Damien fait sa rentrée scolaire

Aujourd’hui, c’est ma rentrée. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un mail de la fac : « Un cours d’option aura lieu la veille à 18h. Merci de vous rendre à cette séance. » Qu’est-ce que cela veut dire ? On ne m’a jamais parlé d’option. C’était peut-être hier. L’institut d’urbanisme de Lyon est une sous-faculté de Lyon 2, situé à 20 minutes de chez moi. J’ai pris le vélo à neuf heures et demi et je suis arrivé en avance au prix d’un peu de sueur. Je prends les quais pour venir. C’est un trajet agréable. En plus, une femme en porte-jarretelle faisait un shooting photo sur un balcon. Je me suis demandé si ce n’était pas le début d’un porno, puis je suis passé à autre chose.

J’ai essayé de bien m’habiller, mais le tas de vêtement inconnu dans lequel j’ai pioché ce matin n’était pas propre. C’était le tas « à récurer » que j’avais disposé là avant les grandes vacances, il y a plus d’un mois. Mon froc était donc plein de taches inconnues, mais ça ne m’a pas empêché d’être à l’aise.

En arrivant, je suis tombé sur l’autre insalienne qui a fait le choix de l’IUL (Institut d’urbanisme de Lyon). Très sympa, on a discuté, essentiellement sur nos vacances et sur combien le secrétariat de l’IUL était nul à chier.

La séance de rentrée a commencé tranquillement. Le directeur avait l’air d’être quelqu’un de sympa et chill. L’étudiante devant moi avait l’air d’être quelqu’un de sympa et très riche, avec ses montre, bracelets, boucles d’oreilles et bagues en or. Elle avait l’air aussi très chaud, puisqu’elle avait préparé un fichier Word avec l’ordre du jour. Moi, j’avais un papier gribouillé.

Trois enseignants se sont succédé pour parler de manière ennuyeuse et très longue. Je n’écoutais pas, car c’est au-delà de mes capacités, et que j’avais une telle envie de faire caca que je me tortillais sur ma chaise. Mon voisin, un mec très sympa, voyant comme je ne tenais pas en place, m’a demandé si j’étais hyperactif. J’ai répondu :

« … oui… »

Quand l’appel a été fait, un Jean-Romain a été nommé. Je me suis aussitôt retourné vers lui et l’ai alors reconnu, lui et son vieux prénom là. À la pause, je lui ai rafraichi la mémoire à peu près de cette façon-là :

« On se connait. On a joué aux cartes un soir y a trois ans dans un bar de la Croix-Rousse. »

Il s’est alors souvenu de moi. C’était amusant.

A un moment donné, la prof qui égrenait nos matières et enseignants ne se souvenait plus du prénom d’un certain M. Mérigot. J’ai alors eu l’opportunité de flex en répondant « Christophe !

–  Vous le connaissez ? m’a-t-elle demandé.

–  Oui, je l’ai croisé un jour il y a cinq ans. »

Sa question m’a pris au dépourvu, alors j’ai donné cette réponse étrange sans plus d’explication. À vrai dire, c’était il y a un peu plus de deux ans. J’avais rencontré ce mec un peu par hasard pour un projet d’étude sur le quartier de la Duchère. Il m’est resté en mémoire car son discours m’avait passionné.

À la fin des présentations, j’ai enfin pu faire caca. Ce fut agréable malgré l’absence de lunette. Malheureusement, quand je suis sorti, il n’y avait plus personne alors que je souhaitais socialiser. Bon an mal an, je me suis dit que je pouvais aller trouver le secrétariat à la place, pour régler quelques problèmes inintéressants.

Cette tâche n’était pas simple. Quand le prof a indiqué où se trouvait le secrétariat, il a dit « En haut » tout en pointant vers le bas avec ses doigts. J’ai d’abord préféré suivre sa voix. Je suis monté, et j’ai trouvé une porte où il était marqué 東アジア研究所. Mes connaissances approximatives de japonais m’ont fait déduire qu’il s’agissait d’une sorte d’endroit de recherche sur l’Asie de l’Est. Je me suis demandé si l’Institut d’Urbanisme de Lyon était très à l’est, mais cette matinée m’avait fait comprendre qu’ils étaient plutôt à l’ouest.

