Suivez Léo (Flétan), Rémi et leur Papou dans une folle aventure vélocipède dans les confins de l’Asie centrale : un mois sur la M41, la route du Pamir.
If you see this after your page is loaded completely, leafletJS files are missing.
Pour accéder aux commentaires, cliquez sur le titre de l’article et descendez au bas de l’article.
Bonne lecture !
- CCCP #00 : les préparatifs
Depuis plusieurs mois déjà, la fine équipe prépare assidument l’expédition PPC (Pamir Pédale Club).
Mais c’est qui, cette fine équipe ?
- Patrice aka Le Papou : amateur de sports de pédale, il est à l’initiative de l’expédition. C’est un vieux briscard des chemins de terre et quand il n’est pas dans ses montagnes, c’est pour visiter d’autres montagnes.
- Rémi aka Rämi Peter-Müller: amateur de transpiration, il aime courir, nager, pédaler, glisser, sauter, rouler. Et recommencer. A mon avis, il serait donc logique qu’il porte plus que les autres.
- Léo aka Flétan : c’est moi, votre humble serviteur, l’écrivain de l’équipée. En tant que plus jeune de l’expédition, je mettrais toute mon impréparation et mon goût pour l’improvisation au service de l’aventure.
L’expédition
Le but est de parcourir la route M41 (ou Pamir Highway) qui joint Douchanbé à Bichkek, capitales respectives du Tadjikistan et du Kirghizistan. Cette route est connue parce qu’elle traverse le massif du Pamir, un monument de montagnes d’asie centrale.
Nous partons sur un mois du 28/05/2023 au 30/06/2023 pour parcourir environ 2000km de route en pente.
La préparation
La préparation consiste a se renseigner sur ces pays lointains, à s’entraîner à pédaler, à rassembler tout le matériel nécessaire. Bien sûr, comme cette partie est chiante à mourir je m’y suis pris au dernier moment et seul l’avenir nous dira si j’ai oublié de prendre des choses importantes dans mes sacoches.
Il faut de quoi camper, s’habiller, se nourrir, se laver, se soigner et de quoi réparer les vélos. Ça fait un peu plus lourd que quand on part à pied, mais pas tellement.
À vue de pif, les vélos font un peu moins de 20kg et les sacoches (sans la bouffe ni l’eau) pèsent 15kg/personne.
Le départ
Réveil à 5h30. Je ne savais pas que le jour se levait si tôt. Pour la route, on a chargé tous les vélos dans le pickup d’un cousin.
On tape 2h de route dans le confort spartiate de cette boîte en tôle et on passe les bagages à l’enregistrement. Tout se passe à merveille.
J’écris depuis l’aéroport de Lyon, quelques minutes avant le grand décollage. C’est parti pour l’aventure !
- CCCP #01 : Douchambé
Lundi 29 mai.
Nous avons atterri vers une heure ce matin. À Tout s’est passé à merveille, merci Turkish Airlines 🙂
Nous logeons au Greenhouse Hostel, un petit hôtel/auberge de jeunesse qui sert de repère à tous les globetrotters qui trainent leurs savattes dans le coin. Des motards surtout. La nuit est courte. Au petit dej, un motard français nous fait un laïus sur l’impossibilité totale de traverser la frontière Tadjikistan/Kirghizistan (ce qui est notre plan initial) et l’immense galère qu’ont représenté quelques jours à traverser le Pamir en moto. C’est une grande gueule mais il nous donne quelques renseignements intéressants.
La ville
Douchambé est une ville d’environ un million d’habitants. Il fait beau, sec et chaud (~30°C). Beaucoup de rues sont en mauvais état, mais d’un autre côté il y a plein de bâtiments neufs et les infrastructures sembles correctes. Par exemple, la plupart des câbles électriques sont enterrés et pas en bordel au dessus de la rue. Il y a des monuments aussi, des gros machins de pays qui veulent faire la taille à la quéquette, comme un mat de drapeaux de 165m de haut, qui fut le plus haut du monde pendant 3 ans.
Certes la ville est un peu poussiéreuse mais les gens sont élégants : la plupart des hommes portent une chemise et les femmes de grandes robes colorées. Les élèves se promènent en uniforme impeccable et certains hommes on des petits chapeaux carrés rigolos. La ville est plutôt calme. Il n’y a pas de chiens errants, pas trop de klaxons, les gens ne hurlent pas : c’est agréable.
C’est dépaysant aussi, avec des marchés un peu bordéliques (beaucoup moins qu’en Bolivie quand même), des restaurants où les hommees boivent du thé, des véhicules soviétiques antiques. Le soir, dans le quartier résidentiel où se trouve notre auberge de jeunesse, des myriades de mioches sortent des maisons pour jouer dans nos pattes.
Au delà de la visite touristique, nous faisons des photocopies de nos visas et passeports, nous retirons moult monnaie locale (les Somonis Tadjik) et nous achetons des cartes sim pour avoir un peu de réseau dans les montagnes.
Mais au cours de la journée, les cerveaux bouillonnent. Il semble que depuis l’automne dernier, les relations entre le Tadjikistan et le Kirghizistan soient tendues et que toutes les frontières entre les deux pays soient strictement fermées, ce qui voudrait dire que notre plan est effectivement niqué.
Le plan
Après maintes reflexions communes et pesage sous-pesage des pour et des contres, nous ajustons notre feuille de route. Initialement, en partant de Douchambé, il nous faut au moins trois semaines pour se rendre à la frontière (qui est complètement perdue au milieu des montagnes). Il nous faudrait alors une semaine pour redescendre côté Kirghize et rejoindre Bichkek où notre avion retour nous attend à la fin du mois.
L’alternative suivante a été votée à l’unanimité : nous partons quand même dans le cul-de-sac géant que forme le Pamir en espérant que la frontière ouvre miraculeusement d’ici là. Pour assurer nos arrières, nous nous avançons d’une semaine en faisant demain 500km en 4×4 jusqu’à Khorog. Ça nous laissera plus de temps pour retomber sur nos pattes si on n’arrive pas à passer la frontière.
Cette première journée a été assez dense. On s’aperçoit qu’on a pas tous la même façon de voyager, pas tous le même niveau de stress aussi. Mais je ne m’inquiète pas, je pense que ça devrait s’aplatir dans les jours à venir.
- CCCP #02 : la longue route
30 mai 2023
L’objectif de la journée est simple : aller à Khorog, à 500 bornes de Douchambé. Pour cela, nous nous rendons de bon matin à la gare routière du Pamir, qui regroupe les départs de passagers et de marchandises pour la région isolée des hautes montagnes du Pamir : le haut Badakhshan.
La gare routière est assez petite avec un côté passagers où des gros land cruiser se chargent petit à petit et un autre côté avec des camions de toutes formes (mercedes ou soviétiques) attendent également d’être plein pour le départ.
On négocie le trajet à 600somoni (60€) par personne avec les vélos. Et puis on attend. Ali, avec qui on a négocié, tourne dans la gare, il discute, passe des coups de file, bref il fait son business. De temps en temps, le papou à cours de patience lui demande quand on part, Ali répond des trucs et repart.
Avec Rémi on est moins pressés. Déjà on est en vacances. Ensuite, le temps s’écoule plus lentement ici, c’est Normal d’attendre. Enfin, c’est l’occasion d’observer.
Et justement, en obervant on voit plein de trucs super, comme le boulanger qui met des pains fourrés dans son four tandoor.
On apprend que la route est en travaux après Qalai Khum (ou Darvaz) à 7h de route d’ici et qu’elle est en conséquence fermée toute la journée. Donc ça ne sert à rien de partir trop tôt.
Finalement on part vers 11h dans le pickup de Fairouz et de sa femme. Ce sont des restaurateurs de Khorog qui rentrent chez eux. Il s’arrêtent à la gare routière le temps de charger leur pickup avec Ali et fiou, c’est parti. Nous sommes donc 5 dans le pickup avec nos affaires derrière.
La première partie du trajet se fait sur une route à l’enrobé existant mais discutable. On est dans des grandes vallées agricoles, c’est déjà les moissons ici.
On mange à Kulob vers 15h puis on atteint la frontière Afghane. À partir de là, on va suivre cette frontière longtemps, très longtemps. C’est une vallée très étroite avec une rivière très grosse et très énervée. C’est la rivière Panj. Elle marque presque toute la frontière entre le Tadjikistan et l’Afghanistan (qui est très longue) et n’est traversée que par 5 ponts.
Jusqu’aux travaux, la route est asphaltée. Elle à été faite par les turques, les Iraniens et maintenant les chinois. On atteint le début des travaux vers 19h, après la journée de boulot des chinois. La route est fermée toute la journée parce qu’ils font des minages. À partir de là, la route est vraiment pourrie. Elle est coincée entre la falaise et la rivière et il est impossible de croiser sur certaines portions. En face, quelques camions énormes viennent de Chine avec des semi-remorques et même un camion de transport de voitures !
J’aindes vidéos de la route, mais je ne peux pas vous les mettre ici à cause de la faible connexion.
Au final on arrive à 3h du matin, 16h après notre depart
Total distance: 440.16 km
Max elevation: 2055 m
Min elevation: 410 m
Total climbing: 5714 m
Total descent: -4361 mEn m’excusant si il y a des fautes dans cet article, j’ai beaucoup de mal à trouver du temps pour écrire.
- CCCP #03 : premier jour
Mercredi 31 mai
Depart 11h30 après le p’tit déj dans l’hostel et quelques préparatifs (repartir les sacoches, faire des courses, etc.). On galère à trouver un automate pour tirer de l’argent, on aurait pu en prendre plus à Douchambé. Mais bon d’un autre côté ça ne m’inquiète pas parce qu’on a des dollars et pas mal d’euros en plus. On va pas se trouver dans le caca de sitôt.
Après un aller retour pour prendre de l’essence (on a un réchaud à essence c’est fascinant), on part pour de bon pour le couloir du Wakhan !
En pédalant jusqu’à 18h, on fait presque 70km. C’est pas dégueu pour une demi journée. La piste est correcte, parfois asphaltée. Il y a pas mal de militaires dans de petites bases bricolées sur le bord de la route. Ils ont des uniformes kaki et des kalachnikovs. La plupart sont très jeunes et on l’air de bien se faire chier. On passe deux checkpoints avec présentation des passeports. Les militaires sont sympas et ça se passe très bien.
Quand on traverse les villages, les enfants nous courent après, poussent les vélos, nous tapent dans la main, nous crient « hello! ». Il y a aussi les adultes, souvent occuper à refaire un muret, à bouger un petit troupeau de chèvres/moutons ou à gérer les canaux d’irrigation avec une pelle (j’y reviendrai, c’est génial). Les villages sont très vivants, c’est agréable. Il y a beaucoup d’arbres aussi, surtout des peupliers bien droits et des saules taillés en têtard. Les arbres sont serrés et bien entretenus, comme tous le reste des villages.
On est un peu fascinés par l’Afghanistan. Ici, la vallée est très étroite et on est souvent à un jet de pierre de l’Afghanistan. Ça nous fascine un peu d’être si proche de ce pays interdit. On observe les gens et les maisons de l’autre côté. Finalement ça ne change pas tellement du notre : il y a une piste, il y a des maisons et des écoles, et même des enfants qui jouent au foot. Et puis des drapeaux talibans.
