Le Bolivouhack au Pérou: un trek chez les Incas et les Moustiques – Partie 2

Jour 3.
Au réveil, je compte le nombre de piqûres que j’ai sur les bras. Enfin je dis au réveil mais c’est plutôt au 8e réveil, parce qu’en réalité, j’ai assez mal dormi. Je prends donc acte des dégâts, sors de mon sac de couchage et la, ben ils sont toujours là ! Je bats donc un record de vitesse pour m’habiller, même quand je faisais la course avec maman quand j’étais petit, je n’allais pas aussi vite.
Au sortir des forêts, ce Lion fut pris dans des rets, dont ses rugissements ne le purent défaire. Non pardon, je m’égare je crois: au sortir des forêts, et bien c’est pareil voire pire, toujours autant de bestioles et je pense que le passage des mulets n’aide pas. Je mange un bout de pain en attendant que PY se réveille et puis nous partons sans plus attendre. Aujourd’hui, on a 1000m de montée pour arriver au sanctuaire de Choquequirao ! C’est parti ! Voilà quelques photos de la montée, la fin était assez plate, ça fait plaisir !

C’est vers 14h que nos efforts sont récompensés : après avoir franchi un joli portail en bois frappé de l’inscription « Parque Arqueológico de Choquequirao », nous apercevons les première grandes terrasses du sanctuaire ! C’est massif et bien tondu, ce sera notre aire de pique-nique.
On mange encore une fois super bien, on fait la sieste et c’est parti pour une fin d’après midi d’exploration du site !

La nuit tombe alors que nous cherchons de l’eau. Le routard faisait état de nombreuses sources sur le site mais on s’est visiblement fait rouler. Il y a ici autant d’eau que dans ma gourde, c’est à dire rien du tout.
Poussés par un élan d’explorateurs, on décide de suivre un ancien aqueduc Inca , à sec, pour aller à la recherche de sa source. L’eau provenait surement d’une rivière mais l’aqueduc à dû se boucher ou se détériorer.
Plus en amont, après un bonne heure de montée, l’aqueduc se perd dans la végétation, englouti par une jungle impénétrable : impossible d’aller plus loin. Au niveau d’un col, un groupe de péruviens nous assure qu’il y a une rivière toute proche un peu plus bas. C’était bizarrement dit, on a quelques doutes mais on va vérifier, et effectivement, quelques mètres en aval, l’autre moitié de leur groupe nous dit qu’il n’y a rien… On s’est foutus de nous, et en plus et bien on n’a toujours pas d’eau. Pas le choix, il faut utiliser la fameuse technique que les randonneurs détestent, celle dite du « retour en arrière ». Retour donc à la dernière rivière croisée avant Choquequirao… à une demi heure de marche. Une grosse heure plus tard, nous voilà prêts non seulement à faire du feu mais surtout à engloutir notre potée ! On fait notre feu au bord de l’Usnu, un vaste terrain plat qui surplombe Choquequirao, au sommet d’une colline tronquée artificiellement par les incas. L’Usnu, ou Ushnu, c’est le lieu cérémonial de la cité, où sont organisées des fêtes et des offrandes en l’honneur des dieux. Bref, on a dormi là dessus 🙂

Magnifico 🤌

Le lendemain matin, réveil à 5h30 pour regarder le lever de soleil. Sauf qu’en passant la tête par l’ouverture de la tente, on est au milieu d’un nuage, tant pis, retour dans le sac de couchage !
Vers 8h, je suis réveillé depuis quelques minutes quand une ombre passe au dessus de la tente suivie de petit coups de bâton secs: « Holà, tienen que salir, no se puede acampar aqui » Merde, c’est le garde du parc, on a trop trainé au lit… Il nous demande de vite plier la tente et de déguerpir pour que personne ne voie qu’on a campé là. Il nous vend deux billets d’entrée au prix normal et non étudiant, la différence servira à acheter son silence. Selon lui, l’amende s’élèverait à 2000/S, soit 500€. Si c’est vrai, on a eu chaud ! Même si en pratique, c’est toujours comme ça, la corruption fait des ravages dans ce pays, d’ailleurs c’est eux mêmes qui proposent de se corrompre…

On plie nos affaires et on redescend sur la place principale de Choquequirao pour continuer notre visite. Il y a un peu plus de monde ce matin, même le maire d’une localité proche, qui est venu tourner une vidéo pour sa campagne. C’est étrange qu’on n’ait croisé aucun officiel la veille, on est pourtant arrivés l’après midi… Le temps de manger, il était peut être reparti quand on est montés au centre. Dans ce cas, camper sur les terrasses à l’entrée aurait été une bonne solution: on est à la fois invisible depuis le chemin mais aussi depuis les hauteurs de la cité.

