée, tout le monde est de bonne humeur, on passe une super soirée.

Jour 7. On se lève, on déjeune notre dernière nourriture, du riz au lait sans lait avec du sucre et de l’huile, c’est bon et foutrement bourratif !

Le guide répare le radeau et on repart, avec les rapides, les coups de bourre, l’eau dans les bottes, les perroquets.

Vers 11h, on arrive à la confluence de la rivière Tuichi avec le Béni. C’est finit ! On abandonne le radeau sur le bord et on rejoint la pirogue qui est venu nous chercher. On nous a réservé une surprise : un peu à manger et à boire. On apprécie ! Et on rentre.

Et voilà, c’est finit !!

On mange bien, on se lave bien et le soir on part faire un barbec chez le guide. Un bel épilogue pour cette folle aventure.

Conseils

Si vous voulez faire une expérience similaire à Rurrenabaque, voici quelques conseils intéressants :

  • Les guides sont mal payés quand on passe par une agence (250bs par jour dans notre cas pour tout le groupe). C’est aussi possible de ne pas passer par l’agence. Voici le numéro de Herlan : +591 73918008
  • Il n’y a ni service d’évacuation d’urgence, ni assurance. Quand il y a une merde, c’est la débrouille. C’est partout pareil ici, il faut juste le savoir. Le guide nous a raconter des tas d’histoires rocambolesques de sauvetage improvisé
  • Nous avons eu froid parce qu’il y a un vent du sud en ce moment. C’est pas la norme mais c’est bien de prévoir des vêtements chauds même si on est dans une zone tropicale.

Un commentaire

  1. Excellent!

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