Vers 18h, on trouve un coin pour bivouaquer, pas loin de la rivière (donc pas loin de l’Afghanistan, c’est important pour la suite). On s’installe, et puis vers la fin du repas, vers 19h, des militaires viennent nous voir. Il nous observent longtemps sans dire grand chose, sans montrer beaucoup d’intérêt non plus. On fais la vaisselle, je graisse mon vélo, et puis au moment d’aller se coucher, ils commencent à nous saouler. En tant que préposé à la discussion non anglophone, j’essaie de comprendre ce qu’ils veulent. En gros, la frontière est dangereuse et en tant que fonctionnaires zélés, ils ne peuvent pas nous laisser dormir là. Évidemment, ça nous fait chier et on ne pense pas que le talibans vont traverser cette rivière étroite mais ultra puissante. Bref, on va se coucher en discutant un peu et ça marche : les bidasses s’en vont. Une heure plus tard, alors que le camps dort, une autre patrouille vient nous réveiller, pour le même résultat.
En ajoutant le bruit de la rivière, la première nuit sous la tente et cette histoire de militaires, tout me monde est d’accord pour dire qu’on a passé une très mauvaise nuit.
Total distance: 60.04 km
Max elevation: 2336 m
Min elevation: 2049 m
Total climbing: 777 m
Total descent: -549 m - CCCP#04 : un bain bien mérité
Jeudi 1er juin 2023
Après une nuit très nulle (mais si, les militaires souvenez vous), Rémi me réveil à 5h30, départ 6h30. Ça me plait pas, je suis de mauvaise humeur toute la longue matinée. Le rythme est trop soutenu, c’est chiant, j’aimerais dormir plus, visiter les villages, observer les gens travailler. En plus, on avait dit qu’on resterait tranquille les premiers jours pour se faire un rythme. Mais les autres veulent avancer, avancer toujours avancer.
Vers 10h, on arrive à Ishkashim. C’est une ville de taille raisonnable, quelques milliers d’habitants. On mange un peu, on fait des courses, je n’arrive pas à retirer de l’argent.
Le système d’irrigation d’Ishkashim est particulièrement développé. L’eau est prélevée directement dans la rivière Panj plus de 20km en amont et un canal d’irrigation arrose tout le coin. C’est de loin le plus gros canal qu’on ai vu dans le corridor du Wakhan.
Vers 11h, je sens une gène que je connais bien dans le genou. Mon essuie glace de la mort est déjà là avec le rythme de vélo soutenu et la nuit de merde. Dans l’idéal, il faudrait s’arrêter maintenant et continuer tranquillement demain. Mais les autres ne l’entendent pas comme ça. Je traine la patte depuis ce matin et ils veulent juste avancer pour avancer. Ça m’énerve. Finalement, on arrive à s’entendre. On continue mais on arrive quand même à faire des pauses régulières pour voir des trucs (canaux d’irrigation, vieilles forteresses).
Pendant le repas de midi, je m’attarde un peu sur la carte. Je trouve une source chaude à 1h de marche derrière un village à 10km de là. On décide d’aller voir.
On arrive très vite au village de Darshai. Comme chaque village, il est construit sur la confluence d’un torrent avec la rivière Panj. On attache nos vélos sur le bord de la route et on suit le chemin qui s’enfonce dans la montagne en suivant le torrent. Le vallon est affreusement raide, c’est en fait un pierrier qui tombe dans un profond canyon où coule torrent : pas question de chuter. D’après la carte, le sentier improbable sur lequel on évolue mène à un alpage, bien plus loin.
Et puis on trouve la source chaude. Elle n’est pas si chaude mais on s’y baigne quand même, c’est super. À part ces vers très bizarres qui vivent dans la mousse qui couvre les parois de la source.
En cherchant un homestay (logement local) dans la supérette sur village, on tombe sur Micha qui nous invite chez lui. Youpi, on loge chez l’habitant !
La maison de Micha est super. C’est globalement une grande pièce avec plein de tapis partout, des petites estrades et une petite table sur laquelle on mange assis sur un coussin. Il y a la grand-mère, micha, sa femme et les enfants. La maison est très chaleureuse et confortable. On dort dans l’unique autre pièce fermée, une simple chambre.
Pour ceux que ça intéresse, les wc sont un trou dans le jardin et la douche, je sais pas.
Total distance: 100.86 km
Max elevation: 2988 m
Min elevation: 2296 m
Total climbing: 2583 m
Total descent: -2166 m - CCCP #05 : la fin du Wakhan
Vendredi 2 juin 2023
On se lève dans la maison de Micha vers 6h30. Après un super petit dej, on s’apprête à partir. Sous une coupelle, on a laissé 150 somonis et une plaquette de chocolat (on a amené plein de chocolats Ritter Sport pour offrir). Il nous avait semblé que Micha ne voulait pas qu’on le paie alors voilà quoi, on fait un geste. Sauf qu’au moment de partir, sa femme (j’ai oublié son nom) demande à être payée pour le service rendu. On a aucun problème avec ça, mais c’était pas clair. On lui montre ce qu’on a laissé, ça a l’air ok, même si la situation est un peu gênante. À l’avenir, on demandera toujours un prix avant de passer la nuit quelque part.
Toute la matinée, on a un fort vent dans le dos. Ça nous aide pas mal sur la piste parfois sableuse. Aussi, la vallée s’élargit. Les villages sont plus plats et les cultures plus étendues. À certains endroits, entre les villages (parfois éloignés de plus de 10km), il y a même des dunes de sable.
Après le déjeuner (on fait toujours une petite pause picnic vers midi), le vent s’inverse. Entre le fort vent de face et la piste qui est mauvaise, la progression devient très difficile : on atteint difficilement les 10km/h et on doit même pédaler en descente. En plus, je sens mon genoux qui frotte.
Vers 15h (du côté de Shirgin), alors que Patrice cherche où s’approvisionner en eau, il trouve une source chaude. En fait, ce sont même des petits thermes aménagés sur la source chaude.
Il y a deux petites maisons, une pour les hommes et une pour les femmes. Dans la petite maison, c’est simple : un vestiaire et un super piscine à 35°C. On se baigne nus. Il y a quatre locaux qui profitent du bain. L’eau est vraiment chaude et les locaux sont sympa, c’est un super moment.
Un local nous dit qu’il faut se rincer les yeux avec cette eau, que c’est très bon pour les yeux. D’ailleurs il le faut devant nous. Ça nous paraît pas une bonne idée de se laver les yeux avec la même eau qui nous lave les fesses en même temps.
En sortant, le vent s’est calmé, le ciel est radieux. Génial ! Alors, propres comme des voitures allemandes, nous finissons la route qui nous mène à Langar, le dernier village du couloir du Wakhan. Il est à peine 16h, mais on doit s’arrêter ici pour se préparer pour la sortie du Wakhan, qui n’a pas l’air d’être une maince affaire. On trouve un homestay qu’on négocie à 120somonis/personne puis on fait des courses pour tenir 3 jours. Biscuits, oeufs, saucisse, pain, etc.
Et puis on visite le village. Comme tous les villages de la vallée, il est construit à la confluence d’un torrent et de la rivière. Le village est bien plus grand qu’il e’ a l’air depuis la route parce qu’il s’étend sur les hauteurs.
J’adore particulièrement le système d’irrigation. C’est une infrastructure collective, comme les rues du village.
L’eau est collectée à plusieurs niveaux dans le torrent puis ces canaux collecteurs se divisent en kilomètres de ramifications passant dans les rues, sous les murets, dans les jardins, et arrosant les cultures et les prés. Les vannes sont souvent de simples mottes de terre que les villageois bougent avec des pelles pour diriger le flux d’eau. Ces canaux sont plein d’astuces et d’ingéniosité, c’est passionnant à regarder. Mais ce qui m’intrigue le plus, c’est quelle est l’organisation que les villageois adoptent pour un partage de l’eau qui convienne à tout le monde ? (Je ne sais pas)
À l’image de l’irrigation, c’est tout le village qui semble très optimisé. Chaque espace plat est cultivé, chaque carré d’herbe est paturé, et les maisons au toit plats et les km de murets et de rues sont bien entretenus.
On passe une bonne nuit à Langar.
Total distance: 71.36 km
Max elevation: 2892 m
Min elevation: 2677 m
Total climbing: 1419 m
Total descent: -1304 m - CCCP #06 : la montée de l’enfer
Samedi 3 juin
On part de Langar vers 8h. On a demandé à la tenancière de nous faire cuire les oeufs qu’on a acheté la veille. Les œufs durs, c’est bon et c’est plus pratique que les œufs crus.
On tape direct dans le dur avec une grosse montée qui nous sort de la vallée principale pour rejoindre une plus petite. La piste est raide et rude, on fait du 5km/h pendant plusieurs heures. On passe au dessus des 3000m, et on monte, et on monte.
On est toujours sur la frontière Afghane, mais l’ambiance est radicalement différente. Ici, il n’y a plus beaucoup de passage. Il n’y a plus de militaires, plus de checkpoints, alors que c’est pourtant l’endroit où c’est le plus simple de traverser la frontière : seulement un petit torrent la marque.
Sur la route, on double pas mal de petits troupeaux de vaches, chèvres et moutons. Ce sont les bergers qui emmontagnent pour 3 mois. Ils montent notamment les bêtes des villageois de la vallée. Étonnamment, ils n’utilisent pas tellement de chien pour guider leur troupeau. Ils sifflent et jouent du bâton. Comme ils sont lents et que les distances sont importantes, ils s’arrêtent dans des refuges le soir et repartent tôt le lendemain matin.
Piste tres dure, je me sens assez bien malgré tout : mon genou ne m’embête plus et je pense trouver un rythme petit à petit.
La piste est très dure et le vent est très fort (mais par chance, dans notre dos). Comme tout le temps en montée, je suis le dernier. Entraines toi qu’y disait.
Vers 15h30, je suis pris par un violent mal de ventre. J’ai juste le temps de sortir des mouchoirs en papier et de courir derrière un rocher. Avec le vent, j’ai froid. Papa fait demi-tour pour venir me chercher. Je m’habille aussi chaudement que je peux et on parcourt les quelques kilomètres jusqu’au checkpoint. Pour les problèmes de ce type, on a des capsules de charbon actif et du smecta : ça marche bien.
Nous arrivons à Khorgush. Khorgush, c’est un checkpoint militaire, un refuge pour les bergers de passage, et c’est tout. Il se trouve qu’en ce moment, il y a plein de bergers de passage.
On rencontre aussi Eva et Ulysse, deux suisses en tour du monde. Ça fait plus d’un an qu’ils ont quitté leur neutre mère patrie pour découvrir le monde. Ils pensent rester sur la route encore plusieurs années. Ils sont sympas et surtout ils sont une mine d’or en bons conseils de voyage.
Dans le refuge, il y a une pièces relativement grande et bien chauffée qu’occupent les bergers. Nous, les touristes, nous sommes dans une petite pièce froide et crasseuse à côté. Assez vite, nos amis suisses nous font part de la problématique : les bergers essaient de faire payer la nuit au refuge, ce qui n’est pas légitime puisqu’ils ne sont pas plus chez eux que nous. En plus, ils picolent. Bref, c’est chiant. Tout ce qui nous reste à faire, c’est les envoyer chier à chaque fois qu’ils nous adressent la parole.
C’est dommage, surtout que la veille, le U et la E ont passé une super soirée avec des bergers dans un refuge du même style.
Au delà de ça, on discute pas mal et on passe une bonne soirée.
Total distance: 66.86 km
Max elevation: 3884 m
Min elevation: 2696 m
Total climbing: 2212 m
Total descent: -1029 m - CCCP #07 : Tout là haut
Dimanche 4 juin
Je crois que personne ne passe une bonne nuit dans cette petite pièce froide du refuge de Khorgush. Néanmoins, je ne suis plus malade.
On se lève vers 6h30 et on prend le petit dej avec nos amis suisses. On part ensemble vers 8h.
La piste monte mais ça va, on est encore frais. L’objectif du jour est le col de Khorgush puis le redescente de l’autre côté, dans la haute vallée de Alichur.