Choquequirao depuis notre Usnu de camping

Une fois tout range, direction le secteur les Lamas: une zone vertigineuse à l’ouest avec des terrasses au flanc d’une montagne très très pentue, dont les murs sont ornés de représentations de lamas en pierre, style pavage.

Le point de vue pour admirer les terrasses était super bas ! J’ai les jambes en ficello en remontant, surtout avec la rando d’hier !
Et j’ai faim.
Je retrouve PY qui fait la sieste et on va déjeuner sans un coin tranquile, presque à pic du canyon du Rio Apurimac !

Une fois le ventre et les yeux pleins de bonnes choses, c’est le moment d’entamer la descente !
Mais il y a un pépin au bout de quelques minutes: on doit tourner sur la droite et le chemin indiqué sur la carte n’existe pas… On continue jusqu’à arriver à un camping qui nous indique la bonne direction. Il y a eu des aménagements récents au parc, avec une nouvelle délimitation du parc et certains chemins ont été fermés (impossible de les voir, la jungle les a absorbés depuis)

A propos de la jungle, on apprend que l’entretien du parc est très difficile. La jungle pousse très vite et on ne peut travailler qu’à la saison sèche, les terrains étant impraticables et dangereux à la saison des pluies. C’est pour ça que les travaux de dégagement du site sont compliqués, et qu’il reste aujourd’hui encore à explorer environ 60% de la surface totale de Choquequirao, de quoi faire encore de belles découvertes ! Ce serait chouette que de l’eau coule à nouveau dans les aqueducs !

La descente commençait calmement dans la forêt puis on a changé de versant et l’environnement a brutalement changé. On est sortis de la vallée et tout est devenu hostile. La pente est plus raide, le sol est aride et les cactus et autres plantes piquantes ont remplacé la forêt.
(vidéo de la descente à venir)

Proche de la rivière, la montagne au dessus de nous est vraiment à pic et il y a fréquemment des chûtes de pierres qui endommagent le chemin, ça donne pas très confiance… Par contre, on a une vue imprenable sur la rivière, même si je l’ai déjà vue de près il y a deux jours je suis captivé par sa couleur, sa force et son débit !

Une fois en bas, on traverse le pont puis on mange en express au bord de la rivière. Remplissage des gourdes et c’est reparti. PY a eu le temps de piquer une tête pendant que je surveillais la cuisson mais il est vite revenu, moustiqué et sunflyisé.

Nous partons donc en direction de Huanipaca, en remontant une vallée encaissée au fond de laquelle coule un torrent qui se jette dans le Rio Apurimac. Le début est très raide pendant une heure, puis ça se calme en arrivant dans ce qui ressemble à une oasis au milieu des montagnes arides.

Quelques photos de l’ancienne hacienda San Ignacio, au milieu de l’oasis et aujourd’hui en ruines. Il y a des installations hôtelières vides autour.
La zone est mystérieuse et parait chargée d’histoire, on se prête à imaginer qui pouvait vivre là au temps peut être des espagnols. Le chemin pour venir est bien large, l’on devait surement venir en calèche dans cet endroit reculé.

Le chemin est littéralement englouti par la végétation de l’oasis, c’est un tunnel

Tout va pour le mieux et il fait nuit claire. La lune n’est pas encore levée mais le chemin et bon et on avance vite. On aperçoit des nuages bas dans la vallée où on va, on sera peut être dans le brouillard. En arrivant sur les lieux,  les nuages sont en fin de compte de gigantesques éboulements partis des centaines de mètres au dessus de nous et qui descendent jusqu’au petit torrent en contrebas. Il nous faut traverser les pierriers pour continuer le chemin. C’est vertigineux mais ça le fait, même si on a un peu stressé !

Suite du chemin tranquillement. On assiste à un magnifique lever de lune depuis un point de vue sur une gigantesque cascade. Jusque là, le torrent que nous remontions était au fond d’un canyon escarpé et maintenant, il est au milieu d’une vallée paisible et luxuriante. La cascade joue le rôle d’un bouchon et évite l’érosion de la valée en amont. Le lit de la rivière est remonté de presque 100m !
On marche encore 30 minutes puis on plante la tente au bord du chemin. Au menu du repas: semoule et flocons de quinoa, un poivron, un oignon, une carotte, une boîte de thon et un bouillon de « Carne » (c-à-d un bouillon d’une viande qui n’est pas de la volaille. Ici le mot « viande » désigne aussi bien du cochon que du bœuf ou même du mouton. Pratique.)
Le réchaud fonctionne du tonnerre et c’est prêt en moins de 30 min. On commence à choper les bons réflexes ! On se glisse dans nos sacs de couchage et on  se régale, c’est délicieux avec l’huile du thon (et surtout après une grosse journée de marche comme aujourd’hui).

