J’ai un peu le cul entre deux chaises quand je dis que j’habite à Maurice pour plusieurs mois. D’un côté, je peux mettre en avant le côté vacances, cocotiers, vie paradisiaque dans les îles. D’un autre côté, je peux juste admettre que c’est une vie quotidienne comme les autres, remplie de journées plutôt banales et où l’aventure n’a que très rarement sa place. D’ailleurs, Maurice est un pays qui se prête assez peu à l’aventure : avec une densité de population digne du benelux et une surface (très) limitée, l’île ne réserve pas beaucoup de péripéties à ses visiteurs de passage, du moins à celui qui n’a pas de bateau.
Mais aventure à part, ce qui m’embête c’est l’image que je me sens obliger de renvoyer de mon voyage, à savoir que je passe ma vie à chiller en hamac sur des plages paradisiaques. Pour moi, ça reprend un peu la culture instagram et cette envie malsaine de toujours se montrer content, à son avantage. Alors aujourd’hui, je m’y oppose et je consacre cet article à tout ce qu’il y a de plus banal dans notre vie à Maurice.
Les questions
Déjà, la chose qu’on fait le plus souvent avec Anna, c’est se poser des questions. Ben oui, on a pas grand chose à faire, on ne sait pas ce qu’on veut faire et on passe beaucoup de temps ensemble. C’est donc naturel de se poser des tas de questions. Les sujets sont variés :
- Qu’est-ce qu’on fait demain ?
- Qu’est-ce qu’on fait à Maurice ?
- Qu’est-ce qu’on fait en rentrant de Maurice ?
- Qu’est-ce qu’on fait plus tard, dans plusieurs années ?
- Quand est-ce qu’on mange ?
Mais le problème c’est que c’est un peu con de se poser toutes ces question, parce que quoi qu’on décide, on fera certainement un truc qui n’a rien à voir. Toutefois, j’en tire quelques idées que je me permet de vous partager.
Premièrement, je n’ai pas envie de travailler dans l’informatique (sauf épisodiquement pour remplir le porte-monnaie). En effet, l’informatique c’est passionnant mais passer 40h par semaine à se griller les yeux pour le bonheur du grand capital, ça ne m’enchante pas beaucoup. En fait, plus le temps passe plus je me rend compte que l’informatique c’est super cool, mais que c’est presque tout le temps futile. Par exemple : pourquoi vouloir démocratiser les maisons connectées alors que tout le monde sait que ça pose autant de problèmes que ça en resoud ? Pourquoi travailler pour les reseaux sociaux sont de plus en plus puissants alors qu’on sait tous que c’est de la merde pour notre santé mentale ? Du coup, je préfère passer mon temps sur des projets personnels, souvent dénués de sens et inutiles (ce blog par exemple) de manière totalement assumée, mais sans contraintes et sans impacter négativement la société pour un enrichissement personnel. J’ai le luxe de pouvoir choisir mon travail et il est hors de question que je m’en prive.
Deuxièmenent, la sobriété. Anna et moi, on a la chance de se contenter de peu. Tout l’argent qui ne nous sert pas à vivre est superflux et je n’aspire pas du tout à devenir riche. Bon, forcément, je suis pas mongole, je sais que l’argent c’est utile et que c’est vachement bien d’en avoir un peu de côté.
Toisièmement, refuser la peur. Pour moi, être guidé par sa peur, c’est ne pas aller vers les autres, ne pas se lancer par peur de l’échec, ne pas faire confiance, etc. Bref, c’est s’accorder à soit-même une bonne vie de merde. Mais le problème, c’est que c’est super facile de se laisser guider par sa peur et du coup j’essaie de cultiver une certaine spontanéité et de jeter les objections et les conseils bienveillants type « reste à la maison le soir, c’est dangereux dehors ».
Enfin maintenant Anna et moi on a un travail. Moi je fais du soutien scolaire et Anna est vendeuse chez Decathlon. Du coup, moins de temps, moins de questions, plus d’argent. Tout ce qui restera seront les enseignements que j’ai listé plus haut, j’espère les garder en tête aussi longtemps que possible.
Le plombier
Dans l’appartement de Péreybère, on a un problème de type fuite d’eau. En fait, l’appartement a été construit il y a une trentaine d’année avec des matériaux de mauvaise qualité. Résultat : aujourd’hui, toute la tuyauterie de l’appartement est tellement corrodée qu’elle devient inutilisable. Pour remédier à tout ça, on nous a donné de contact d’un plombier local. Le mec à l’air de savoir ce qu’il fait, mais il est… traditionnel.
Après m’avoir posé un lapin parce qu’il avait la colique (il avait trop mangé la veille apparement), notre bonhomme arrive ce matin dans une petite voiture défoncée. Il est petit, ses vêtements sont tâchés d’enduit et il porte un jean beaucoup trop grand et des tongs (des tongs de chantier je suppose). Il inspecte l’appartement, on discute un peu, puis il donne son verdict : il faut reprendre toute la tuyauterie. A partir de là, toujours très professionnel, il dresse une liste du matériel à acheter, me la pose sur la table et s’apprête à partir. En fait, il semble qu’ici, c’est au client d’acheter le matériel et le plombier vient poser ce matériel quand il a le temps. N’étant pas véhiculé, je lui demande si il peut aller acheter le matériel lui-même. C’est son boulot après tout, non ? Je vois que quelque chose bloque. Quand je lui parle, il semble regarder dans le vide. Il ne refuse pas catégoriquement, il reste très calme, il n’a juste plus aucune réaction, il est un peu inerte, ça fait presque peur. Heureusement, j’avais été un peu briffé sur les coutumes locales, et je lui propose d’avancer l’argent pour l’achat du matériel. Tout d’un coup, son visage se réallume et toujours calmement et d’une nonchalance déconcertante, il prend l’argent et file faire les emplettes.
Il revient 1h plus tard avec tout le matériel sous le bras, il viendra installer tout ça dans quelques jours…
Forts intéressants ces 3 enseignements, c’est approuvé ! Par contre tu dois pouvoir travailler dans l’info sans soutenir le grand capital, il doit bien avoir du boulot dans des causes plus nobles. Bon évidemment ça rapportera surement moins mais tu nous parlait de sobriété non ?
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