Vers 9h30, on est déjà presque au col (4300m). On laisse les vélos sur le bord de la piste et on grimpe à un point de vue (juste une montagne en fait) dont plusieurs personnes nous avaient parlé. On met bien 1h30 pour faire 500m de dénivelé. Il faut dire qu’on monte à 4750m, c’est pas rien. Patrice est malade, il abandonne l’ascension et va dormir à côté des vélos, emmitouflé dans ses vestes.
On laisse nos amis suisses en haut de la montagne et puis on commence la descente de l’autre côté. On évolue dans un vallon désert, sec et salé. Il fait froid et il y a pas mal de vent. Des fois, on entend des oiseaux dans des gouilles au fond du vallon mais c’est la seule vie qu’on croise sur plus de 20km. La descente est aussi difficile que ces derniers jours de montée : sable, graviers, galets, tôle ondulée, tout y passe. Les vélos ont la vie dure : sur celui de papa, le roulement de la roue arrière est totalement desserré à la fin de la descente.
Cette descente nous mène à un haut plateau, ou plutôt une haute vallée : le Pamir Alitshur (ou Alichur). Dans cette vallée, on rejoint la M41, la route qui rallie le Kirghizistan et que nous allons suivre quelques jours. Sur cette route, il y a de l’asphalte et on a un fort vent dans le dos, on avance vite c’est un vrai régal, j’ai l’impression que quelqu’un me pousse en permanence, c’est super.
C’est quand même bien fatigués que nous arrivons à Alitshur. Nous pensions camper, mais un vent terrible et l’avarie sur le vélo de Patrice nous convaincs de crécher dans un Homestay. Là, deux motards allemands rencontrés à Douchambé nous rejoignent, puis le couple de Suisse débarque épuisé et frigorifié à la tombée de la nuit.
Alichur est un bled perché à presque 4000m d’altitude dans une vallée « fertile » (comprendre : il y pousse autre chose que des cailloux). Au centre de la vallée, une petite rivière serpente et alimente une prairie rase mais verte. Autour, des petites montagnes aux allures de dunes de sables blanchies par la neige abritent une faune sauvage semble-t-il importante (bouquetins, marmottes, panthères des neiges, etc.). Le nom Alichur voudrait dire « la malédiction d’Ali », Ali étant le beau-fils du prophète Mahomet qui serait passé dans le coin et aurait déclaré toute sa haine pour ce village froid et terriblement venteux.
Le homestay à Alichur est super bien, et avec tout ce monde l’ambiance est très chaleureuse, on est très bien. Si d’aventure vous passez à Alichur, allez dormir au Shukruna Homestay.
Total distance: 58.69 km
Max elevation: 4744 m
Min elevation: 3797 m
Total climbing: 1458 m
Total descent: -1599 m - CCCP #08 : à fond les ballons
Lundi 5 juin
On se lève assez tôt avec le soleil vers 6h30. La tenancière nous sert un super petit dej. Elle parle bien anglais et est réellement sympa.
Départ 7h30. On s’est rendu compte qu’ici, il faut partir tôt. En effet, après la nuit glaciale, l’air est frais mais limpide et la masse d’air est calme. Très vite, vers 8h (le soleil se lève vers 5h), des cumulus se forment tranquillement au dessus des innombrables sommets et dans l’heure ils commencent à dégénérer. Alors la masse d’air part en cacahuètes : là il neige, là il fait beau, là un vent glacial soulève le sable et s’arrête 30 minutes plus tard.
La route est assez bonne, on se met en formation serrée pour profiter de l’aspiration et aller plus vite. Celui qui est devant doit toujours parler pour prévenir les autres de la présence des nids de poules et autres obstacles qui font le charme de la route tadjique. Nous allons très vite : plus de 20km/h de moyenne. L’asphalte c’est fantastique.
Après un pic nic sous le grésil, nous arrivons à Mourghab vers 14h30. On nous avait parlé d’un hammam et effectivement, en demandant aux locaux, on trouve un banya (équivalent russe du hammam) en lieux et place d’un garage automobile.
Le banya fait la taille d’une maison et se compose en 3 petites pièces : un vestiaire déjà bien chaud et humide, où on se depoile tranquilou. Ensuite, il y a une pièce pour se laver, très chaude et humide. Il y a à disposition des bassines et des sortes de louche. On remplit les bassines avec de l’eau chaude ou froide puis on utilise la louche pour se verser de l’eau dessus. En enfin, il y a la troisième pièce : un sauna horriblement chaud ou un jeune fait des aller-retour et sort rouge brique toutes les 5 minutes.
Mourghab, c’est aussi la dernière ville avant différents itinéraires possibles : c’est donc le dernier moment pour décider ce qu’on va faire pour la suite. Pour décider, rien de tel que de prendre l’info à la gare routière. Ici, tout le monde est catégorique : la frontière est fermée. On le savait déjà, mais ça fait chier ! Faire l’aller-retour nous infligerais 400km de trajet difficile en haute altitude : nous abandonnons cette idée. À la place, nous irons jusqu’au col de l’Ak’baital, point culminant de la m41, puis nous ferons demi-tour pour rejoindre le Kirghizistan par l’Ouzbékistan, un détour d’une bagatelle de 2000km. Merci les tensions géopolitiques à la con.
Et puis on trouve un chouette homestay, on mange dans un restaurant Kirghize (la plupart des habitants de Mourghab sont en fait des Kirghizes).
Notre petite chambre est chauffée par un poêle à charbon. C’est la première fois que je vois du charbon minéral, ça brille, c’est joli.
Total distance: 106.83 km
Max elevation: 4098 m
Min elevation: 3525 m
Total climbing: 1122 m
Total descent: -1385 m - CCCP #09 : bonne surprise
Mardi 6 juin
Le matin, alors que je somnole encore, Rémi et papa discutent : ils pensent que le meilleurs itinéraire sera de passer par la vallée de Bartang. Youpi ! Cette vallée à l’air super mais on hésitait jusque là à y aller parce qu’elle est réputée difficile d’accès en cette saison à cause de la fonte des neiges. Mais comme la frontière est fermée, beaucoup de cyclos se rabattent sur cet itinéraire qui permet de faire une belle boucle.
D’ailleurs, c’est quelque chose que je ne soupçonnais pas : les touristes du coin (cyclos, motards) forment une sorte de communauté tacite. On se rencontre des fois sur la route ou dans un homestay et on discute longuement, on échange les conseils et les numéros WhatsApp pour se tenir au courant des bons plans. C’est comme ça qu’on apprends qu’un couple d’italiens s’est engagé dans la vallée de Bartang avec quelques jours d’avance. Si la route est impraticable, nous les croiseront forcément sur notre route.
Le petit dej se passe bien à part le fait que Patrice se coince le dos. Heureusement, la crème pour chevaux de Rémi semble efficace contre les maux de dos.
Un dernier truc à faire avant de se lancer dans la Bartang : faire des courses pour au moins 3 jours en autonomie (facile) et changer de l’argent parce qu’on ne va pas croiser de ville digne de ce nom avant un bon moment. Pour changer de l’argent, on nous dit d’aller dans la banque A. Dans la ba’que A, on nous dit d’aller dans la banque B. Dans la banque B, on nous dit d’aller au bazar. Au bazar, on nous dit d’aller à la banque (évidemment !). On apprendra plus tard qu’il était possible de changer de l’argent à l’hôtel de Mourghab…
On part vers 9h. Il ne fait pas très beau, et surtout il fait froid. Et il y a du vent. De mon côté, je n’ai plus mal au genou (youpi !), mais j’ai mal aux cuisses, je n’arrive pas à evacuer l’acide lactique des derniers jours et j’ai l’impression de marcher avec des jambes de bois. Cette journée de vélo est la plus dure pour moi.
Le paysage en revanche est magnifique, mais dans un style Mordor. Des montagnes noires et pointues, des gros nuages sombres et très peu de végétation.
Sur la route, on rencontre un couple d’anglais. Ils ont entendu parler de nous par les motards allemands à Mourghab.
Et enfin, on trouve un genre de grosse cabane au pied du col. C’est la maison du cantonier. C’est un Kirghize qui vit là avec sa femme et ses deux jeunes enfants. Ils sont super sympas. On passe un excellent après midi avec eux. On joue avec les enfants et on mange bien.
Par contre, c’est vrai que c’est la misère ici. La famille n’a pas de voiture, elle est donc coupée du monde. Il y a quand même une radio avec une grande antenne, sans doute pour compenser l’absence totale de réseau téléphonique.
Ils mangent des patates, du pain et des beignets fabriqués sur place. Les chiens ont droit à une immonde bouillie de farine et d’eau.
Total distance: 72.07 km
Max elevation: 4407 m
Min elevation: 3581 m
Total climbing: 1135 m
Total descent: -315 m - CCCP #10 : Ak baital et Bartang
Mercredi 7 juin 2023
Désolé pour ce titre peu évocateur mais il s’agit ici d’une étape centrale dans notre voyage : la fin d’une semaine de montée et le debut d’une semaine de descente.
Levé 6h30, je me fais à ce rythme, ça ne me dérange pas.
Hier soir, j’ai passé plus d’une heure à me masser les cuisses (merci François pour les conseils de sportif) et j’ai très bien dormi. Malgré l’altitude (4400m quand même), je me réveil en bonne forme.
On met une petite heure pour faire les derniers km jusqu’au col, puis on entame la descente. Normalement, quand on commence une descente, particulièrement en vélo, on est heureux. Heureux de passer un moment agréable, sans efforts et de pouvoir s’offrir dans la vitesse à toute l’immensité du paysage.
Mais en fait, pas du tout. Parce que la descente de l’Ak’baital est un enfer de tôle ondulée. On doit zigzaguer, avancer au ralenti. Et quand on se retrouve coincé, on se fait secouer comme des pruniers.
On fait un arrêt rapide dans un hameau de une maison pour prendre le thé. C’est la misère noire ici. Nos hôtes sont des Kirghizes, un vieux couple et une jeune fille (qu’est-ce qu’elle fout là ?). On leur achète un peu de pain rassis.
Après la difficulté de la piste de descente du col, on décide de ne pas faire le détour par Karakul. C’est 40 km aller-retour pour aller voir un lac, franchement on s’en fout un peu. À la place, on s’engage directement sur une piste tellement peu fréquentée qu’elle est difficile à suivre (heureusement qu’on a de bonnes cartes).
Cette piste, c’est celle qui va nous mener à la vallée de Bartang : c’est le début de la grande descente. La piste est parfois très difficile : on roule dans du sable ou du gravier non tassé et on pédale dans la semoule voire on se plante.
Mais à côté, certains passages sont géniaux : le terrain est tellement lisse et plat qu’on sort de la piste et on navigue comme des cowboys dans le désert.
D’ailleurs, c’est effectivement un désert. On est dans une grande cuvette de sable et de graviers à 4000m. Il n’y a presque aucune végétation. Notre horizon est bouché par des petites montagnes enneigées.
Et puis on descend dans une autre vallée qui s’ouvre à son tour. Et la, c’est encore plus magnifique. On est à 3700m, il y a un peu d’herbes sèches. La vallée est large de 10km et en face, une chaîne de montagne de 6000m nous montre toute sa glace : c’est joli.
