Vendredi 26 août. Je me lève de bonne heure à Oruro. J’ai super bien dormi, j’en avait bien besoin ! En plus cet alojamiento est super confortable, que du bonheur. Je descends dans la rue pour manger et faire mes courses. Je dois retrouver les autres à Uyuni dans 3 jour et d’ici là, j’aimerais bien être autonome.
J’achète de la semoule, des légumes, des fruits secs, de la coca pour la marche et de l’alcool pour le réchaud (et pas l’inverse !). Ouch, c’est un peu lourd tout ça.
Hier soir, j’ai repéré quelques endroits intéressants sur la route d’Uyuni pour randonner, mais rien de définitif. Je prends un trufi pour Challapata. C’est sur la route, on verra là bas pour la suite.
J’arrive à Challapata vers 11h30. Tiens, je ne l’avais pas remarqué sur la carte mais il y a une très belle montagne au dessus. C’est le cerro Azanaques.
Je mange du lama frit. Super bon ! Mais aussi super gras. Faudrait que je ménage mon système digestif quand même.
Et puis je commence à grimper. C’est pas évident au début et puis je chope un bon rythme, je suis bien.
En fin d’après midi la question de où dormir se pose. Je suis dans un vallon ouvert sur l’ouest. Si je dors ici, les montagnes vont me cacher le soleil jusqu’à au moins 10h, ce qui n’est vraiment pas enviable. Je monte jusqu’à un balcon qui surplombe le vallon. Au moins ici, j’aurais du soleil demain matin. Par contre je regarde l’altimètre : 4950m. Ouch, il va faire froid cette nuit.
J’admire le coucher de soleil sur le lac Poopo en écoutant du Manu Chao que j’ai réussi à télécharger sur le wifi poussif de l’hôtel d’hier soir. Je suis bien… Mais il fait froid !
Je cuisine, je mange, j’écris un peu et je m’endors dans la nuit longue et glaciale de l’altiplano.
Apparté : le lac Poopo, c’est plutôt un genre de très grande flaque d’eau salée. D’après Wikipédia, il fait environ 1000km² pour une profondeur moyenne d’un mètre. Comme le lac n’a pas de sortie et n’est pas profond, sa taille varie énormément selon la saison. En décembre 2015, il était même totalement desseché.
Samedi 27 août. Je me lève et je cuisine un petit porridge au raisins secs, pas mal du tout. Mais je n’ai plus d’eau, je dois me bouger pour passer un col qui me mènera dans la vallée suivante où je devrais trouver de l’eau. Je ne connais pas le coin et la carte est très vague, je ne sais même pas comment s’appellent ces montagnes… Je fais un sommet à 5150m. La vue est imprenable. Et puis je descend dans la vallée suivante. Je vois des bestioles dans les rochers, c’est un peu un mélange entre une marmotte et un écureuil. Faudrait que je me renseigne sur comment ça s’appelle.
Bien que rien ne soit indiqué sur la carte, il y a des chemins qui parcourent ces montagnes dans tous les sens. Il suffit de prendre une direction et de suivre le sentier, facile !
Dans cette nouvelle vallée, il y a des petites mines. Partout. Mais elles semblent vraiment anciennes, peut être une centaine d’année ? Pendant que je marche, j’essaie d’imaginer la vie des mineurs à l’époque. La seul chose dont je suis sûr, c’est que ça devait être très dur. Sinon, les dépôts miniers sentent le souffre et de l’eau suinte de partout sur les montagnes colorées qui bordent la vallée. Du orange, du jaune, du blanc, du vert, c’est joli.
Un peu avant midi, j’arrive à l’intersection entre ma vallée et une autre, plus petite. Mais surtout, des éleveurs sont en train de vider des lamas en contrebas du chemin. Ce sont de grosses bêtes. La taille de leurs entrailles me surprend : je pensais pas qu’on pouvait faire rentrer autant de choses dans un lama ! Il y a aussi quelques fœtus qui prennent tranquillement le soleil, c’est un peu gore.
On taille un peu la bavette. Un éleveur me dit de faire gaffe au puma. Ah merde, je savais pas ça. Sinon, il me conseil de monter la petite vallée, il y aurait une belle mine d’étain pas très loin d’ici. Ah ben pourquoi pas ? Je vais y jeter un coup d’œil.
Je commence à apercevoir ladite mine après une bonne demi-heure de marche. C’est bien plus qu’une mine ! Il y a plusieurs grands bâtiments et même un terrain de foot et un cimetière ! C’est carrément un village fantôme. En digne bivouhackeur, je passe presque trois heures à explorer les ruines. L’endroit semble avoir été abandonné à la fin des années 1970, à en juger par les journeaux et calendriers les plus récents que je trouve. Le village à clairement été pillé et il ne doit plus rien y avoir de valeur. Il y a des traces d’occupations aussi, que ce soit par des éleveurs de lamas qui utilisent certains bâtiments ou par des gens de passage. Mais ceci à part, le village renferme des tonnes de trésor pour un petit curieux comme moi !
Il y a des ateliers, des forges, des machines lourdes, des voitures, des compresseurs.
Mais aussi des produits pharmaceutiques antiques.
Et enfin, le clou du spectacle, des archives. Les plus vieilles que je trouvent datent de 1924. Et elles sont en parfait état ! Tapées à la machine ou manuscrites, on croirait que les factures datent d’hier ! Ça doit être l’air sec du coin qui les préserve aussi bien. Il y a de tout : commandes, factures, salaires des mineurs, courriers juridiques, etc.
Voilà ce que j’apprend : l’entreprise minière Maria Teresa appartenait au señor Vicente Orlandini et extrayait effectivement de l’étain de cette montagne. Il semble que plus tard, la mine ait été dirigée par Jorge Orlandini Ordenes, peut être le fils de Vicente. Mais là, mes connaissances en espagnol me limitent. Sur la carte, le nom du lieu est « Torre ».
Certaines pièces sont très bien finies avec un genre de placo, du papier peint et l’électricité. L’affaire devait bien tourner pour se permettre ce genre de luxe dans un trou pareil ! En visitant ces bâtiments, j’ai plus l’impression d’être en Europe qu’en Bolivie !
Et puis il faut revenir à la réalité. L’après-midi avance et je n’ai plus beaucoup d’eau. Il y a bien un petit torrent qui passe sous le village, mais l’eau y a un gout de fer beaucoup trop fort, c’est à la limite du buvable. Et puis avec toutes ces mines, l’eau doit être souillée par tout un tas de saloperies, même 50 ans après la fin de l’exploitation. D’ailleurs, ça sent le souffre et le fer partout.
Alors je me remet en marche en montant la vallée. Il y a des vieux puits de mine effondrés, des ruines d’habitations et même un genre de téléphérique pour acheminer le minerais au village.
En montant, l’eau du ruisseau devient plus potable. J’en prend et je continue de monter pour trouver un emplacement idéalement orienté à l’est. Le nuit tombe vite, j’en profite pour écrire.