Vainquant ma flemme grandissante, je suis monté à l’étage suivant. Ici, toujours pas de secrétariat, mais un chameau. J’ai essayé de lui demander ce qu’il foutait là, mais il n’a rien répondu. Ou peut-être a-t-il dit quelque chose en langue chameau, mais je ne parle pas le chameau. Je me suis dit que savoir parler japonais c’était déjà pas mal pour trouver un secrétariat.

Ceci n’est pas un secrétariat. Ce n’est peut-être pas non plus un chameau d’ailleurs, mais plutôt un dromadaire.

En désespoir de cause, je suis redescendu. Le secrétariat n’était pas non plus en bas, à l’inverse de mes camarades de promo, qui discutaient dehors. J’ai donc pu avoir le plaisir de socialiser. Les gens ont l’air sympa et de gauche. C’est différent de l’INSA où les gens ont l’air sympas et normaux.

À un moment donné, les gens se sont clashés entre habitants de la ruralité, du périurbain et de l’urbain. J’ai trouvé ça spécifique mais rigolo.

Le moment le plus marquant, c’est quand Jean-Romain m’a parlé de Loïg. Loïg, c’était l’ami commun avec qui on était allé boire cette fameuse bière. Depuis, Loïg est devenu mon némésis. J’aime l’insulter pour le plaisir. En effet, c’était un très bon ami, jusqu’au jour où il a décidé de ne plus jamais m’adresser la parole. Il avait toujours été un mec assez perturbé et solitaire. On avait des projets sympas ensemble. Je l’aidais sur sa chaine youtube. On se parlait de nos vies. Un jour, il m’avait même dit « Tu es toute ma vie sociale en ce moment ». J’étais attristé, mais heureux d’avoir su être là pour lui. Jusqu’au jour où il m’a rayé sans préavis de son existence. Touché, je lui ai envoyé une jolie lettre manuscrite pour connaitre ses raisons.

Il a répondu par un texte de deux pages cryptique, abscons et alambiqué. Voici un extrait :

« D’aucuns trouveraient raisonnable d’exiger des excuses voire, pour faire bonne mesure, une réflexion suite à de tels propos. Toutefois – il serait malhonnête de feindre ne jamais avoir eu une telle conduite. Une condamnation sans détour déguiserait à n’en pas douter, de forts encombrants agissements. »

Vous ne comprenez sûrement pas de quoi il parle. Moi non plus. Suite à cette lettre, Loïg n’a plus donné signe de vie. Il pouvait aussi bien être au Canada qu’en France ou, qui sait, en République Démocratique du Congo.

Ce gros chien.

Et là, devant l’Institut d’Urbanisme de Lyon, Jean-Romain me révèle que Loïg se trouve juste là, en pointant le bâtiment d’en face.

L’histoire pourra donc enfin trouver une conclusion dans les prochains jours.

J’ai succinctement raconté le passif qu’il y a entre moi et Loïg à Jean-Romain. Il a paru gêné et n’a pas souhaité en savoir plus. Nous sommes partis nous Crousser l’estomac. C’était sympa et pas cher. La discussion était de qualité convenable.

Je pensais avoir cours l’après-midi, mais en fait non. Je suis donc rentré.

À bientôt pour de nouvelles aventures chers lecteurs.

5 commentaires

  1. C’est à la fois banal mais passionnant, 100% would read again

  2. C’est drôle et frais comme une limonade au lsd

  3. Juste ce qu’il faut de sel
    Hâte de lire ta prochaine recette pimentée

  4. Mais quel talent !
    Mais quel gros chien aussi !
    Bon et puis gros bisous à Camus, en espérant que tu finisse pas condamné à mort 😅

  5. Un peu cru, mais c’est comme ça que j’aime mes salades de tomates. Ce Loïg m’a l’air d’être un bouffeur de concombre. Merci pour ta journée, elle était inintéressante mais bien racontée. Mieux que Camus, du coup. Continue à écrire, tu auras peut-être un Prix Nobel un jour, même si je ne te le souhaite pas.
    Bises,
    Patrick

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