On bivouac là, sur le bord d’une petite rivière. La nuit est très froide, l’eau qui reste hors de la tente gèle un peu. Je retrouve quelques bons reflexes de Bolivie, comme dormir avec avec le bonnet, le buff et les chaussettes (merci Guillaume)
Total distance: 86.91 km
Max elevation: 4623 m
Min elevation: 3695 m
Total climbing: 956 m
Total descent: -1655 m - CCCP #11 : cailloux cailloux cailloux (et cailloux)
Jeudi 8 juin
Réveil difficile vers 6h15. Honnêtement je serais bien resté un peu plus longtemps à somnoler. Notre objectif du jour, si on y arrive, est de descendre jusqu’au premier village de la vallée du Bartang : Goudara (je vous épargne le cyrillique pour les noms)
Départ 7h30. On quitte la large vallée où on a campé pour rejoindre une sorte de vallée sèche (un desert quoi) qui fait la jonction vers une autre vallée. Derrière nous, il y a toujours les montagnes magnifiques en face desquelles on a dormit. Devant nous, un désert plat et minéral entouré de montagnes légèrement plus modestes.
On croise un berger, on voit des geoglyphes (des dessins fait sur le sol avec des cailloux il y a très longtemps pour parler aux extra terrestres). Le coin est agréable à pédaler. Et puis on rejoint un tout petit torrent et on emmanche la nouvelle vallée. Je pourrais vous donner les noms, mais ni vous ni moi ne pourrions les retenir. C’est plus simple avec la trace gps.
Au début, ladite vallée s’enfonce profondément dans un canyon. On reste sur les hautes prairies au dessus du canyon puis la route descend brutalement à la fin du canyon pour rejoindre le fond de la vallée. Le terrain est affreusement raide et la piste déchiquetée serpente dans un talus de 600m de haut presque vertical. La piste pleine de cailloux est parfois pentue à 20% : c’est de la descente sportive.
Dans la descente, on croise un 4×4 qui monte. Le chauffeur parle bien anglais : il monte la famille d’un berger qui va rester là haut quelques mois. La route est si raide qu’ils font une pause dans la pente pour faire refroidir le moteur. La piste est praticable en 4×4, mais il faut sérieusement s’accrocher à son slip.
Le chauffeur parle très bien anglais (c’est assez rare pour être souligné). Selon lui, nous sommes le 3e groupe à emprunter cette route cette année. Les premiers sont passés il y a 2 semaines (des français apparemment) et les seconds il y a un ou deux jours (des italiens d’après nos infos, mais on ne les croisera jamais).
Et puis on se retrouve au fond de la vallée. La vallée est profonde et large et entièrement occupée par le lit de la rivière. La route évolue avec difficulté au bord de ladite rivière, contournant les cônes de déjection des torrents, les éboulements, les pierriers et même une énorme coulée de boue.
Cette vallée doit nous mener à Goudara, mais c’est long. C’est interminable en fait. On passe plus de 4h à galérer dans les gués, les galets, le sable et la poussière avant d’arriver au village.
Goudara est un village plat à la confluence de deux hautes vallées. Les torrents glaciaires qui s’y rejoignent permettent l’irrigation des cultures. Il y a un petit magasin (non indiqué : il faut demander aux locaux pour le trouver). Étonnamment dans ce minuscule village, il y a deux tracteurs.
On fait des courses pour tenir un ou deux jours puis on prend le thé chez un habitant. On insiste un peu pour ne pas dormir chez lui et on part monter la tente à la sortie du village, sur le bord de la rivière.
Total distance: 72.24 km
Max elevation: 3778 m
Min elevation: 2951 m
Total climbing: 1168 m
Total descent: -1887 m - CCCP #12 : ambiance électrique
Vendredi 9 juin
On passe une bonne nuit à la sortie du village de Goudara. Le matin, papa fait un timelaps de la vie du camp.
En partant, on croise le cantonier du coin. Équipé d’une petite pelle, il enlève les cailloux de la piste avec une petite pelle. C’est marrant de voir un petit mec avec une petite pelle sur une grande route aussi défoncée et aussi hostile. Il faut du courage.
Et puis on commence à pédaler. Ici, le paysage est magnifique. La vallée est très profonde étroite. Parfois on se croirait dans un western. On se fait inviter à boire le thé dans un village. Ici, les gens sont vraiment très accueillants et insistent pas mal pour nous inviter à prendre le thé. En général, on applique la règle des 3 fois : quand on nous propose le thé, on refuse trois fois. Et si la personne continue de nous proposer, alors on accepte. C’est les suisses qui nous ont expliqué ça : en fait, les gens sont « obligés » de nous inviter, même si ils n’ont pas envie. Le faot de refuser poliment permet de s’assurer qu’ils veulent effectivement vraiment nous inviter.
Quand on prend le thé, on entre dans la maison et on s’assoit sur une estrade couverte de tapis. L’hôte pose une nappe directement sur le tapis, puis amène du thé dans une théière avec des dorures bien kitch. On a aussi tout le temps droit à du pain, et parfois de la confiture, du beurre, des biscuit, des bonbons ou même du kefir (un style de yaourt, très bon). Suivant le niveau d’anglais de nos interlocuteurs, on essaie de discuter un peu, de prendre des nouvelles de la route ou de comprendre comment est la vie ici. Dans ces cas là c’est quand même mieux d’avoir des bases en russe.
Dans le village, il y a un bulldozer antique. En fait, il remonte toute la piste pour l’entretenir. Il doit continuer après Goudara et aller jusqu’au plateau. D’après notre hôte, il en a encore pour 3 jours pour faire les derniers 70km.
Maintenant qu’on est dans la vallée, il fait chaud, surtout que la météo est au beau fixe. Venant du plateau glacial, c’est agréable. Mais vers midi, la chaleur devient écrasante.
Vers midi, après une côte éprouvante, on passe à côté d’une petite centrale électrique à côté du village de Nissour. Attiré par les infrastructures techniques comme une mouche par une bouse fraiche, je fonce vers la centrale alors que les autres cherchent un coin à l’ombre pour manger. Dans la centrale, je fais la connaissance d’ingénieurs locaux et chinois. Les locaux travaillent à la centrale et les chinois viennent vérifier le matériel et en faire la maintenance. Il ne sont pas là tout le temps. Un des locaux est super sympa, il nous invite dans les locaux et nous offre une énorme assiette de Plof (le plat national, à base de riz et de gras). Le local est climatisé, tout le monde est content de voir des touristes, on mange bien et papa va même faire la sieste dans un vrai lit.
De mon côté, je visite la centrale. Ils sont super cool : je leur pose des questions, je filme et je prends des photos. La centrale est sous un petit barrage et a une puissance max de 454 kW. C’est petit mais ça permet d’alimenter six villages dans les environs. La centrale, comme la plupart des infrastructures locales, est financée par l’Aga Khan foundation. Il semblerait que ce soit une fondation religieuse, tenue par l’Aga Khan, le leader spirituel de la religion Ismaélienne (la branche de l’islam la plus présente dans le coin)
Et puis après une longue pause à la centrale, on continue une dizaine de km pour trouver un chouette bivouac proche de la rivière rouge.
Total distance: 54.23 km
Max elevation: 3075 m
Min elevation: 2400 m
Total climbing: 1952 m
Total descent: -2382 m - CCCP #13 : Bardara, jour de repos
Samedi 10 juin
Comme tout le monde commence à fatiguer, nous avons décidé de faire un jour de repos. En partant de notre bivouac, le but est de faire 30km pour rejoindre Bardara puis d’y passer la journée. Comme il fait très chaud pendant la journée, on change de rythme et on decide de partir très tôt le matin, vers 5h30.
On arrive à Bardara vers 9h30. Bardara, c’est un assez grand village perché à presque 3000m dans une vallée annexe très étroite. Sur la route, on se demande où l’on va et puis d’un coup, le village perdu apparaît, sur le cone de déjection très raide.
Pour entrer dans le village, on passe un pont, puis on grimpe sur le cone de déjection. Au début, c’est très rocailleux, à se demander si l’endroit est si accueillant que ça. Et puis petit à petit apparaît, en amont du cône, une plaine fertile, un véritable paradis.
Dans le village, on ne passe pas inaperçus. Avant COVID, ils avaient pas mal de touristes. Mais depuis 2020, c’est le calme plat. Alors tout le monde est content de nous voir. On est accueillis par Mamadbek, le prof d’anglais du village et un ami à lui, un colosse dont la famille tient un style d’auberge pour les gens de passage.
Selon moi, on voit qu’on est dans un endroit isolé et peu touristique parce que les gens sont extrêmement gentils, souriants et accueillants, parce qu’il ne semble n’y avoir qu’une auberge pour les gens de passage et enfin parce que la tenancière ne veut pas nous donner un prix : c’est à nous de donner ce qu’on veut donner. On paiera 150 somonis (~13€) par personne pour la pension, comme dans la plupart des Homestay.
Pourtant, comme je le disais, le village est important. Il y aurait 130 maisons et plus de 1000 habitants.
Une des particularités de Bardara, ce sont ses Genévriers. Il y en a 3, dont un particulièrement énorme. Ce sont des arbres extrêmement vieux qui seraient parmis les derniers de la région (la plupart auraient été coupé pour leur bois).
Il existe un culte autour de ces arbres. À côté du plus grand, il y a une jolie petite mosquée. Dans l’arbres, dans une des plus grosses branches, on entre-aperçoit une boîte. D’apres Mamadbek, c’est une boîte laissée là par les ancêtres et que l’arbre a presque totalement « ingéré ». Personne ne sait ce qui se trouve dans cette boite. Si on considère que l’arbre et le village ont plusieurs milliers d’années, on peut imaginer que ce magnifique arbre renferme son lot de secrets !
Il existe plein de légendes à propos de ces arbres, en voici une.
Il y a fort longtemps, Nasir e Khosraw est l'homme qui a islamisé la région. Lorsqu'il arriva à Bardara, les habitants prirent peur et fuirent dans les montagnes. Nasir, malin, laissa une hache par terre au cente du village. Si elle avait bougée le lendemain, alors c'est que le village était bien habité.
Et le lendemain, patatra : la hache avait bougée.
Notre bon Nasir ayant découvert les villageois, il planta trois bâtons dans le village.
Si les bâtons devenaient des arbres, alors le village serait vivable et prospère.
Et voilà, aujourd'hui ces trois bâtons sont de très vieux arbres et le village est toujours là.Bon, les contes c’est marrant mais ça fait pas bouillir la marmite. Alors voici un peu plus d’infos sur ce village, et par extension sur la plupart des villages de ces hautes vallées lointaines.
Premièrement, comme la montagne impose son rude climat, la vie suit le rythme des saisons. En été, tout le monde est au champ. Les cultures sont assez variées malgré l’altitude : blé, patates, quelques légumes (oignon, tomates, carottes, chou, herbes aromatiques), arbres fruitiers (abricots, cerises, pommes). La plupart des animaux sont dans des alpages, gardés par des bergers.
En hiver, et bien il n’y a pas grand chose à faire. C’est la saison de l’école (de septembre à mai).
Il y a quand même quelques emplois fixes. Il y a 30 professeurs, 3 médecins, quelques chauffeurs de 4×4, un peu de tourisme en été, un cantonnier, un petit magasin, une centrale électrique, etc. Mais ça ne suffit pas à faire vivre tous les habitants. C’est pourquoi la majorité des hommes ne sont pas là : ils travaillent en Russie, comme chauffeurs, dans le bâtiment ou autre. Et c’est le cas dans tous les villages de la région. Il paraît que c’est très dur pour les Tadjiks de travailler en Russie. Ils sont victimes de racisme, de vol, etc. Ceux qui nous en parlent n’en gardent pas un bon souvenir.
Le matin, il y a beaucoup de monde dehors pour le travaille des champs. L’après-midi, il n’y a pas grand monde, juste quelques hommes avec des pelles qui continuent l’irrigation en plein soleil. Il caut dire que c’est pas très physique l’irrigation, il suffit de regarder et de bouger un peu de terre ou de pierres de temps en temps pour diriger le flux d’eau.