On se réveille le lendemain à 7h30 après une bonne nuit, PY sort pour s’habiller et là, c’est le  drame. Les mouches  qui piquent ! Elles sont là ! Il est littéralement entrain de se faire bouffer (encore!). Je referme la tente et m’habille en 4ème vitesse, ensuite on plie nos affaires et on déguerpit. Le petit dej attendra qu’il n’y ait plus de parasite. J’ai faim mais on n’a pas le choix.
Le chemin pour remonter la vallée est superbe, il longe le torrent au milieu d’une végétation luxuriante, surplombée de part et d’autre par de hautes montagnes un peu dodues. Le plus chouette ce sont les nuées de perroquets verts qui s’affolent et s’envolent des arbres à notre passage.
(Photos)

De petites fermes apparaissent au fur et à mesure au bord du chemin, on se rapproche peu à peu de la civilisation. On croise une première voiture après environ 3h de marche, qui nous propose de nous amener jusqu’à la route principale, un peu plus d’une heure de trajet. C’est parfait, c’est exactement ce qu’on cherchait sans avoir à pousser à pied jusqu’au prochain village.
Galerie photo du trajet:


Notre conducteur, la cinquantaine, a acheté des terrains dans la zone pour vivre du tourisme mais le chemin sur lequel nous sommes est tombée en désuétude il y a quelques années au profit de la route qu’on a pris à l’aller, moins sympathique mais plus près de Cuzco, la capitale du tourisme péruvien. D’où les bâtiments assez récents mais plus ou moins abandonnés qu’on a rencontré le long du chemin. C’est pour lui la faute du nouveau gouvernement de gauche, il est furieux et nous le fait savoir. Il n’y a que la droite qui puisse apporter le salut selon lui! Il a des idées bien tranchées et c’est intéressant de discuter avec lui, il est absolument contre les aides sociales qui selon lui poussent les gens qu’à s’abrutir et boire de l’alcool. Il préférerait que les gens se mettent au travail, soient éduqués et prennent leur vie en main. On comprend bien ses arguments, et effectivement ça fait sens. Sauf que quelques minutes plus tard, il part complètement en vrille dans un complotisme sans égal par rapport aux problèmes du monde, causés par la grande mafia des Etats Unis et de la Chine. Il nous explique aussi que les Incas étaient un peuple très avancé, en agriculture, architecture, spiritualité et technologie en général, qu’ils maîtrisent à la perfection. Avec PY,  on aime bien ce genre de personnalité forte, qui nous permet de comprendre un peu mieux comment peuvent penser certains péruviens. Ceci dit, on échange  quand même quelques regards sceptiques quand il nous explique que les Incas avaient des pouvoirs magiques et qu’ils étaient des dieux capables de lancer des sorts et de commander aux éléments…

Il nous laisse au bord de la grande route, d’où on prend un collectivo pour rejoindre Curahuasi, où l’on a laissé nos affaires. Par collectivo, comprendre encore une fois « Toyota Corolla break 5 places sur chargée avec deux personnes assises dans le coffre ». Une fois arrivés, on prend une bonne douche bien méritée (bien que froide) on mange un morceau et c’est l’heure de se dire au-revoir. Je pars en direction de Lima pour prendre mon vol retour vers la France alors que PY retourne tranquillement vers La Paz en Bolivie.

C’est marrant, parce qu’à ce moment précis, on est chacun à environ 20h de trajet de notre destination.

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Bilan Choquequirao

Pivot : premier gros treck en autonomie pour moi, j’ai vraiment apprécié l’expérience. Coupé du monde sans internet pendant 4 jours on a croisé très peu d’autres randonneurs (aucun même sur le trajet du retour). Cette coupure m’a fait du bien après plusieurs jours à Cusco. A la base, on espérait trouver un groupe pour faire ce treck à plusieurs et je me disais qu’à deux nos conversations allaient tourner en rond. En réalité, ça nous a permis d’être plus flexible et on a pas vu le temps passer. La randonnée, c’est vraiment propice à la discussion, en particulier la nuit je ne sais pas pourquoi. J’ai vraiment kiffé ces marches de nuit quand la température est plus agréable et la lune éclaire le chemin. Il faudra vraiment refaire ça avec le bivouhack en France.

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