Et le soir par contre, tout le monde sort et se retrouve au centre du village : le terrain de volley. Je ne pensais pas, mais ils sont vraiment forts au volley ! Et puis autour des jeunes qui jouent, les vieux parlent, les enfants se tapent dessus… Bref, c’est vivant.
Enfin, j’ai noté que les femmes travaillent quand même beaucoup. Le matin au champ, puis à la cuisine, la lessive, les enfants, etc. Ça rapporte rien mais quel boulot !
- CCCP #14 : le gué staousse
Dimanche 11 juin
Toujours sur le nouveau rythme de climat chaud, on part très tôt vers 5h30.
Vers 8h, on passe un gué. En marchant pied nu à côté des vélos, ça passe bien. Et puis alors qu’on remet tranquilou nos chaussures de l’autre côté, on voit arriver une troupe à pied. 5, 10, 20 personnes ! Femmes et enfants principalement et quelques hommes. Et en fait on les connait, ce sont des villageois de Bardara !
Peu après arrivent les deux 4×4 (c’est bizarre de voir les gens avant les 4×4, mais bon…). Le chauffeur tate le gué et commence à bouger des pierres. Bon, ben on l’aide. Puis il traverse. Puis les hommes traversent pied nus… Avec les femmes et les enfants sur le dos ! Et c’est ainsi qu’on s’est retrouvé à retraverser le gué plusieurs fois avec un chiard ou une bonne femme sur le dos. C’est folklorique.
À la pause de midi, des hollandais nous doublent en 4×4 et nous passent le bonjour de nos amis anglais.
L’air est épais, brumeux ou poussiéreux, je ne sais pas. Mais je commence à me sentir mal, je suis fatigué, c’est bizarre.
Le soir, on s’arrête dans le village de Baghu. On trouve un Homestay, chez Goulastan, une mamie fort sympathique.
Assez vite, je me blottis dans mon sac de couchage pour une nuit compliquée…
Total distance: 80.23 km
Max elevation: 2727 m
Min elevation: 1975 m
Total climbing: 1521 m
Total descent: -2180 m - CCCP #15 : K.O. technique
12 juin
Dans la petite chambre du homestay, j’ai passé une nuit horrible, secoué par des vagues de fièvres. Coup après coup, je tremble de froid à m’en défaire les dents, puis je m’étale, liquide, écrasé par la chaleur.
Pendant la nuit, Rémi tombe aussi malade. Peut-être la faute aux mûres blanches qu’il a mangé la veille sur un arbre. Il a la gastro.
Alors comme on est malade, on prend la sage décision de rester une nuit de plus ici chez Goulastan.
Le village est chouette est très calme, il n’a pas l’air de s’y passer grand chose. Quelques anciens s’occupent des jardins de et l’irrigation, une famille tue un mouton et les enfants jouent tranquillement. On joue avec Amir et Amina, les petits enfants de la taulière. Je leur apprend la bataille aux carte. Il sont rigolos et gentils, on leur offre une plaque de chocolat (on a prit plein de Ritter Sport pour offrir).
Avec Rémi, on est franchement pas frais. On ne fait pas grand chose. Papa en revanche s’emmerde, et il a du mal à ne rien faire. Je le vois essayer de jouer au solitaire ou de faire un château de cartes, c’est rare et un peu marrant. L’après-midi il va se promener le long du torrent.
La nourriture est excellente, et contrairement à Rémi, je peux manger ce que je veux sans avoir peur d’un aller-retour express. J’en profite.
Le soir, je fais de nouveaux une poussée de fièvre. On s’endort.
- CCCP #16 : c’est flou
Mardi 13 juin
La nuit ne s’est pas trop mal passée, si ce n’est des douleurs dans les articulations qui m’empêchent de tenir une position. Rémi n’est pas au toptop non plus.
Le matin, je fais encore une poussée de fièvre. Alors on attend. Étant dans l’incertitude, on ouvre un dossier auprès de l’assurance. Ça couvrira au moins les frais de consultation.
Le but actuellement est de rejoindre Rushon. Rushon, c’est la « ville ». C’est la fin du Pamir, la fin des hautes montagnes. Et le début du retour à la civilisation.
Nous sommes à seulement 18km de Rushon et là on pourrait trouver un médecin. Pour y aller, soit je pédale, soit on me met dans une voiture.
Vers 9h ça va mieux, je sens que je peux pédaler, ça va le faire. M’enfin c’est peut-être l’ibuprofène de ce matin, mais je plane complètement (j’ai les synapses sensibles, ne vous moquez pas). Sans déconner, je dois vraiment me concentrer pour tenir sur le vélo.
Mais c’est ainsi, avec Rémi qui a la nausée et qui a bien dormit comme un chat dans une machine à laver, que nous faisons les 20km.
À Rushon on va voir le médecin. C’est une blague, le mec ne sert à rien. Il prend ma température et ma tension, ne voit rien d’anormal. Puis une collègue à lui vient. Pareil, elle n’a rien à dire. Voilà merci au revoir. La consultation est gratuite, c’est quand même cool.
Sinon la ville est sympa. C’est très vivant, les gens sont sympas. On mange un morceau et on va chercher un taxi.
On veut se rendre à Qalai Khumb (aussi appelée Darvoz) en 4×4. En effet, c’est la zone de travaux que nous avions traversé en arrivant. Le chantier, c’est 100km de poussière, de piste défoncée et d’engins de chantiers. Sans compter les zones de minages qui peuvent être fermées jusqu’à 18h30. C’est pas sexy, et puis on est un peu courts sur le temps, alors on coupe.
On trouve vite et on négocie le trajet Rushon-Qalai Khumb pour 3 à 1000s (85€). Le chargement étant folklorique, quelques passants s’arrêtent pour regarder. On met les 3 vélos sur le toit d’un land cruiser. Il faut être très vigilant à ce qu’aucune pièce sensible ne casse pendant le trajet : c’est la spécialité de Patrice.
Et puis on part pour faire 184km à 8 dans le Land cruiser. On met 8h. Sisi, on met bien 8h. La piste affreuse. En plus, Patoche est d’humeur massacrante. Il insulte copieusement le chauffeur à plusieurs reprises. Rémi ouvre grand la fenêtre et se concentre sur la route pour ne pas gerber. Moi, je ferme la fenêtre et je m’habille au maximum parce que j’ai froid.
Dans la voiture, on a deux militaires. C’est bien pratique pour se faire ouvrir la route. Sauf quand on arrive à une zone de minage où on doit attendre 2h.
En arrivant à Qalai Khumb, on est lessivé. On trouve un bon Homestay (chez Sabir). Pendant que les autres vont au resto, je fais une énième poussée de fièvre et je m’endors.
Total distance: 191.76 km
Max elevation: 2061 m
Min elevation: 1215 m
Total climbing: 2998 m
Total descent: -3802 m - CCCP #17 : monter.
Mercredi 14 juin
Le matin, il pleut alors on attend un peu pour partir. De mon côté ca va un peu mieux, mais je suis toujours fatigué et j’ai un mal de crâne terrible. Je suis accro au Doliprane.
On part vers 10h. L’objectif est d’emprunter la route du nord, qui nous mènera de Qalai Khumb à Douchambé. La route a l’air sympa mais elle commence par un grand col, 2000m d+.
La journée devient vite difficile. Dans la monté, avec Rémi, on galère, on est épuisés. On s’arrête quelques km avant le sommet, on campe sur le bord de la route.
Du fait que je me sens mal, je ne fais pas grand chose pour la vie du camps, je suis un peu le boulet du groupe.
Le paysage est très différent du haut Pamir dans lequel on a passé les deux dernières semaines. Les montagnes sont un peu moins hautes, mais surtout plus vertes et avec de grands névés qui subsistent. C’est tellement beau qu’on dirait un peu les alpes 😛
Total distance: 28.49 km
Max elevation: 2942 m
Min elevation: 1231 m
Total climbing: 2070 m
Total descent: -471 m - CCCP #18 : gastrique, mécanique, juridique
Jeudi 15 juin
Il y a des matin où l’on ne soupçonne pas ou finira la journée.
Pendant la nuit, on a bien pris la flotte. Un orage n’est pas passé loin. J’ai du me lever pour replanter les piquets de la tente et Rémi a été bien malade.
Le matin, on finit l’ascension du col et on passe de l’autre côté. Il y a quelques bergers qui habitent ici, dans des tentes ou de petites maisons : ça a l’air d’être la misère profonde.
Et puis c’est la descente. C’est super et la piste n’est pas trop pourrie. En descendant, on passe d’un climat alpin à un climat plus chaud, style méditerranéen avec les cigalles et tout (enfin il ne faut pas généraliser, il fait quand même très froid en hiver ici).
Je vais beaucoup mieux, je me sens revivre après ces trois jours au fond du trou. Par contre Rémi galère. Il ne se plaint jamais (contrairement à moi), mais bon ça se voit que ça ne va pas fort.
Sur la route, la pluie de la nuit nous a laissé des surprises : de grandes coulées de boue rouges, liquides et visqueuses comme du miel. Du genre où tu avances, tu te plantes, tu poses un pied et quand tu lèves le pied la godasse reste engluée.
Un tadjik avec un âne m’aide à sortir. C’est super sympa ! D’ailleurs un autre (encore à dos d’âne) nous invite à aller pêcher avec lui et ses amis. J’y serais bien allé, mais les autres ne sont pas chauds.
Il fait chaud, mais on est bien, loin du haut Pamir si inhospitalier. Quand il fait trop chaud, on fait une sieste à l’ombre et on repart.
Patrice a des problèmes mécaniques : il déraille tout le temps. On galère un peu, ça l’énerve (original) et puis on finit par constater que son petit plateau est totalement hors service, peut-être à cause d’une dente cassée, peut être aussi qu’il est trop usé. Dommage, ça va pas être facile dans les cotes !
Avec toutes ces pauses, on n’avance pas des masses. On arrive dans la petite ville de Tavildara vers 16h. On décide d’y passer la nuit dans un hôtel pour que Rémi puisse se reposer et mieux repartir demain.
Tavildara, c’est étonnant. C’est une ville, avec des routes, des feux de signalisation, des magasins, etc. Mais c’est minuscule et très calme, comme n’importe quel village vu jusque là.
Le soir, on décide d’aller manger au resto. Sauf que en fait : ya pas de resto. Alors on tourne un peu. On goûte le pire hot-dog du monde (sans déconner, la saucisse est limite encore congelée) et puis on prend une bière dans le bar du village (une cave remplie d’alcool).
Et puis on rentre bredouilles à l’hôtel. Mais à l’hôtel, il font à bouffer, youpi !
Mieux : dans la salle à manger, il n’y a aussi un gars qui parle anglais. Il est procureur ici et il habite dans l’hôtel avec toute l’équipe juridique de la ville. Mieux : ils nous invitent à manger avec eux !
C’est comme ça qu’on se retrouve dans une salle à manger privée, avec une table débordante de bouffe et 5 procureurs qui prennent leur repas du soir. L’ambiance est étonnante : c’est vraiment l’orgie de bouffe. Il y a des tonnes de fruits et on nous apporte plusieurs plats chacuns, ce qui n’est jamais le cas dans les restaurants classiques. En fait, on a vraiment l’impression d’être avec une classe sociale supérieure, qui est mieux traitée que la norme.
Chez les procureurs, il y a un patriarche, deux trentenaires et deux jeunes (notre interlocuteur est l’un d’eux). Le chef est très respecté ; tout le monde se lève quand il entre dans la pièce. Néanmoins, ils savent rire et on passe un excellente soirée avec eux.
A la fin du repas, l'ancien prend une chique, ce qui réduit nettement sa capacité à articuler correctement. Amusé, le Papou l'imite en parlant de manière incompréhensible. Nos amis procureurs sont écrasés de rire.
Total distance: 51.83 km
Max elevation: 3229 m
Min elevation: 1549 m
Total climbing: 1005 m
Total descent: -2230 m - CCCP #19 : mariage et calor
16 juin
Toujours sur le rythme de pays chaud, on essaie de partir tôt le matin. Mais ça traine un peu, ce qui a le don d’énerver tu-sais-qui. Alors on part de manière un peu précipitée, sans trop respecter la tenancière de l’hôtel, je suis pas fan…
Aujourd’hui on doit rejoindre la route principale qui mène à Douchambé. Mais en attendant, on est sur la piste. Encore de la piste. Les alentours sont sympas, c’est un peu cultivé, un peu habité, un peu vallonné, mais ya pas grand choses.
Vers 12h, avant de rejoindre la ville, papa va demander de l’eau à une maison. On se fait inviter : ils fêtent un mariage aujourd’hui !
On se retrouve assis autour d’un petit banquet (par terre, comme d’habitude) à l’entrée de la maison. Il doit y en avoir d’autres dans la maison, mais on ne voit pas tout. La nourriture est excellente ! Il y a des pains fourrés à la viande, des soupes, des gâteaux, des fruits, etc.
Au bout d’un moment, un groupe de femme arrive. L’une d’elle parle un peu français ! Alors on discute un peu, comme on peut. Elle est jolie ne s’adresse qu’à moi, ce qui me vaut les railleries du lourdeau du groupe (mon père, si t’avais pas compris). Dans ces moments là, ça me manque terriblement de voyager seul…
Elle habite à Douchambé, elle adore la France et l’Italie et j’ai pas trop compris pourquoi elle était à ce mariage. Bien sûr, comme la plupart des noms tadjiks, j’ai oublié son nom 2s après l’avoir entendu.
Au moment de partir, on échange nos numéros. Enfin non, je compose mon num sur son portable. Au même moment, Patrice fait un regard qui fait hurler de rire tout la salle. Sous la pression du moment, je n’ai pas la présence d’esprit d’ajouter le contact sur son portable. Le numéro est facilement perdu si elle verrouille le portable ou si elle revient à l’ecran d’accueil. C’est totalement con ! (Mais bon, je ne réalise pas sur le moment).
Et puis on repart, et on rejoint la route. L’asphalte, quelle invention fantastique. On y roule si bien et si vite qu’on a l’impression de faire de la mobilette. Sauf qu’il fait une chaleur extrême, j’ai chaud, j’ai chaud, j’ai chaud.
Quand on s’arrête vers 17h30 pour le bivouac, j’ai pris un coup de chaud, je suis totalement k.o.
- CCCP #20 : Douchambé Express
Samedi 17 juin
Le village où nous avons campés s’appelle Hakimi. C’est un village perché sur le bord d’une vallée peu profonde. La plupart des gens nous ignorent ou nous regardent comme des bêtes curieuses, sans pour autant nous montrer la moindre hostilité, bien au contraire. Les enfants sont très curieux et nous observent de loin. Des fois on leur fait des grimaces, ce qui les amusent beaucoup.
Le matin, la route est terrible. Elle monte et elle descend de façon très raide. Papa fait une bonne chute et se fait mal à un doigt. On évolue dans la poussière et il y a pas mal de camions. En fait, il semblerait qu’il y ait un énorme chantier de barrage dans le coin. Et effectivement, on voit de l’autre côté que la montagne est transformée en carrière géante.
Et puis vers 10h, on s’arrête dans un petit resto sur le bord de la route. Il y en a plein ici, on sent qu’on est enfin sur un grand axe. Je prend du poisson frit, quel délice ! Ça change des œufs au plat qu’on a à chaque petit dej !
Et on attaque la grande montée d’Obigarm. À partir de là, c’est une monté plus souple et la route est asphaltée de nouveau. Comme mon corps semble avoir du mal à réguler sa température tout seul, j’opte pour une nouvelle technique : tremper mon maillot dès que je vois de l’eau. Ça marche très bien !
On avance très bien. Vers 12h, quand la température est insoutenable, on fait une pause dans un bouiboui. On mange et on dort jusqu’à 16h.
Et puis on continue, on arrive à Douchambé vers 17h30, on a été très rapide. On passe la nuit au GreenHouse Hostel, le lieu de rdv de tous les voyageurs à Douchambé.
Total distance: 123.42 km
Max elevation: 1749 m
Min elevation: 757 m
Total climbing: 3050 m
Total descent: -3376 m - CCCP #21 : adieu Tadjikistan
Dimanche 18 juin
On passe la journée à Douchambé. Patrice doit amener son vélo dans un magasin pour effectuer les réparations. Au final, il changera la chaine, le pédalier et la roue libre. Rémi l’accompagne et change aussi sa chaîne. Et moi, je passe le plus long de la journée à écrire des articles.
On se promène aussi, on mange en ville et on prend des glaces, on visite des petits bazars. J’ai même le temps d’aller au bar et chez le coiffeur. Mais la ville va au ralenti pendant la journée : la chaleur est écrasante.
Le soir, on retrouve le couple suisse et un couple français que l’on a pas croisé mais qui nous suivait de près dans la Bartang. On mange ensemble et on échange sur nos voyages, c’est pas mal.
Lundi 19 juin
On se lève vers 6h. Le but aujourd’hui est de rejoindre une gare routière à 12km au nord de l’hôtel et d’y trouver un taxi pour la frontière Ouzbèke. En effet, c’est le soucis : comme la frontière est fermée entre le Tadjikistan et le Kirghizistan, nous devons passer par l’Ouzbékistan. Mais les taxis ne passent pas la frontière (franchement, je saurais pas dire pourquoi). On doit donc faire la route en minimum 2 fois.
Le matin, je ne me sens pas très bien. Papa me fait bien remarquer que j’aurai mieux fait de me reposer hier au lieux de faire le bamboué en ville. Je suis pas d’accord.
Après une bonne demi-heure de vélo, on arrive à la gare routière. Là, une nuée de chauffeurs bruyants et tactiles nous entourent. Comment savoir lequel sera le bon ? Et puis un mec nous parle en anglais. Il n’est pas chauffeur mais est avec son chauffeur, qui est aussi son voisin. La voiture est une Opel avec une bonne galerie sur le toit, idéale pour les vélos. Bon ben nickel, on va avec eux.
Dans la voiture, il y a nous trois, le chauffeur et le mec qui parle anglais. Lui va à Tashkent pour prendre un avion vers l’Écosse. Il part 6 mois pour y faire des travaux agricoles puis rentre pour continuer ses études.
La route est assez acrobatique. On passe des cols assez haut et surtout des tunnels vraiment hostiles. Même carrément dangereux. Ils font environ 5km, sans lumière ni aération. Dans le premier, à la sortie du tunnel, l’air est si enfumé qu’on ne voit la sortie que 20m avant de l’atteindre. Et en se retournant, on voit une fumée noire qui s’échappe dudit tunnel. À l’intérieur, aucun entretien : il y a de l’eau, de la poussière et des nids de poules. En sortant, notre ami anglophone remercie dieu.
Et puis on continue jusqu’à la plaine. Là, la chaleur est écrasante. Il n’y a que des cultures. Des vergers, des champs.
Pendant ce temps-là, je somnole, je ne suis pas en forme et surtout j’ai super mal à la tête. Vers 18h, on arrive à la frontière. Je transpire comme un veau à cause de la fièvre. Heureusement, les douaniers s’en foutent. Nos passeports sont contrôlés 4 fois, ils fouillent vite fait nos sacoches, et puis c’est bon, on peut passer.
On s’arrête juste de l’autre côté de la frontière pour passer la nuit dans une clinique qui loue des chambres aux gens de passage.
Travelers' Map is loading...
If you see this after your page is loaded completely, leafletJS files are missing. - CCCP 22 : Bonjour Kirghizistan
Mardi 20 juin
Je passe une nuit difficile, secoué par la fièvre. Au petit matin, on se met d’accord avec Patrice et Rémi : ils continuent de leur côté et je les rejoins d’au Kirghizistan dans deux jours, après m’être reposé.
Je passe la journée à somnoler dans la clinique.
Le soir, alors que je sors pour aller me restaurer, je croise le couple de français avec qui on a mangé à Douchambé. Ils viennent de passer la frontière et viennent également passer la nuit dans la clinique. En fait, c’est Rémi qui leur a dit que j’étais resté là pour la journée.
Je vais mieux, je m’endors tôt mais serein.
Au même moment, Rémi et papa ont passé la frontière et passent la nuit à Osch.
Mercredi 21 juin
Comme j’ai passé la veille à roupiller, je suis en forme. Je décide donc de faire le même itinéraire que Rémi et papa : faire 60km à vélo jusqu’à la gare routière de Kokand puis prendre une voiture jusqu’à la frontière Kirghize.
Je pars un peu avant 5h, je n’arrivais plus à dormir. On pourrait croire que c’est très tôt, mais il y a déjà beaucoup de monde dehors. Pas étonnant vu les chaleurs atteintes pendant la journée.
La route est sympa, c’est l’occasion de voir un peu l’Ouzbékistan. Vers 8h, les français me double, ils sont montés en stop dans un camion !
Je m’arrête sur le bord de la route pour manger un samsa, un pain fourré aux oignons et à la viande.
À Kokand, je trouve assez facilement un véhicule pour la frontière. Le but n’est pas d’aller à Osh (qui est la douane la plus importante) mais plutôt à une autre douane, plus proche de Jalal-Abad, où je dois rejoindre les autre. Je négocie assez sec pour avoir un prix qui me convienne, et puis c’est parti. Ici, c’est pas comme au Tadjikistan : on ne met pas le vélo sur le toit, mais dans le coffre, ce qui prend une place folle. Du coup, je suis seul dans la voiture avec le chauffeur pour 4 heures de route.
Mon chauffeur Ouzbèke s’appelle Micha. Il est très sympa. On s’arrête sur le bord de la route pour manger de la pastèque, et puis on rigole un peu, quand on se comprend. De temps en temps, il s’arrête faire le plein de gaz : ici la plupart des voitures fonctionnent au gpl. Il y a des stations gpl partout.
Micha est sympa, mais il est aussi un peu con. En fait, il ne sait pas où est la frontière que je demande. Je ne peux pas trop l’aider parce que je n’ai pas de carte de l’Ouzbékistan et que je n’ai pas internet. Alors il demande aux gens. Mais bon, les gens, il ne savent pas trop non plus alors ils disent des choses contradictoires. Du coup, je me retrouve à la frontière de Osch, ce qui me fait quand même un bon détour. En plus de ça, Micha se rend compte qu’il a fait plus de kilomètres qu’il pensait et me demande plus d’argent. Gros, tu négocie un prix sans savoir où tu vas, faut vraiment être con ! Il me reste l’équivalent de 5€ en monnaie locale qui ne me servira plus, je les lui laisse.
Il est seulement 12h30 quand je passe la frontière ! (Et oui, cet article est long)
Ça y est, je suis au Kirghizistan.
De l’autre côté, en galèrant un peu, j’arrive à retirer de l’argent et à choper une carte sim.
Je ne m’attarde pas à Osch, mais je lit un peu la page wikipédia. C’est une ville qui marquait plus ou moins le milieu de la route de la soie et qui a vu des affrontements meurtriers entre les ethnies Kirghizes et Ouzbèques depuis l’indépendance.
Après un repas gargantuesque, je choppe un véhicule pour Jalal-Abad. Même scénario : on baisse les sièges et on fout le vélo dans le coffre.
Mon chauffeur kirghize est marrant. Malgré la faiblesse de ma maîtrise du russe, je passe un bon moment à discuter avec lui.
Il me fait goûter un Kurut. C’est un style de fromage qui est en fait une boule de lait caillé séchée au soleil. C’est sec, salé, acide et horriblement dur. En fait c’est pas bon et ça fout des aphtes, je comprends pas comment ils peuvent manger ça.
Je rejoins papa et Rémi à Jalal-Abad vers 18h. Eux on fait la route depuis Osch en vélo ce matin. La route était sympa mais ils n’aiment pas trop la façon de conduire des Kirghizes.
Total distance: 339.32 km
Max elevation: 1085 m
Min elevation: 335 m
Total climbing: 3481 m
Total descent: -3147 m - CCCP #23 : l’aventure solo
Jeudi 22 juin
Hier soir, on est arrivé au même point que l’avant veille : je ne me sens pas de suivre Rémi et papa.
Ils partent tôt, je les entends à peine. Je suis fatigué, alors je profite un peu du bon lit de notre hôtel.
On va pas se mentir, c’est pas la grosse forme. Mais je me dis que je tiens encore le coup, alors je vais continuer le vélo et suivre le même itinéraire que les autres.
La première étape est de passer un col assez vénère pour rejoindre la petite ville de Kazarman. Ça va prendre quelques jours, alors je fais des provisions et je pars vers 14h.
J’arrive à faire 50km dans l’après midi. Il fait chaud mais c’est gérable, on sent qu’on s’approche des montagnes.
Je m’arrête proche d’une rivière pour la nuit. Mon tapis de sol est percé (et j’ai rien pris pour le réparer, évidemment). Mais finalement ca ne me gène pas tellement.
Ce qui me gène, c’est encore mon genou droit. En fait, il y a quelques jours, Rémi m’a fait remarquer que ma selle était trop basse (selon ses standards). Du coup, je l’ai monté. Sauf que voilà : comme ca fait plusieurs semaines que je pédale, mon corps s’est « fait » au vélo. Monter sa selle de 5cm d’un coup, c’est beaucoup trop brutal et ça m’a fait un genre d’inflammation au genou. Voici l’apprentissage du jour : quand on change le réglage d’une selle, il faut aller par pas de 0,5cm à la fois. Merci François !
Bon, du coup j’ai rebaissé ma selle, mais maintenant j’ai mal au genoux. En fait j’ai même tellement mal que ca m’empêche de bien dormir. J’espère que ça va vite passer.
Total distance: 47.68 km
Max elevation: 1289 m
Min elevation: 711 m
Total climbing: 1223 m
Total descent: -785 mVendredi 23 juin
Je pars vers 7h. Les premières heures vont bien et puis de nouveau, la fatigue et les maux de têtes arrivent. Je prend un Doliprane et j’essaie de dormir à l’ombre d’un arbre, mais ça ne passe pas.
Mais d’un autre côté, je n’ai plus mal au genou ! C’est un perdu pour un gagné.
Je suis en train de remonter la jolie petite vallée qui mène au col. La piste est bonne et la montée n’est pas trop raide pour l’instant. Sur la route, je double des troupeaux de moutons qui montent en alpage. L’ambiance y est bien différente du Tadjikistan avec ses vieux bergers à pied. Ici, ce sont des cavaliers qui hurlent et qui jouent du fouet pour guider des troupeaux assez balèzes. Quand je traverse les troupeaux sur la petite piste, j’ai l’impression de foutre le bordel, les moutons courent dans tous les sens en soulevant de la poussière. Mais bon, les bergers ne m’engueulent pas donc ça doit être normal.
Vers 13h, je m’arrête à un camp d’apiculteurs pour leur acheter du miel. Ils n’ont pas de miel, la récolte est en juillet/août. Par contre, les gars sont super sympas et me montrent les ruches puis m’invitent à manger avec eux ! Ça tombe bien, j’ai pas grand chose à manger dans mes sacoches.
D’après la carte, je suis proche de la montée finale du col (=1000m de deniv d’un coup). Alors vu l’heure et ma fatigue du matin je décide de rester tranquille avec les apiculteurs et de me faire le col demain matin.
Le chef des apiculteurs s’appelle Roman. Il a 400 ruches ici, qui peuvent produire chacune 50kg de miel d’après lui. Sacré production ! Il veut mon WhatsApp pour envoyer un container en France ahah.
Dans l’équipe, ils sont 5. Il y a Slavic qui reste là tout l’été pour s’occuper des ruches, et les autres sont là seulement quelques jours de temps en temps pour les travaux importants. Ce sont Roman et ses potes d’enfance, donc l’ambiance est bien sûr au travail mais aussi largement à la galéjade. En ce moment, ils montent les rehausses parce que les colonies prospèrent bien.
Heureusement, Rémi m’avait expliqué quelques bases d’apiculture donc j’ai pu comprendre a peu près ce qui se passait. Dans une ruche, il y a des rayons. Dans les rayons, il y a parfois du miel et parfois des larves. Ici, ils prennent des larves des colonies trop prospères pour les mettre dans des colonies moins prospères. Aussi, ils ajoutent de nouveaux rayons vierges dans les colonies qui ont besoin de plus de place. Comme ça, ça a l’air simple, mais il faut vraiment le coup d’œil pour voir comment va la colonie et décider ce qu’il faut faire.
Roman me montre les reines. Il les achète en Allemagne, je trouve ça étonnant. Il me fait goûter le miel aussi : il suffit d’enfoncer son doigt dans les rayons et pouf, il ressort plein de délicieuse bave sucrée d’insecte. Il y a aussi les bébé abeilles qui sortent des alvéoles, trop meugnon !
Vers 18h, je monte la tente à côté de leur campement. De nouveau écrasé par la fièvre, je m’endors rapidement.
Total distance: 30.83 km
Max elevation: 1819 m
Min elevation: 1310 m
Total climbing: 1132 m
Total descent: -632 m - CCCP #24 : le vélo, c’est fini pour moi
Samedi 24 juin
Étonnamment j’ai l’impression d’avoir bien dormi malgré la fièvre et la transpiration abondante qui a trempé mon sac à viande.
Franchement, mon état de santé m’inquiète un peu et j’hésite à faire demi-tour. Mais faire demi-tour tour, c’est la défaite ultime, c’est comme faire caca sur une pièce montée, c’est pas possible. Et puis ce col, je le sens bien ce matin, je pense que ça passe.
Je pars vers 6h et je laisse quelques billets à mes amis apiculteurs pour les remercier.
Je passe encore des troupeaux en foutant le bordel, et puis je monte pendant bien 4h. Et puis c’est le col, presque 3000m. Il y a un vent de fou, ça caille à mort. Il y a encore des cowboys avec leur troupeau et en regardant plus haut, je vois des petites maisons de berger. Sans blague, il faut être fou pour habiter ici, ne serais-ce que 3 mois par an.
Alors je prends vite le chemin de la descente. La piste n’est pas trop mal, les montagnes sont comme d’immenses collines vertes veinées de neige. Il n’y a pas de falaise ni de roche apparente, malgré les pentes vraiment fortes.
En descendant, il fait moins froid. Comme j’ai faim et que je n’ai plus de bouffe, je m’arrête dans un campement pour quémander l’hospitalité. Contrairement au Tadjikistan, les gens ne nous invitent pas spontanément ici. Mais si on demande, on est accueillis. On m’offre du pain, de la crème, du beurre et du miel. À boire, on m’offre du thé et du kemis : le fameux lait de jument fermenté. Le kemis, ça passe à petite dose mais le gamin qui s’occupe de moi m’en met un énorme bol. C’est acide et un peu amer et il y a des trucs qui flottent dedans. Je prends quelques gorgées par politesse mais je peux pas plus, sous peine de régurgitations non volontaires.
Je laisse un petit billet sous l’assiette en partant.
Le campement où j’ai mangé est constitué d’une yourte et d’un abri adjacent qui sert de cuisine et de garde-manger. Sur d’autres camps, il y a aussi parfois une remorque aménagée. C’est quand même très minimaliste et le matin, ça doit piquer un peu quand il prennent le ptit dej.
Et puis la route continue. Les douleurs aux articulations et les maux de têtes reviennent, mais je force un peu pour arriver à Kazarman.
Là, je vais dans la même guesthouse que papa et Rémi la veille. La patronne est un peu maniaque du ménage. Sa baraque est tellement propre qu’on se croirait chez les OuinOuins, ça dénote pas mal avec les camps d’éleveurs croisés sur la route.
Le soir en allant manger, je vois qu’il y a un concert de musiques traditionnelles dans la salle de spectacle de la ville. Super, je m’invite !
La scène reprend l’organisation de la yourte, avec les femmes à droite et les hommes à gauche, tout le monde étant assis et en costume traditionnel. Chacun leur tour, certains musiciens se lèvent pour une prestation puis ils retournent s’asseoir. Entre chaque prestation, ils parlent. Je sais pas ce qu’ils disent mais la salle bondée à l’air de bien se marrer. Des fois, il y a même des genres de joutes verbales entre des femmes et des hommes. Niveau musique, ils jouent un style de petit luth, de l’accordéon et quelques percussions basiques. Et ils chantent beaucoup, bien sûr. Ça pourrait être génial, mais le son est à chier, je reste quand même une bonne heure.
Je ne me sens pas de continuer à vélo, j’ai besoin de repos. Je demande à la tenancière de me commander un véhicule pour Bichkek pour le lendemain matin.
Je m’endors très tôt.
Total distance: 78.09 km
Max elevation: 2946 m
Min elevation: 1217 m
Total climbing: 2029 m
Total descent: -2651 mDimanche 25 juin
J’ai super bien dormi. Je lis la page Wikipédia du Kirghizistan en attendant le taxi. J’adore Wikipédia.
Le chauffeur est un connard. Il arrive en retard, il n’a pas une voiture adaptée pour trimballer un vélo, il va faire ses courses avant de partir et il veut prendre d’autres gens alors qu’il me fait déjà payer cher le trajet (60€ pour 400km, tout est relatif). Mais ce qui me fait le plus chier, c’est que je regrette à mort d’avoir pris un taxi ! Putain c’est super chiant les taxi, pourquoi je suis pas en train de faire du stop là maintenant ? Je m’engueule un peu avec le chauffeur et puis on part.
Vers midi, j’ai de nouveau mal à la tête. Finalement, j’ai peut être bien fait de prendre un taxi…
Les paysages du Kirghizistan sont vraiment étonnants. Ils y a des montagnes de toutes les couleurs, des steppes en altitude, des lacs au milieu de nulle part et presque toujours des montagnes enneigées à l’horizon.
J’arrive à Bichkek vers 16h et je vais au apple hostel. C’est une auberge de jeunesse un peu courue, je me dis que je pourrais au moins y faire quelques bonnes rencontres.
Le soir même, je découvre des gens dont je ne soupçonnais pas l’existence. Dans la vie, ils ont un but : aller dans un maximum de pays. Et ils comptent vraiment ! Le meilleur a actuellement 58 pays. Ils ne cherchent pas à découvrir une autre culture ou à passer du temps et être dépaysés. Non non, ils passent quelques jours dans le pays, tout au plus 2 semaines et font les trucs touristiques de base. Et il faut faire augmenter le compteur. Et ils sont là, 5 glandus fiers comme des coqs, à donner leur avis sur des pays qu’ils ne connaissent pas. Franchement ils sont sympas, mais pour moi cette passion n’a aucun sens, je ne comprends pas. Finalement, c’est peut être une sorte de collectionite, comme les collectionneurs de timbre ou de dés à coudre.
Total distance: 372.36 km
Max elevation: 2616 m
Min elevation: 616 m
Total climbing: 3232 m
Total descent: -3825 m - CCCP #25 : Bichkek à petits pasTravelers' Map is loading...
If you see this after your page is loaded completely, leafletJS files are missing.Lundi 26 juin
Cette auberge de jeunesse est sympa mais un peu bordélique. Il y a beaucoup de russes et je sais pas ce qu’ils foutent, mais ils bougent et ils ronflent pas mal pendant la nuit.
Au réveil, j’ai de la fièvre de nouveau. J’ai vu mieux comme façon de commencer la journée.
Je somnole, j’écris, je le promène dans le coin, la journée passe vite.
Et puis je discute avec des gens qui passent. C’est vraiment agréable, je vois différentes façon de voir le monde.
Il y a un couple suisse qui voyage depuis 3 ans, ils aiment ça et n’ont pas l’intention de rentrer pour l’instant. Ils sont surtout à pied et en stop. Ils sont calmes, à l’aise et très gentils. Ils ont l’air très fusionnels, sans en faire des tonnes, comme si c’était une seule personne dans deux corps.
Il y a aussi un indien. Il a mon âge mais on dirait un trentenaire. Il est sympa, mais je le trouve assez superficiel. Il voyage parce qu’il s’ennuie chez lui et parce qu’il peut se permettre de travailler en voyageant.
Et puis il y a John l’americain. John arrive du Pakistan où il a passé 6 mois, dont 2 mois à se faire interroger par les services secrets. Il a apprit les langues locales et a passé beaucoup de temps à barouder et à trouver des contacts pour pouvoir faire visiter le pays à ses concitoyens. En fait, John est convaincu que le tourisme rend le monde meilleurs en permettant des échanges culturels entre les gens et en étant un business durable pour les locaux. Du coup, ce n’est pas un simple touriste : il a apprit les langues locales et essaie de trouver des contacts fiables sur place pour les partager avec des journalistes (en tant que fixeur) ou à des touristes (en tant qu’organisateur de tours). Il est également interprète.
Le gars va très loin dans ce qu’il fait, il travaille énormément et prend des risques importants, franchement chapeau l’artiste. La prochaine destination, c’est l’Afghanistan.
Mardi 27 juin
Je me sens de mieux en mieux. Ce matin, direction le musée d’histoire au centre de la ville. Le musée est bien foutu et traduit en anglais. Toutefois, il est assez orienté à la gloire du peuple Kirghize et du communisme, ce qui est un peu chiant à la longue.
Et puis Rémi et papa m’apprennent qu’ils arriveront ce soir à Bichkek, avec un jour d’avance, à cause du mauvais temps dans les montagnes.
Je vais au bazar acheter deux trois bricoles. Le bazar est vraiment grand, on y trouve tout, ça fourmille. J’aime vraiment beaucoup cette ambiance de marché géant, tous les sens sont stimulés et ça me rappelle de beaux souvenirs du petit bazar de Port-Louis.
Je change d’auberge de jeunesse pour les retrouver dans celle que Patrice é reservé. Le soir on mange ensemble, on a plein de choses à se raconter.
- CCCP #26 : la version P+R
Article sortant de la chronologie du blog pour retracer dans les grandes ligne le voyage de Patrice et Rémi du 20 au 27 juin.
Séparation
Le 20.06 on laisse Leo à la petite clinique à la frontière Tadjiko-Ouzbeck, cf. article # 22.
Pas grand chose à ajouter à l’article de Léo. La route est bordée d’abricotiers, la récolte bât son plein, les fruits sont délicieux.
La douane Ouzbeko-Kirgizhe est surprenament vivante, avec un bazar de part et d autre de la frontière. Le passage n’en est pas moins laborieux, on regrette l’espace Schengen.
Après une nuit à Osh nous expedions les 125 km d’asphalte jusqu’a Djalalabad. Léo nous y rejoints dans la soirée, il va mieux.Dit worse
La nuit passe, en fait le Léo ne va pas beaucoup mieux. A l’aube il décide de rester, on n’insiste pas, les jours à venir s’annoncent bien physiques. On le laisse se reposer et on met les bouts. Léo résume bien la route dans son article #23.
Nous avalons la route plus rapidement que Léo. L’absence de propagande nous marque.
Le 23.06 après 1,5 jours sur la route nous arrivons à Kazerman. Nous avons fait 166km et 3300m D+ de piste. Nous dégotons un logement, ce qui n’est pas facile – merci internet.Col of duty
Nous quittons Kazerman le 24 juin à la fraîche. Rapidement l’enrobé disparaît, la journée promet d’être longue. Les montées descentes s’enchaînent dans la poussière et la chaleur. Dans l’après-midi nous atteignons la dernière montée du col de Kara-Koo à 2700m d ‘altitude. La route se faufile entre les roches rouges des montagnes, magnifique ! Nos gourdes se vident, aucun point d’eau en perspective. Par chance une voiture belge nous dépasse et nous ravitaille. Après un échange convivial la route reprend. Après deux virages je casse ma chaîne (changée à Douchambé). Le maillon rapide installé, je me rend compte avoir fait une erreur dans la course de la chaîne.
Bilan :
1. Possibilité de n’utiliser que la moitié des vitesses
2. Plus de maillon rapide de rechange il faut que ça tienne
3. J’enrage, j’avais une bonne chaîne Allemande un peu fatiguée, j’ai maintenant une chaîne Chinoise démontée…
L’ascension se termine en début de soirée. La vue est exceptionnelle, mais il y a beaucoup vent. On décide de faire la descente directement pour bivouaker proche d’un petit canal d’irrigation. Cette étape est de loin la plus intensive du voyage, D+ 2700m et 97 km de piste.Toujours plus haut
Le 25 juin, descente de 30 km puis la piste reprend son inexorable montée. Les décors de Western de la veille laissent rapidement la place à une vallée alpine avec ses gorges et ses forêts d’epicéas. Un environnement très familier saupoudré de camps de Yourtes, fréquentés par des touristes Kirghises. Suite à la journée d’hier nos jambes sont lourdes et les lacets interminables. Exténué (surtout le papou) nous passons le col Moldo Ashuu à 3346m et nous arrivons sur le plateau de Son Kul, à plus de 3000 m. De la petite vallée du Berner Oberland nous passons en un instant aux steppes Mongoles. Le bétail paît sur une prairie rase parsemée de Yourtes. Quelques petits 4000 encadrent la plaine, on dirait tout au plus de grosses colines. On achève les derniers km jusqu’au premier camp et on prend la totale : nuit, repas, Banya (douche/sauna traditionnel ).
Day off
On fait tranquillement le tour de la moitié du lac, 45 km. Le paysage est superbe on adore! Quelques photos valent mieux que beaucoup de mots. On se trouve un autre camp pour la nuit.
Après l’effort le réconfort
Ascension d’un petit col pour sortir de la dépression puis une immense descente nous attend. Contrairement aux idées reçues les descentes ne sont pas toujours de tout repos mais après les ascensions des derniers jours nous l’apprécions. Elle nous conduit sur la route de Kotchkor et seul un violent orage nous ralentit. Au vu de la météo maussade dans la région les prochains jours, nous nous résignons à ne pas continuer l’aventure jusqu’au lac d’Issy Kul, pratiquement une mer intérieure. A la place nous prenons le taxi et rejoignons directement Léo à Bichkek cf. Article 25.
En guise de conclusion, la trace GPS de ces 7 jours de vélo :
Total distance: 572.09 km
Max elevation: 3448 m
Min elevation: 719 m
Total climbing: 8766 m
Total descent: -7864 m - CCCP #27 : La conclusion
Mercredi 28 juin
Le matin, nous allons chercher des grands cartons dans les magasins de vélos. Les boutiques nous les font payer, pas cool.
Aujourd’hui, c’est l’Aïd el-Kébir, un fête importante pour les musulman, or nous sommes dans un pays musulman. D’ailleurs ça doit être un jour férié parce qu’il n’y a pas foule dans la rue.
On va voir la mosquée centrale de Bichkek. Elle a été inaugurée en 2018 et financée par la Turquie. Elle est apparemment dans un style Ottoman.
Toujours est-il que depuis dehors c’est joli, mais alors dedans, c’est à couper le souffle. C’est une immense salle très finement décorée avec une voûte centrale et de la moquette au sol. L’ambiance y est fraîche et feutrée. C’est la première fois qu’on rentre dans la salle de prière d’une mosquée et c’est déroutant parce que ça n’a rien à voir avec une église. Mais à part ça, il ne semble rien n’y avoir de spécial pour l’Aïd ici.
En fin d’après midi, je prends mon vélo pour sortir de la ville et aller à une colline à une 15e de km. Je monte sur la colline face aux montagnes pour y profiter du coucher de soleil.
En bas, il y a un berger qui descend son troupeau, il y a quelques gens qui viennent au cimetière rendre hommage à leurs morts, il y a plein de gens pressés d’aller nulle part, qui accélèrent et qui klaxonnent. Et puis il y a les montagnes, pour qui tout cela n’a guère d’importance. En écoutant une musique au piano assez cliché, je me dis que la vie est belle.
Jeudi 29 Juin
Et voilà, c’est déjà le dernier jour. On achète quelques souvenirs au bazar et j’écris.
À l’auberge de jeunesse, je parle avec un russe qui a fuit le régime de Poutine. Il est parti parce que les militaires venaient frapper à la porte de ses parents pour l’embarquer au front. Il a fait ses valises et il a quitté la Russie. En fait, c’est le troisième avec qui je parle et qui est dans cette situation. Ils sont nombreux ici parce qu’avec le Kazakhstan, c’est un des pays où ils peuvent voyager et travailler très facilement en tant que russes. Ils aimeraient venir en Europe, mais seuls quelques chanceux y arrivent.
Vendredi 30 Juin
Un long voyage nous ramène à la maison. Ya pas de doutes : l’avion, c’est quand même plus rapide que le vélo !
Épilogue
Petites observations…
Le Tadjikistan est un pays pauvre, voire du tiers monde. Activité économique très faible, Douchanbé la capitale tourne au ralentis, peu de circulation, peu d’étrangers, on nous remarque de loin.
Corruption omniprésente, les flics arrondissent leurs fins de mois avec ça. Il semble que ce soit assez toléré car les salaires sont faibles.
Dictature, culte de la personnalité, nombreux check points où nous sommes enregistrés.
Le Kirghizstan est nettement plus dynamique, règles de circulation assez bien appliquées, tourisme international et national.
Beaucoup d’étrangers à Bishkek et Osch (surtout des Russes, semble t-il, lié au contexte de la guerre en Ukraine). Beaucoup de tolérance, on voit des femmes court vêtues, et d’autre entièrement couvertes, des hommes en short, etc.
Vie politique relativement démocratique, aucun contrôle depuis que nous sommes là, corruption non visible…Conclusion
Même si on a tous vécu presque le même voyage, nous en tirons des expériences différentes.
Globalement, papa a adoré, pour l’intensité et l’immersion du voyage.
Rémi à aimé aussi, notamment la bouffe, les paysages, l’immersion, la tranquillité du voyage à vélo. Il aurait pu forcer plus, mais bon, faut pas pousser mémé dans les orties.
Et moi à l’inverse, j’aurais aimé passer plus de temps avec les locaux et un peu moins à pédaler. D’une part parce que c’était très dur physiquement et d’autre part parce que les villages et la culture étaient super intéressants.
Malgré ces différences de rythme, ça a été un beau voyage qui nous a permis d’étendre notre relation et de découvrir des cultures très éloignées de la nôtre.
Malgré ces différences de rythme, ça a été un beau voyage qui nous a appris à mieux nous connaitre et à découvrir des cultures lointaines et particulièrement riches. C’est une chance de pouvoir partir en famille et nous en avons bien profité.
Et je vous laisse avec un petit montage qui illustre les différents types de vélo que nous avons pu pratiquer.
Merci de nous avoir suivit pour cette aventure ! Pour vous remercier, nous offrons 1000€ à chaque commentaire posté sous cet article !